En 2015, le Parlement kosovar avait institué une cour spéciale obéissant à la loi kosovare mais installée à La Haye par souci de protection des témoins, avec comme objectif de juger d’anciens responsables de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) pour des crimes commis pendant la guerre d’indépendance contre les forces de Belgrade (1998-99, 13.000 morts).
Or en échange, selon Hashim Thaçi, le Kosovo n’a rien obtenu: libéralisation par l’UE des visas pour les Kosovars, adhésion à l’Unesco, création d’une armée kosovare porteuse de tensions avec la minorité serbe et Belgrade.
Proche allié politique d’Hashim Thaçi, Bekim Collaku réfute que son patron ait tourné le dos aux Européens : il « est sans aucun doute le chef d’Etat le plus pro-UE des Balkans occidentaux, même au-delà ». Mais nous « avons besoin d’une véritable perspective et d’un traitement égal » avec les voisins du Kosovo, « tant que ce n’est pas le cas, le Président ne peut pas applaudir ceux qui laissent le Kosovo isolé », poursuit Bekim Collaku sans évoquer la cour spéciale.
Celle-ci pourrait prononcer ses premières inculpations dans les prochaines semaines. Parmi les inculpés possibles, est souvent avancé le nom d’Hashim Thaçi, alors patron politique de l’UCK.
En mars 2016, expliquant à l’AFP n’avoir « rien à cacher », il offrait son « plein soutien » à cette cour en gestation. Il exprime désormais ses doutes sur une instance qui ne se préoccupera que des crimes côté UCK et non d’« environ 400 massacres commis par les forces serbes ».
Une association de proches de victimes de guerre, lui a demandé son soutien afin d’amender la loi établissant cette cour spéciale pour qu’elle enquête aussi sur des crimes serbes. Le jour de l’attaque de Thaçi contre la communauté internationale, a été publiée un sondage selon lequel les Kosovars considèrent cette instance injuste, plus de la moitié se disant prêts à manifester en cas d’inculpations de commandants de l’UCK.
« Le souffle de la Cour spéciale se fait peut-être sentir », a écrit un éditorialiste important, Veton Surroi, opposant déterminé à Hashim Thaçi. Selon lui, la déclaration présidentielle peut être interprétée comme « un avertissement qu’il est prêt à l’option de la terre brûlée, au moins à en brandir la menace ».
Le chef de l’État « entend déstabiliser la situation pour se sauver de la cour », a expliqué à l’AFP le professeur de science politique Belul Beqaj.
Parmi les dirigeants du pays, beaucoup sont d’anciens rebelles. Derrière le désormais Premier ministre Ramush Haradinaj et le président du parlement Kadri Veseli, ils se sont coalisés lors des législatives du printemps pour conserver un pouvoir qui s’effritait.
« Ils contrôlent les mécanismes vitaux de l’État », relève le politologue Ramush Tahiri. Et leurs partis « pourraient tenter de déclencher le mécontentement », met en garde l’expert en sécurité Lulzim Peci.
Pour Shqipe Pantina, responsable du principal parti d’opposition Vetevendosje (gauche nationaliste), la déclaration d’Hashim Thaçi « montre combien il est usé par le jeu sordide qu’il a joué jusqu’à présent ».
Mais Ismet Salihu, professeur de droit, appelle les Kosovars à « se préparer à des inculpations » car le processus, enclenché par un rapport du Conseil de l’Europe sur les exactions présumées de l’UCK, est « irréversible ». Ce rapport met en cause l’UCK pour le kidnapping et la disparition de 500 civils, en majorité serbes.
Peci prévient: toute tentative de « jouer la carte de la déstabilisation pour retarder les travaux de la cour, se retournera contre le Kosovo » qui « se retrouvera dans une situation d’isolement total et soumis à des sanctions ».
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