Six mois après l’annulation de sa précédente élection présidentielle, qui avait brièvement déclaré vainqueur l’écologiste Alexander Van der Bellen, l’Autriche rappellera le 4 décembre ses électeurs aux urnes pour décider une nouvelle fois qui, entre Van der Bellen et le dirigeant d’extrême-droite Norbert Hofer, ils souhaitent avoir comme président. Le nouveau monde dans lequel cette question est posée est celui dans lequel les Britanniques ont pris la décision de quitter l’Union européenne, et les Américains de prendre Donald Trump pour dirigeant.
Alors que les sondages, à quelques jours de cette élection, donnent une légère avance au candidat ultra-nationaliste, les interrogations se lèvent quant aux conséquences pour l’Europe du vote autrichien.
Les raisons d’une annulation
Le président autrichien, un peu comme dans le système de République parlementaire allemand, a un rôle principalement honorifique et est donc d’une importance politique inférieure à celle de son Premier ministre. Il peut cependant dissoudre le Parlement et le Conseil d’Etat et déclencher des élections, leviers précieux aux prises de pouvoir dans des périodes troublées comme celle que traverse l’Europe.
Au mois de mai, Alexander Van der Bellen, qui s’était présenté comme candidat indépendant, avait gagné sur le fil l’élection présidentielle, par une maigre marge de 31 000 voix. Le Parti de la Liberté a réussi à contester le résultat de l’élection en démontrant que les votes postaux avaient été mal gérés dans plus de 80% des districts autrichiens.
Deux candidats, deux chemins
Norbert Hofer, interrogé par la BBC, dit vouloir une « meilleure Europe » et est prêt, s’il devient le premier dirigeant européen d’extrême-droite, à convoquer un référendum sur l’Union. Car, « si la réponse au Brexit », indique-t-il à la BBC, « est de créer une Union européenne encore plus centralisée, dans laquelle les Parlements nationaux perdraient leur pouvoir et dans laquelle l’Union serait dirigée comme un pays, il faudrait que notre pays tienne un referendum, car cela demanderait de notre part un changement de la Constitution. »
Agé de 45 ans, Norbert Hofer a brièvement commencé une carrière d’ingénieur dans l’aéronautique lorsqu’il avait une vingtaine d’années, avant de se consacrer à plein-temps à la politique et à son parti « Le Parti de la Liberté » dont il préside le groupe parlementaire. Sans chanter trop haut les louanges du président-élu aux États-Unis, il voit dans l’élection de Donald Trump une opportunité d’améliorer les relations avec la Russie et une illustration du fait, cite Reuters, que « là où les élites sont éloignées des électeurs, ces élites sont rejetées lors des élections ».
« Dieu ne peut être manipulé pour des intentions personnelles ou des objectifs politiques. »
-Pasteur Michael Buenker
Alexander Van der Bellen, professeur d’économie âgé de 72 ans et ancien dirigeant du parti écologiste autrichien, veut « une Autriche cosmopolite et libérale » sans que cela implique d’en supprimer les frontières. Interrogé sur l’impact de l’élection américaine sur les résultats à venir en Autriche, il demande aux électeurs de « réfléchir de manière un peu plus poussée à ce que cela signifie de soutenir Donald Trump avec tant de ferveur. Cela signifie-t-il que vous êtes contre la Sécurité sociale en Autriche ? Cela signifie-t-il que vous voulez créer des murs à nos frontières quel qu’en soit le coût ? Je ne peux pas vous dire que je suis Superman. Ceci va à l’encontre de ce que je suis et j’ai trop longtemps travaillé dans la recherche académique pour parler de manière si emphatique. Mais j’ose vous dire qu’il vaut mieux pour l’économie autrichienne que je sois élu plutôt que monsieur Hofer. »
La question des réfugiés
L’Autriche, avec ses 8,7 millions d’habitants, est le pays européen, avec la Suède et l’Allemagne, à avoir pris le plus de part à l’accueil des migrants syriens, dont 120 000 sont sur son sol. L’enjeu est devenu central pour les élections. Alexander Van der Bellen rappelle être fils de réfugiés russo-estoniens ayant fui le communisme, et avoir grandi grâce à l’accueil de l’Autriche, pour ensuite lui rendre ce qu’elle lui avait donné.
« C’est bien sûr une question humaine, mais je ne peux ignorer complètement le fardeau budgétaire », répond Norbert Hofer à Reuters. Le candidat nationaliste considère, par exemple, que le choix d’Angela Merkel d’ouvrir les portes de l’Union aux réfugiés est une erreur majeure « qui induit des coûts gigantesques pour l’Union ainsi que pour les contribuables autrichiens ». Sans contester que les musulmans autrichiens fassent partie du pays. Il déclare, par ailleurs, que « l’Islam ne fait pas partie de nos valeurs. »
Le site d’informations autrichien The Local rappelle dans ce contexte que les exemples d’incitation à la haine se multiplient sur tout le territoire autrichien, avec une augmentation de près de 20% en 2016. Les attaques sur des centres de réfugiés ont, elles, doublé, avec un impact particulier dans le Sud-Est du pays, dans la région du Styria, proche de la frontière slovène par laquelle transitent de nombreux migrants.
Un des slogans de Norbert Hofer, traductible par « avec l’aide de Dieu », s’est attiré les critiques de l’église protestante. « Dieu ne peut être manipulé pour des intentions personnelles ou des objectifs politiques », explique le Pasteur Michael Buenker dans une déclaration conjointe des dirigeants protestants, citée par la BBC. Dieu, disent-ils, est le défenseur des faibles, « ce qui inclut aujourd’hui les réfugiés ». Ce débat entre compassion et rigueur animera le vote du 4 décembre dont l’issue, si elle était favorable à Norbert Hofer, ouvrira très probablement la porte à des élections législatives anticipées.
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