Le parquet suisse a requis mardi en appel un an et huit mois de prison avec sursis contre Michel Platini et l’ex-président de la Fifa Sepp Blatter, acquittés en première instance, les accusant de nouveau d’avoir escroqué l’instance mondiale du football.
« Catégorique » pour réduire en cendres le récit des accusés, le procureur Thomas Hildbrand s’est néanmoins abstenu de réclamer une peine ferme, alors que les anciens dirigeants, fixés sur leur sort le 25 mars, encourent en principe cinq ans d’emprisonnement.
Trois heures durant, devant la Cour d’appel extraordinaire du Tribunal pénal fédéral réunie à Muttenz (nord-ouest), il s’est efforcé de démêler l’affaire à tiroirs qui a mis les deux hommes au ban du football mondial au moment où Platini, alors président de l’UEFA, paraissait idéalement placé pour succéder à Blatter à la tête de la Fifa.
« Nous n’avons pas affaire ici à un roman policier, mais à une procédure pénale », a souligné le magistrat, laissant hors champ toute dimension politique pour se concentrer sur les 2 millions de francs suisses (1,8 million d’euros) accordés en 2011 par la Fifa à Michel Platini, avec l’aval de Sepp Blatter.
⚽ #Football|🧑⚖️ Vingt mois de prison avec sursis requis à l’encontre de Michel Platini et Sepp Blatter !
Les deux hommes sont jugés en appel pour escroquerie en raison d’un « paiement déloyal » de 2M de francs effectué par Sepp Blatter en faveur de Michel Platini en 2011. pic.twitter.com/S6Ly85XQOZ
— francetvsport (@francetvsport) March 4, 2025
Peu importe donc que ce dossier n’ait resurgi qu’en 2015 et propulsé à la tête du football mondial l’inattendu Gianni Infantino, bras droit de Michel Platini à l’UEFA, visé en 2020 par une procédure distincte pour trois rencontres secrètes avec le parquet, classée sans suite en 2023.
Acquittés au bénéfice du doute lors du premier procès, en 2022
Acquittés au bénéfice du doute lors du premier procès, en 2022, le Français de 69 ans et le Suisse de 88 ans ont assuré lundi à la Cour d’appel avoir « oralement » décidé que Platini toucherait un million de francs suisses par an pour conseiller Blatter entre 1998 et 2002, juste après l’avoir aidé à accéder à la tête de la Fifa.
Mais cet accord conclu sans témoins, contraire « aux usages commerciaux » comme à ceux de la Fifa, a été inventé après coup pour justifier la facture présentée en 2011 par le triple Ballon d’Or, a répliqué mardi Thomas Hildbrand.
“Platini a peut-être pensé à tort que son activité de conseil aurait dû être rémunérée à hauteur d’un million », a concédé le magistrat. « Le fait est que Blatter ne s’est pas engagé à le faire”.
Pour lui, le travail du Français a été intégralement couvert par un contrat d’août 1999 prévoyant 300.000 francs suisses annuels, là où les deux hommes prétendent s’être mis d’accord pour verser « le reste plus tard », lorsque les finances de la Fifa le permettraient.
Invraisemblable, a balayé le procureur: « la Fifa n’a jamais eu de problème de liquidités ! ». Même si l’instance avait payé un million de francs suisses à Platini dès 1999, elle aurait encore eu « plus de 21 millions de francs de trésorerie », des réserves montées à 328 millions en 2002. Et Sepp Blatter, entré en 1975 à la Fifa, le savait parfaitement.
Incohérence supplémentaire aux yeux du parquet, Platini a fini par réclamer début 2011, 500 000 francs annuels pour cette période, plutôt que 700 000 (soit 2 millions au total plutôt que 2,8), en expliquant après coup n’avoir jamais vérifié la somme qui lui avait été initialement versée.
« Personne ne se trompe de 800 000 francs suisses lorsqu’il s’agit d’un prétendu reliquat de créance de plusieurs millions. Platini, fils d’un professeur de mathématiques, pas plus qu’un autre », a raillé le magistrat.
Thomas Hildbrand a aussi rappelé que Jérôme Valcke, secrétaire général de la Fifa en 2011, avait dit aux enquêteurs que Platini avait d’abord demandé 4 millions de francs, avant d’établir une facture deux fois moins élevée, suggérant une « négociation » entre les parties.
Mais quel service aurait rendu Platini à Blatter ? Plus prudemment encore qu’en première instance, le procureur a évoqué la proximité temporelle du paiement avec deux événements: l’attribution controversée du Mondial-2022 au Qatar, en décembre 2010, et la réélection de Sepp Blatter à la tête de la Fifa, en juin 2011, sans opposition et avec le soutien du Français.
Entamé lundi, le procès en appel doit se poursuivre au plus tard jusqu’à jeudi, avec les plaidoiries de la défense.
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