Saxophoniste génial et touche-à-tout, le jazzman américain Wayne Shorter est mort jeudi à l’âge de 89 ans après s’être imposé un demi-siècle durant à la hauteur des légendaires Sonny Rollins, John Coltrane, Miles Davis ou Herbie Hancock.
Considéré comme l’un des plus grands compositeurs de jazz des États-Unis, cet artiste afro-américain « visionnaire » né le 25 août 1933 à Newark, près de New York, s’est éteint à l’autre bout du pays, à Los Angeles, a annoncé dans un communiqué son agente Alisse Kingsley.
Cité dans ce communiqué, le géant Herbie Hancock, son « ami le plus proche depuis plus de six décennies », s’est incliné devant un « être humain irremplaçable, capable d’atteindre le pinacle de l’excellence, comme saxophoniste, compositeur, arrangeur et récemment compositeur de l’opéra… Iphigenia ».
Dans tous les registres musicaux, un géant « véritablement unique »
De fait, l’influence de Wayne Shorter dépasse largement le registre du jazz pour toucher nombre de genres musicaux : rock, folk, blues, pop, opéra, classique. Et le New York Times, qui fut l’un des premiers médias à annoncer sa disparition, le qualifie dans sa nécrologie de musicien « innovant », « intrépide » et « énigmatique ». Parmi les premiers à réagir, le trompettiste américain Wynton Marsalis a salué son aîné de 30 ans, qui « améliorait tout ce qu’il touchait et qui restera pourvoyeur de la perfection pentatonique, maître de mélodies déclinées en blues, héros d’effets harmoniques verticaux et horizontaux et géant du saxophone quel qu’en soit le registre » musical.
Le jeune pianiste virtuose de la Nouvelle-Orléans Jon Batiste a aussi rendu hommage à Shorter, « véritablement unique », publiant une courte vidéo sur Twitter où les deux hommes partagent un moment de complicité musicale.
RIP @Wayne_Shorter. Truly one of one. pic.twitter.com/m2rtDAwL8x
— jon batiste (@JonBatiste) March 2, 2023
Son agente a rappelé que les « œuvres de Shorter ont été jouées par les orchestres symphoniques de Chicago, Detroit, Lyon, de la radio polonaise… » et qu’il a encore remporté en février son 13e Grammy Award, les Oscars de l’industrie musicale.
Ami et collaborateur des plus grands, Miles Davis, Herbie Hancock, Art Blakey, il excellait aussi bien au saxophone soprano qu’au ténor, notamment avec son groupe de jazz fusion des années 1970 et 1980, Weather Report. Éclectique et sachant aborder nombre de registres musicaux, Wayne Shorter a accompagné le Brésilien Milton Nascimento, le Malien Salif Keita, la Canadienne Joni Mitchell et même les rockeurs britanniques des Rolling Stones, le guitariste mexicain Carlos Santana ou encore la chanteuse pop new-yorkaise Norah Jones.
Dès les années 1960, Wayne Shorter avait réussi à imposer une troisième voix dans le jazz, au cours d’une période dominée par les saxophonistes de légende John Coltrane et Sonny Rollins. Avec son frère Alan Shorter (1932-1988), ils jouaient du bebop et se surnommaient « Mr Weird » (« Monsieur Bizarre ») et « Doc Strange » (« Docteur Étrange »), chaussés de lunettes noires dans la pénombre de clubs de jazz.
R.I.P. Wayne Shorter, August 25, 1933 – March 2, 2023. Here he is performing his composition “Footprints” in 1967 with Miles Davis on trumpet, Ron Carter on bass, Herbie Hancock on piano and Tony Williams on drums. pic.twitter.com/vCtPrzTaH9
— Dust-to-Digital (@dusttodigital) March 2, 2023
Il était l’un des derniers géants du sax, instrument du jazz qu’il avait embrassé dès les années 1950 après une adolescence de clarinettiste. « Je savais que des gens commençaient un instrument à l’âge de cinq ans et je savais donc que j’avais beaucoup de retard à rattraper », avait relevé Shorter avec une pointe de malice, en 2018 auprès du Washington Post, avant de recevoir une récompense pour toute son œuvre, du centre culturel Kennedy de Washington.
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