Gaz toxique et maladies graves d’ex-salariés de Tetra Médical: la justice ouvre une enquête

Par Epoch Times avec AFP
4 mars 2023 08:51 Mis à jour: 4 mars 2023 10:03

L’état de santé alarmant d’anciens salariés exposés à un gaz industriel toxique dans l’entreprise Tetra Médical, en Ardèche, aujourd’hui liquidée, a conduit vendredi la justice à ouvrir une enquête et les langues commencent à se délier.

Cette enquête préliminaire pour « mise en danger de la vie d’autrui » a été confiée « à la région de gendarmerie, qui saisira l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp), et à la direction du travail », a annoncé la procureure de Privas Cécile Deprade à l’AFP. Un autre front judiciaire s’est aussi ouvert cette semaine : le conseil des prud’hommes d’Annonay, où l’entreprise avait son siège, a enregistré mardi 51 dossiers d’anciens salariés pour « préjudice d’anxiété », a indiqué à l’AFP l’avocat spécialiste des maladies professionnelles François Lafforgue. Une trentaine d’autres dossiers sont en cours de préparation.

Objectif : « faire indemniser les salariés risquant une pathologie grave », pour exposition à l’oxyde d’éthylène. Ce gaz cancérogène, mutagène et reprotoxique a été utilisé pendant plusieurs décennies pour stériliser le matériel médico-chirurgical produit chez Tetra (compresses, kits à usage unique…) jusqu’à la liquidation de l’entreprise en février 2022. À l’époque y travaillaient encore 160 personnes. « Il s’agit à ma connaissance du premier dossier en France sur une exposition massive à ce gaz », précise François Lafforgue.

Une inquiétude légitime

L’ouverture de l’enquête fait suite à la décision, annoncée le 22 février par la préfecture, la ville et l’agglomération d’Annonay, de créer une « cellule de soutien psychologique » pour les anciens salariés. Le communiqué officiel évoque une « inquiétude légitime ». Jusqu’en octobre 2022, cette inquiétude s’exprimait en cercle restreint : « On se disait entre nous que ces maladies et ces décès, ça commençait à faire beaucoup… », raconte Catherine Guironnet, 54 ans, victime de deux cancers en 2003 et 2019.

Après 21 ans chez Tetra Médical comme agent de production puis de contrôle, la salariée décide de mener ses propres recherches sur l’oxyde d’éthylène. « Là, j’ai compris que ce gaz n’était pas aussi anodin que ça. Les agents de sécurité de l’entreprise nous rassuraient, expliquant que c’était un gaz lourd, restant au sol. Dans notre tête, on se disait qu’on ne craignait rien… »

La personne qui déclenche les choses

C’est parce qu’il fallait « qu’une personne déclenche les choses » qu’elle décide en octobre de pousser la porte d’un syndicat. Elle en parle avec un collègue agent de stérilisation qui fait la même démarche, car son épouse est décédée d’un cancer après 17 ans chez Tetra. « Les langues ont alors commencé à se délier », résume Raphaël Foïs, secrétaire local du syndicat.

D’anciens employés défilent dans son bureau, des réunions publiques sont organisées, avec 50, 60, puis 150 personnes…  Dans cette ville de 17.000 habitants, « chacun connaît quelqu’un ayant travaillé chez Tetra », explique le syndicaliste qui transmet alors les témoignages à l’avocat. « Plus ce dossier avance, plus on se rend compte de l’ampleur des dégâts. Pas grand chose n’a été fait correctement dans cette entreprise », estime François Lafforgue.

La direction de Tetra Médical a-t-elle suffisamment appliqué des mesures de prévention et d’information ? La médecine du travail, a-t-elle été alertée ? A-t-elle voulu ou pu effectuer des contrôles ? Sollicitées par l’AFP, la première n’a pas répondu, la seconde a fait savoir qu’elle n’avait « pas de déclaration à faire ». L’avocat des salariés fait, lui, état d’un rapport de la médecine du travail datant de novembre 2019 et évoquant « des problèmes de fonctionnement » à la suite d’une visite effectuée en début d’année.

Une vingtaine de mois plus tard, à deux semaines de la liquidation, la médecine du travail fait effectuer des prises de sang sur 19 salariés. Les analyses révèlent des taux d’oxyde d’éthylène anormalement élevés. Les dégâts pourraient ne pas s’arrêter là. Car des pathologies graves sont aussi relevées chez des enfants nés de mères salariées dans l’entreprise.

L’une d’elles, Aurélie Piot, a recueilli 13 témoignages décrivant « cancers, malformations congénitales » de « bébés Tetra », mais aussi une déficience de « fertilité des mamans ». Ce ne sera pas facile à prouver, mais cela fait beaucoup de coïncidences… »

 

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