Déjà riche en institutions culturelles, New York inaugure vendredi un centre artistique qui se veut un modèle d’ouverture à un large public, malgré son installation au coeur d’un complexe immobilier haut de gamme.
Ce nouveau bâtiment de huit étages, « The Shed » (« La Remise »), se présente comme « le pouls culturel » des Hudson Yards, l’ensemble immobilier inauguré en mars au-dessus d’un vaste dépôt ferroviaire à l’ouest de Manhattan, et immédiatement critiqué pour viser une clientèle fortunée.
Le centre culturel, qui ressemble à une immense boîte à l’enveloppe matelassée et extensible, lance sa programmation vendredi soir avec une soirée en hommage à la musique noire américaine dirigée par Steve McQueen. Une série éclectique de concerts doit suivre, avec en vedette l’Islandaise Björk en mai. « Nous n’essayons pas de moderniser un concept existant », a expliqué Alex Poots, directeur artistique du Shed.
« Nous essayons de concevoir une programmation qui représente vraiment un large éventail d’artistes et de la société, un endroit plus équitable que tout ce qui a été fait auparavant », a souligné cet Écossais, ex-directeur artistique du Manchester International Festival. Le Shed se veut ainsi un antidote aux critiques qui ont accompagné l’ouverture des Hudson Yards, dénonçant un complexe aux appartements et aux magasins luxueux, dans une métropole où les logements accessibles aux classes moyennes se raréfient.
Alors que les places de théâtre à New York se vendent souvent plusieurs centaines de dollars, les billets pour les expositions du Shed ne dépasseront pas 10 dollars par adulte. Et 10% des places de concert, même les plus courus, seront vendues 10 dollars également. « Non seulement on permet un accès, mais on crée aussi des lieux de rencontre pour des gens de différentes catégories sociales », assure M. Poots.
Selon son concepteur, Dan Doctoroff, le nom même de « Remise » incarne l’esprit du projet, évoquant une boîte à outils ou « un couteau suisse culturel ». Le complexe abrite deux grandes galeries, un auditorium de 500 places divisible en deux, un laboratoire de création, un espace de répétition et un hall de plus de 1.500 m2 pour les grands concerts, doté d’un toit ouvrant.
« Avec de tels outils, on peut presque tout faire », a affirmé M. Doctoroff en présentant le Shed aux journalistes mercredi. Le projet est le bébé de cet ancien adjoint au maire Michael Bloomberg, entre 2001 et 2008. M. Doctoroff fut en effet le premier à pousser la municipalité à développer cette partie de Manhattan, dans le cadre de la candidature malheureuse de New York aux jeux Olympiques 2012.
Elizabeth Diller, architecte en chef du Shed, a rappelé qu’en 2008, au plus fort de la crise financière, le bâtiment n’était, sur les plans, qu’une ligne en pointillé marquée « espace culturel », et assortie d’un point d’interrogation. « Nous savons tous que la culture est la première chose qu’on coupe en cas de crise économique », a-t-elle souligné.
Mais M. Doctoroff fut ardemment soutenu par Michael Bloomberg, milliardaire et philanthrope, généreux envers les arts et bien décidé à redynamiser la première métropole américaine après les attentats du 11 septembre 2001. A son départ de la mairie en 2014, Bloomberg réservait 75 millions de dollars dans le budget municipal pour ce centre artistique, avant d’ajouter 75 millions supplémentaires de sa poche en 2017.
« C’était une occasion de concevoir le bâtiment de zéro », a indiqué Mme Diller à l’AFP. Au total, les dons ont permis de couvrir les coûts de construction avoisinant les 500 millions de dollars, s’est félicité M. Doctoroff. Le complexe a la capacité de « changer avec le temps et de maintenir New York au top niveau » de la culture, dit-il, alors que la concurrence s’intensifie avec d’autres métropoles comme Los Angeles, Londres ou Paris.
Parmi les obligations que s’est fixées le Shed: l’ouverture aux artistes new-yorkais émergents, en manque d’argent pour développer leurs créations. Pour M. Doctoroff, c’est un « devoir » de « dire aux gens que non seulement ils sont bienvenus, mais qu’ils joueront un rôle important dans la définition de ce que nous sommes ».
D.C avec AFP
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