À la frontière germano-polonaise, le centre d’accueil pour migrants de Eisenhüttenstadt est à la peine : « chaque jour, environ 100 personnes arrivent ici. Et cela devrait encore augmenter jusqu’à 120 », prédit son directeur.
Le site est aux premières loges d’un afflux de réfugiés qui contraint le gouvernement d’Olaf Scholz à prendre des mesures pour limiter les entrées, provoque un vif débat dans le pays et contribue à faire monter l’extrême droite anti-immigration dans les sondages. Cette ancienne caserne de l’Allemagne de l’Est communiste, transformée en camp d’accueil, peut héberger 1550 personnes dans de petits immeubles en béton.
Selon Olaf Jansen, 63 ans, directeur du centre depuis cinq ans, la situation actuelle est comparable à celle de l’été 2015, quand Angela Merkel avait ouvert en grand les portes de son pays à plus d’un million de réfugiés, dont un grand nombre de Syriens. « Si l’on additionne les demandeurs d’asile aux Ukrainiens – dispensés de demande en Allemagne –, on arrive à une situation similaire », dit-il à l’AFP.
« Explosion » du « nombre de passages illégaux »
En début de semaine, le ministre de l’Intérieur du Brandebourg, la région où se trouve Eisenhüttenstadt, Michael Stübgen, a parlé d’« explosion » du « nombre de passages illégaux par la frontière germano-polonaise. Jamais celui-ci n’a été aussi haut, « même pendant la période 2015-2016 », selon lui. Deux principales routes d’immigration aboutissent désormais en Pologne puis en Allemagne. « Une première moitié des migrants de Eisenhüttenstadt sont passés par Moscou et le Belarus, et l’autre moitié a emprunté la route des Balkans, qui passe aussi par la Hongrie et la Slovaquie », explique-t-il.
C’est le cas d’Abdel Hamid Azraq, 34 ans, originaire d’Alep en Syrie. Parti en bateau de Turquie vers la Grèce, il a poursuivi son chemin à pied et parfois en voiture à travers la Macédoine, la Serbie, la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne. « De la Turquie à la Grèce, c’était 500 dollars. De la Grèce à la Serbie, 1000 dollars, et encore la même somme pour rejoindre l’Allemagne », raconte-t-il à l’AFP. Un voyage très bon marché, à en croire M. Jansen. Selon lui, « les prix réclamés par les passeurs vont de 3000 à 15.000 dollars, selon le degré de confort offert ».
Les Syriens, comme Abdel Hamid Azraq, forment le plus gros groupe à Eisenhüttenstadt – entre 15 et 20% –. Viennent ensuite les Afghans (entre 12 et 15%), puis les Kurdes originaires pour la plupart de Turquie (8%), suivis des Géorgiens, Russes, Pakistanais, mais aussi d’Africains, Camerounais et Kenyans principalement.
Renforcement des contrôles mobiles
Pour M. Jansen, le renforcement des contrôles mobiles de police allemande à la frontière avec la Pologne et la République tchèque, annoncé mercredi, est une très bonne chose. « Chaque contrôle supplémentaire permet d’arrêter davantage de passeurs. Un passeur en moins, c’est quelques centaines de personnes qui ne pourront plus franchir illégalement la frontière », se félicite-t-il.
Selon M. Jansen, le Belarus continue de faciliter le passage de migrants originaires du Moyen-Orient vers la Pologne, comme il l’avait déjà fait en 2021. « Cela fait maintenant 12 mois que l’on a beaucoup d’arrivées en provenance de ce pays », observe-t-il. Des réfugiés ont témoigné qu’on leur avait donné au Belarus des « échelles et de grosses pinces pour faire des trous dans le grillage censé empêcher l’entrée en Pologne ».
Tous n’ont qu’une idée en tête : rester en Allemagne
Environ 80% des migrants sont arrivés à Eisenhüttenstadt, escortés par les policiers allemands qui les avaient repérés à la frontière, 20% sont venus par leur propres moyens. Dans ce centre, où ils restent en temps normal 3 à 4 mois avant d’être répartis ailleurs dans le pays, les migrants peuvent faire leur première demande d’asile. Selon M. Jansen, environ 50% des migrants d’Eisenhüttenstadt ont une chance de voir leur demande d’asile acceptée.
Pour Ali Ogaili, un Irakien de 24 ans, qui affirme à l’AFP être homosexuel, les perspectives sont bonnes. À Eisenhüttenstadt, un immeuble est spécialement réservé aux femmes seules pour les protéger. Tous n’ont qu’une idée en tête : rester en Allemagne, à l’image d’Abdel Hamid Azraq, qui veut « y travailler, ramener sa famille et servir le pays et la société allemande, Inch’Allah ! »
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