Dans de nombreux documents officiels japonais, nous ne sommes pas en 2018 mais dans l’année 30 de l’ère Heisei, soit la 30e année du règne de l’empereur Akihito. Avec son abdication fin avril, l’archipel se prépare à changer d’époque. D’habitude, le nom de l’ère nouvelle n’est annoncé que quelques jours après le décès de l’empereur, un événement par essence imprévisible. Le 7 janvier 1989, quand Hirohito est mort, le Japon se trouvait alors dans la 64e année de l’ère Showa (1926-1989) qui devint du jour au lendemain l’an inaugural de l’ère Heisei.
Naruhito, montera sur le trône du Chrysanthème
Cette fois, les fabricants de calendriers sont plutôt chanceux. Puisqu’une loi d’exception autorise le 125e empereur du Japon, Akihito, 84 ans, à passer la main de son vivant, tout est prévu d’avance et l’appellation de la nouvelle ère devrait être annoncée plusieurs mois avant le 1er mai, quand son fils aîné, Naruhito, montera sur le trône du Chrysanthème.
Ce sera certes trop tard pour les almanachs de 2019, mais le nom de l’ère devrait figurer sur ceux de 2020, espère Kunio Kowaguchi, président de la compagnie Todan qui fabrique chaque année 10 millions de calendriers. L’administration, les écoles, les hôpitaux qui fournissent des documents mentionnant l’ère, aux côtés du calendrier grégorien, auront eux aussi le temps de s’organiser.
La pratique de l’ère (« gengo » en japonais) puise ses origines dans la Chine ancienne mais elle ne reste en vigueur qu’au Japon, selon les historiens. Le pays a connu près de 250 ères, soit beaucoup plus que le nombre d’empereurs car il était de coutume de changer de nom pour marquer un nouveau départ après des désastres naturels ou autre événement majeur.
Le terme de l’ère sélectionné doit être inédit, refléter les idéaux de la nation
Le choix de l’appellation se fait selon un processus rigoureux qui ne dépend pas de la Maison impériale, mais du gouvernement. Le terme sélectionné doit être inédit, refléter les idéaux de la nation, Heisei signifiant par exemple « accomplissement de la paix », être composé de deux idéogrammes, être facile à écrire et à lire ainsi qu’éviter les noms courants de personnes, de compagnies ou de lieux.
Et il ne pourra probablement pas débuter par les lettres M, T, S et H, qui remplissent déjà de nombreux formulaires administratifs en référence aux ères du Japon moderne (depuis 1868): Meiji, Taisho, Showa et Heisei. Les Japonais s’amusent à faire des pronostics dans une ambiance qui contraste avec l’humeur grave des derniers mois de l’époque Showa, quand Hirohiro luttait contre la mort, raconte Junzo Matoba, haut fonctionnaire qui a œuvré dans l’ombre à la transition.
« Certains pensaient que c’était un manque de respect » de préparer l’ère suivante alors que l’empereur actuel était encore en vie, confie l’octogénaire. « Je devais travailler dans le secret. »Il se souvient de consultations délicates avec les experts, à l’ego parfois démesuré, ils se prenaient pour le « Mont Fuji », s’amuse-t-il. « Je me suis senti pris dans une tâche tellement difficile, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. » Finalement l’annonce du nouveau nom a été faite huit heures après que l’empereur passa de vie à trépas.
Les journaux et magazines ont multiplié les rétrospectives sur les 30 ans de l’ère Heisei, de l’empereur Akihito
Ce changement d’ère est le premier à survenir à l’époque du tout informatique. Certains redoutent un « bug » comme on le craignait à l’époque du passage à l’an 2000. « Mais la différence avec le problème de l’an 2000 et le changement d’ère précédent, c’est que les technologies sont désormais utilisées partout et que l’information circule aussi via internet, avec des équipements adaptés », commente Kazunori Ishii, porte-parole de Microsoft au Japon. Si le système des changements d’ères est compliqué, peu aujourd’hui le remettent en cause.
Le patron de la compagnie de calendriers défend même cette pratique. « Il est plus facile de se remémorer le passé avec des ères: par exemple, on se souvient que la bulle a éclaté au début de l’ère Heisei », souligne M. Kowaguchi, en référence à l’effondrement de l’économie japonaise dans les années 1990. Ces derniers mois, les journaux et magazines ont multiplié les rétrospectives sur les 30 ans de l’ère Heisei, qui a débuté avec la chute du mur de Berlin et la sortie de la populaire console Gameboy de Nintendo et a été le théâtre de drames, comme le séisme et le tsunami de mars 2011 ou encore l’attaque au gaz sarin de la secte Aum dans le métro de Tokyo en 1995.
Après l’exécution en juillet des 13 condamnés à mort d’Aum, les médias affirmaient que les autorités avaient choisi de solder cette sombre histoire avant l’avènement d’une nouvelle ère. « Les Japonais adorent repartir de zéro. Une nouvelle ère, un nouvel état d’esprit », résume M. Matoba.
DC avec AFP
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