ARTS ET CULTURE

La musique des mots d’hiver : Schubert, Schumann et Strauss

Réfléchissez à ces pièces musicales écrites par trois maîtres de la musique tout en restant au chaud au coin du feu
janvier 21, 2025 19:49, Last Updated: janvier 22, 2025 1:59
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L’hiver est plus qu’une période d’obscurité et de froid. Les choses semblent se replier sur elles-mêmes, mais en réalité, elles sont en gestation et germent à l’abri des regards. Les graines commencent à forcer leurs racines à travers le sol froid, et les branches tiennent dans leurs poings serrés les fleurs qu’elles libéreront à la bonne saison.

Il est facile d’oublier à quel point nous sommes en phase avec les cycles de la nature. Nous aussi sommes enclins à nous replier sur nous-mêmes durant cette période, à abriter les forces qui se rassemblent en nous et à nous préparer à la vie renouvelée qui se trouve, pour l’instant, hors de notre portée.

Nous devons respecter la puissance de l’hiver, ses éléments déchaînés qui peuvent en un instant nous écraser. Mais nous pouvons regarder au-delà et percevoir également sa beauté transcendante et la puissance infinie qui s’y cache.

Un hymne

Portrait de Franz Schubert, 1875, par Wilhelm August Rieder. (Domaine public)

L’Hymne an den Unendlichen (Hymne à l’Infini) du compositeur autrichien Franz Schubert est un tel regard vers l’au-delà. À 18 ans, il a mis en musique les mots du poète Friedrich Schiller :

« Entre ciel et terre, haut dans la mer des airs

Un rocher dentelé me porte sur le berceau des tempêtes,

Sous moi les nuages s’accumulent

Pour monter à l’assaut

Pris de vertige, les éclairs voltigent alentour

Et je pense à toi, Éternel. »

L’œuvre est d’une ampleur monumentale, destinée à quatre voix solistes plutôt qu’à un chœur, reflétant peut-être la fragilité de l’homme face à la nature. Devant une telle force et une telle splendeur, les harmonies sombres créent une atmosphère d’émerveillement.

Une mélodie folklorique

Lithographie de Robert Schumann, 1839, par Joseph Kreihuber. (Domaine public)

Le monde extérieur est certes volatile, parfois orageux, parfois magnifique, mais le monde intérieur est une autre affaire. Il fait son meilleur travail en silence, en absorbant les événements de la vie, en les traduisant en pensées et en émotions.

Friedrich Rückert a écrit Ich hab’ in mich gesogen, une description de cette mystérieuse alchimie : « Ici, dans mon cœur, il y a le ciel bleu, ici les champs verts, ici les fleurs et leur parfum. » Ces choses sont restées en lui malgré l’arrivée de l’hiver.

Dans l’esprit du poète, le printemps, avec sa joie de vivre, renaît à travers les mots. Les mots, rassemblés en vers, se tissent dans la trame de l’esprit et du cœur d’autrui, quelle que soit la saison ; le printemps continue de vivre, une merveille et un mystère. Robert Schumann a composé cette poésie sur Ich hab’ in mich gesogen, une belle mélodie folklorique une harmonie simple pour que les mots ne soient pas seulement des pensées mais aussi des sentiments.

Une chanson

Le compositeur romantique allemand Richard Strauss. (Archives de la bibliothèque publique de New York. PD-US)

L’hiver est à la fois un symbole et une saison. À la fin du XIXe siècle, nos grands artistes, qui étaient aussi des prophètes et des clairvoyants, savaient que les années à venir seraient sombres, turbulentes, violentes. Des révolutions allaient se produire, de grandes guerres étaient imminentes, les gens perdaient la foi et abandonnaient leurs traditions.

Un tel pressentiment a incité Richard Strauss, en 1900, à mettre en musique les paroles de Winterweihe (Dédicace hivernale) de Karl Henckell :

« En ces jours d’hiver, maintenant que la lumière faiblit, confions-nous l’un à l’autre la lumière que nous portons dans nos cœurs. La roue du temps peut tourner, nous ne pouvons pas intervenir, mais jour et nuit, dans notre union mutuelle, nous tiendrons la promesse de l’amour. »

Dans Winterweihe, une ligne vocale ample et gracieuse porte les mots avec une assurance calme, des mots que presque tout le monde souhaite ou a souhaité dire à quelqu’un un jour ou l’autre. La musique, avec ses cordes soutenues et l’appel lointain d’un cor, peint un paysage enneigé, silencieux et spacieux. Cette chanson innocente figure parmi les œuvres sublimes de notre tradition musicale ancestrale. C’est un regard sur les profondeurs de notre âme, une assurance que cette âme en nous a plus de pouvoir que le monde extérieur.

Ainsi, année après année, la nature continue de raconter son histoire et de tenir sa promesse. « La trompette d’une prophétie ! » écrit Percy Bysshe Shelley. « Ô Vent, si l’Hiver s’approche, le Printemps peut-il être loin derrière ? »

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