Jusqu’à deux ans de détention sur simple décision policière. La sanction va continuer à planer sur les prostituées en Chine, le régime communiste ayant renoncé à abolir ce dispositif extrajudiciaire malgré un projet en ce sens.
Fin décembre, la commission des Lois de l’Assemblée nationale populaire (ANP, le parlement chinois) avait recommandé la fin des centres « Shourong jiaoyu » (littéralement « Abri et éducation »), qui, pour leurs détracteurs, n’ont d’éducatif que le nom. Mais l’ANP a achevé vendredi sa session annuelle sans que l’abolition de ces centres ne figure à son ordre du jour. Et nul ne sait quand la recommandation finira par arriver sur la table des députés.
« Il y a peut-être des résistances à l’intérieur du régime à l’encontre d’une abolition, peut-être de la part de la police, car cela lui enlèverait une partie de son pouvoir de détention arbitraire », suppose Wang Yaqiu, chercheuse à l’association de défense des droits de l’homme Human Rights Watch.
« Le moment est venu de commencer le travail d’abolition », avait pourtant prôné en décembre le président de la commission des Lois, Shen Chunyao. « Ces dernières années, le dispositif détention et éducation a progressivement diminué, le nombre de personnes dans les centres a clairement décru et ils ont été interdits dans certains endroits », avait-il plaidé.
L’abolition serait « une évolution très positive pour l’État de droit en Chine », espérait Shen Tingting, d’Asia Catalyst, une organisation qui défend le droit à la santé de groupes marginalisés. En place depuis près de 30 ans, les centres de « détention et éducation », du seul ressort de la police, permettent de priver de liberté les femmes et leurs clients pour de longues périodes (jusqu’à deux ans) sur simple décision des forces de l’ordre.
En 2013, des témoignages d’ex-détenues recueillis par Asia Catalyst avaient mis en lumière les éprouvantes conditions de vie dans ces camps: mauvais traitements, travail forcé, obligation de payer pour sa subsistance et examens médicaux imposés… à des prix prohibitifs.
« Tout cela est affaire de sous. Le discours sur le redressement ou l’éducation idéologique est creux. C’est juste une façon d’extorquer de l’argent au nom de l’Etat et des forces de l’ordre », avait dit l’une d’elles à Asia Catalyst. La fin du dispositif semblait devoir découler logiquement de celle des camps de « rééducation par le travail » ou « laojiao », abolis fin 2013. Ces camps permettaient de détenir jusqu’à quatre ans, aussi sur simple décision de police, des petits malfrats, des dealers, etc.
En 2014, un événement médiatisé braquait les projecteurs sur les centres d’enfermement des prostituées: la police de Pékin annonçait qu’un acteur populaire, Huang Haibo, allait y être détenu six mois pour avoir sollicité une prostituée. Et, exceptionnellement, des médias d’État mettaient en cause le système. Bien qu’illégale, la prostitution reste répandue en Chine mais mal évaluée. La plupart des estimations parlent de plusieurs millions de travailleuses du sexe.
A Pékin, bon nombre ont été chassées hors de la ville avec les travailleurs migrants venus des zones rurales par une campagne de rénovation et de démolition des bidonvilles menée en 2017. « Aujourd’hui elles sont en banlieue, isolées, sans endroit pour travailler. Elles vont sur internet et se rendent chez le client. C’est très dangereux… », note Mme Shen, d’Asia Catalyst.
Selon elle, l’arsenal juridique existant est pourtant « suffisant »: les prostituées et leurs clients peuvent se voir imposer une amende (jusqu’à 5.000 yuans, soit 650 euros environ) et jusqu’à 15 jours de détention administrative.
Même si la rééducation forcée des prostituées devait finir par disparaître, « je ne crois pas que l’attitude officielle vis-à-vis des travailleuses du sexe changerait », relève Mme Shen. « La répression va continuer et on peut se demander quel nouveau système » pourrait « remplacer l’ancien ».
D.C avec AFP
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