La double inconstance de Marivaux, mis en scène par René Loyon au Théâtre de l’épée de bois présente l’amour comme enjeu politique.
C’est de ce point de vue que le metteur en scène René Loyon a choisi de nous présenter la pièce la plus machiavélique de Marivaux. « Un chef-d’œuvre de cynisme tranquille ou de cruauté souriante », nous dit René Loyon, « puisque la croyance en l’amour, le mythe de la toute-puissance de l’amour, s’y trouve battue en brèche par la volonté du pouvoir politique ».
Une fois de plus Marivaux s’amuse avec la surprise de l’amour. « Curieusement, il nous propose un mélange de sentiment amoureux et de politique car aimer, c’est se mettre sous la coupe de l’autre ; être aimé, c’est avoir tout pouvoir sur l’autre ».
Le prince est amoureux de Silvia qui est amoureuse d’Arlequin qui l’aime en retour. Mais le prince qui veut s’assurer qu’on l’aime pour lui-même et non pas pour sa position, livre les amants à Flaminia pour qu’elle mette en œuvre la machination de la double inconstance.
Sceptique à la profondeur du sentiment amoureux, Marivaux fait une expérience sur les sentiments humains. Il manipule ses personnages et les fait réagir aux intrigues qu’il leur crée, faisant se mêler et rebondir les situations.
Silvia et Arlequin qui se portent un amour pur l’un à l’autre finissent par céder à la séduction de la chose, bref de la consommation et du spectaculaire. Lui, se laisse piéger par son attachement à la gourmandise et elle, se laisse happer par l’attrait de la mondanité, les belles robes mais surtout par l’esprit de compétition et les rivalités de la cour.
Flaminia qui tire les ficelles reste toujours un personnage énigmatique par son côté malgré tout sincère. Pourquoi voudra-t-elle autant aider le Prince ? Flaminia et sa sœur vivent à la cour, mais fille de domestique, peut-être déçue par le Prince, Flaminia cherche à échapper à ce monde.
La pièce de Marivaux est un délice aigre-doux, amer car un couple se défait, doux car même manipulé chacun fini par trouver son bonheur. Le public est témoin du spectacle de toutes ces manigances qui troublent et déséquilibrent celui qui, « sincère », pense être maître de ses désarrois et fidèle à ses émotions.
La cage dorée
Un canapé rouge quelques coussins et deux murs seuls servent de décor.
« Je me méfiais de ce qu’on appelle le « marivaudage », explique René Loyon. « Le charme de la langue et de l’élégance, souvent empêchent de voir la puissance et les enjeux profonds de la pièce ».
En effet, ce décor minimal qui ne fait qu’insinuer la cage dorée dans lequel est enfermée Silvia laisse la place à la subtilité de Marivaux qui n’empêche pas pourtant de savourer le magnifique texte de Marivaux, les mots coulants comme de l’eau douce ou tumultueuse, passionnés ou apaisés, interprétés délicieusement par les comédiens dirigés avec finesse par René Loyon.
Natacha Steck dégage la loyauté enthousiaste de la jeune bergère. Hugo Seksig charme en Arlequin audacieux et naïf. Maria Delmarès interprète avec justesse le personnage intriguant à double sens de Flaminia, Augustin Passard est beau et séduisant dans le rôle du Prince.
Mise en scène : René Loyon
Avec
Jacques Brücher : Trivelin
François Cognard : Un Seigneur
Marie Delmarès : Flaminia
Augustin Passard : Le Prince
Hugo Seksig : Arlequin
Cléo Sénia : Lisette
Natacha Steck : Silvia
Laurence Campet : Dramaturgie
Nicolas Sire : Décor
Nathalie Martella : Costumes
Laurent Castaingt : Lumières
Jennifer Montesantos : Régie générale
Info pratique
Du 30 novembre du 24 décembre 2016
Théâtre de l’Epée de Bois. Cartoucherie Paris.
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