Le sinologue François Godement, conseiller Asie pour le cercle de réflexion Institut Montaigne, plaide pour une « forme de réponse coordonnée » des Européens face aux investissements de la Chine et à « l’intensité des politiques industrielles et technologiques chinoises ».
M. Godement a commenté les relations UE-Chine lors d’un entretien avec quelques journalistes, dont l’AFP, à la veille de la visite en Europe du président Xi Jinping dont le volet France est l’occasion mardi d’une rencontre quadripartite avec son homologue français Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
QUESTION: Y a-t-il une évolution du discours de l’UE vis-à-vis de Pékin, notamment dans les dix propositions de la Commission formulées le 12 mars, qui évoquent notamment les transferts de technologie forcée, les subventions, la réciprocité la sécurité des infrastructures numériques, les investissements dans des domaines critiques ?
RÉPONSE: La communication de la Commission européenne est pour moi sans précédent, extraordinaire. A partir de la 5e recommandation, on n’est plus du tout sur des objectifs de négociation avec la Chine, on est sur ce que l’Europe doit faire de toutes façons, pour répondre à la Chine.
Il est extrêmement important que la Commission prenne une position sur la sécurité des réseaux, les infrastructures critiques. L’intensité des politiques industrielles et technologiques chinoises oblige à une forme de réponse coordonnée.
Et les termes de la Commission sont très forts: rival systémique, compétiteur stratégique.. Ça a peut-être été pensé mais n’a jamais été dit aussi nettement. Je pense qu’ils ont décidé d’interpeller la Chine par lassitude face à l’absence de réponses chinoises sur un certain nombre de questions et de sujets de négociations.
Q: Comment la Chine, de son côté, considère-t-elle l’Union européenne ?
R: La visite de Xi Jinping (avec l’Italie qui a rejoint les Nouvelles routes de la Soie de Pékin, ), de ce point de vue-là, symbolise la division de la politique chinoise vis-à-vis de l’Europe.
Il y a les grandes déclarations et l’adhésion formelle à l’intégration européenne et, en réalité, des négociations qui traînent depuis des années ou sont bloquées. Et, par contre, une action bilatérale avec chaque pays, pour laquelle finalement Xi Jinping, en tous cas depuis six mois passe beaucoup plus de temps. Et ça, ça ne peut pas ne pas avoir une signification !
Sur le filtrage des investissements par exemple (soutenu par la France et l’Allemagne, et sur lequel Italie et Royaume-Uni se sont abstenus), j’observe que la Chine perd peu de temps à polémiquer sur cette réglementation et s’emploie de façon pratique à travailler chaque pays, un par un.
Q: Comment la Chine se positionne-t-elle vis-à-vis du président français Emmanuel Macron ?
R: Je pense qu’il y a une absence totale d’expression chinoise parce que le personnage leur échappe authentiquement. Le « en même temps » est difficile pour eux à interpréter. Ça ressemble un peu à l’ambiguïté de Mme Merkel par certains côtés.
C’est un gouvernement qui a pris comme représentant vis-à-vis de la Chine (l’ancien Premier ministre) Jean-Pierre Raffarin qui, d’un côté, est favorable au volet le plus positif des Routes de la Soie et, de l’autre, est un des soutiens les plus fermes des mesures de défense commerciale et du filtrage des investissements.
C’est aussi un gouvernement qui répond à 120% aux déclarations de Xi Jinping sur le multilatéralisme mais qui présente des demandes par exemple sur la coopération en Afrique.
(propos recueillis par Joëlle GARRUS)
D.C avec AFP
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