Lorsqu’un enfant dessine, il est important de laisser libre cours à sa créativité, sans jugement ni critique. Mais l’appui parental reste important… ainsi que la conservation des œuvres.
Un dessin offert par un enfant est un message très personnel et donc très précieux.
Laura, 6 ans, vient de terminer son dessin: un arbre magnifique, avec un tronc bien droit, une frondaison imposante – et tout bleu. Quentin, lui, âgé de 2 ans, a représenté un bonhomme en deux grands traits. Et une question taraude leurs parents : face à ces surprenantes créations, faut-il réagir et donner son avis, ou pas? « Surtout pas ! », s’exclame l’analyste jungienne Patricia Anne Elwood.
« Le dessin est l’expression pure de son intérieur, et il est essentiel de laisser l’enfant totalement libre de nous raconter ce qu’il désire par ce biais. » »
« Le dessin exprime la pensée de l’enfant, remarque de son côté la pédiatre parisienne Edwige Antier. C’est sa première écriture, elle lui permet de se projeter comme il se ressent, d’un point de vue émotionnel. »
« Quand l’enfant grandit, le dessin devient plus figuratif de son environnement, mais toujours aussi influencé par ses émotions. »
C’est pourquoi l’action de dessiner est si bénéfique à l’enfant – comme à tout âge : que ce soit par plaisir pur ou pour exorciser une peur ou un sentiment de colère, la feuille permet de « mettre à plat » les émotions et de s’en distancier. Patricia Anne Elwood se souvient ainsi d’un petit garçon qui dessinait sans cesse des monstres. Le fait qu’elle propose de garder ces monstres chez elle, bien enfermés dans un tiroir, a permis à ce dernier d’oublier ses angoisses.
Du matériel toujours à disposition
Afin de faciliter le réflexe de création, Edwige Antier conseille de mettre toujours à disposition le matériel nécessaire, « des feutres, des feuilles, sur la table du salon, dans des conditions telles que les parents n’auront pas envie de gronder l’enfant s’il marque un coussin, s’il ne bouche pas un feutre ». Celui-ci n’aime pas dessiner ou se bloque devant cette action ? Il s’agit alors de ne pas le contraindre à le faire, mais simplement de l’inviter à l’action en s’y mettant par exemple soi-même, en proposant de prêter son stylo préféré ou en faisant usage d’un objet transitionnel – une peluche, par exemple.
La pédiatre parisienne condamne par ailleurs le coloriage, « une punition pour bien des enfants ». Afin que ces derniers aient du plaisir à le faire, elle recommande de petites images, de gros feutres… et appelle au bon vouloir des parents pour terminer l’œuvre eux-mêmes. Quant à Patricia Anne Elwood, elle déconseille vivement le dessin à l’ordinateur, « qui enlève quelque chose de naturel, de spontané, et qui est donc moins gratifiant ». Et propose de ne pas mettre de gomme sur la table, afin d’encourager le « geste immédiat ».
Un regard bienveillant
En revanche, les deux spécialistes insistent sur la valeur du regard parental dans le processus de création. Mais sans jugement ni critique. «La présence d’un adulte, c’est l’appui, la sécurité. Il est important que les parents prennent un moment pour entrer dans le monde du dessin avec l’enfant, car c’est un partage à un niveau profond», selon Patricia Anne Elwood. – «Mais seulement si l’enfant le demande, souligne Edwige Antier. S’il a envie de vous montrer, vous pouvez lui demander de raconter ce qui se passe dans son dessin.»
« Mais certains enfants ont trop vu « analyser » leurs dessins de façon intrusive et ne veulent plus en faire, pour ne pas être livrés à une sorte d’inquisition. » »
C’est ainsi qu’il faudra éviter les phrases du type « Qu’est-ce que tu as voulu dire ? » ou « Tu es sûr(e) que c’est la bonne couleur ? » ou encore « C’est quoi, ce drôle de truc ? »
« Il faut accueillir le mystère du dessin, même si on n’en comprend pas toute la symbolique,
recommande Patricia Anne Elwood. Et ne pas enfermer son enfant dans des stéréotypes.
Le ‹ comme il faut › , ce n’est pas créatif et ça crée des blocages. » Ainsi, selon elle, l’arbre bleu de Laura est un arbre magique. Et si un adulte dit que cela n’existe pas, c’est qu’il n’a rien compris. Quant à Quentin, il est libre de dessiner son bonhomme comme bon lui semble. Et lorsqu’il passera des bâtonnets aux ronds, on pourra le complimenter en lui disant que son bonhomme a grandi.
Afficher fièrement et conserver
Les deux expertes soulignent également l’importance de conserver les œuvres enfantines. « Le dessin offert en cadeau est un message que votre enfant vous offre. Très personnel ! souligne Edwige Antier. Vous le décevriez beaucoup de ne pas vous y intéresser et de ne pas le conserver dans un grand carton à dessins ! » Patricia Anne Elwood conseille ainsi de noter la date et le nom de l’enfant, d’afficher un certain temps les dessins avant de les ranger, puis de les ressortir quelques années après: « Ils sont toujours très heureux de revoir leurs créations, car c’est une fenêtre sur leur âme. »
Selon cette dernière, il faudrait d’ailleurs continuer à dessiner durant toute sa vie.
« « Pour moi, l’homme dépend de sa créativité pour réussir son évolution. » »
« Et à tout âge, face à une feuille à dessin, il y a quelque chose d’instinctif qui reprend alors le dessus. J’aime inviter les gens en leur disant: dessine-moi un arbre, dessine-moi une maison. » Tel le Petit Prince de Saint-Exupéry, chacun retrouve ainsi son âme d’enfant. Et s’étonne souvent de ses créations…
Texte: ©Migros Magazine – Véronique Kipfer
Pour en savoir plus
Edwige Antier a publié en 2007 «Les dessins d’enfants vous parlent» (Ed. Grasset et Fasquelle): elle y commente les œuvres d’enfants de 2 à 12 ans, en expliquant la signification possible de différents éléments. Et dévoile ainsi le développement de l’identité enfantine par le biais de la créativité.
Patricia Anne Elwood proposera, dès janvier 2016, des cours sur « L’analyse de dessins et images de l’inconscient ». Infos: patelw@bluewin.ch ou 077 458 64 40. Elle a publié « Le dessin spontané: une fenêtre sur l’âme », un ouvrage édité par la Fondation des Grangettes.
Auteur: Véronique Kipfer
Texte © Migros Magazine – Véronique Kipfer
Article republié avec l’aimable autorisation de Migrosmagazine.
Version originale : Le dessin, libérateur et bienfaisant
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