Collé à la pierre durant quatre heures, le corps évoluant dans des fissures très étroites sur une paroi vertigineuse, Alex Honnold flirte avec les limites pour réaliser le plus grand exploit de la grimpe. Une histoire racontée dans un film, « Free Solo », en lice aux Oscars.
Le 3 juin 2017, équipé d’une paire de chaussons et de pof (poudre pour l’adhérence), Alex Honnold a gravi à mains nues et sans aucune sécurité la paroi mythique d’El Capitan, un monolithe de granite de 900 mètres de hauteur, dans le parc des Yosémites (Californie). Du jamais vu.
Cette performance est retracée tel un thriller dans le film Free Solo produit par National Geographic, qui le diffusera le 3 mars aux Etats-Unis et le 24 mars en France, et réalisé par Elizabeth Chai Vasarhelyi et Jimmy Chin, qui ont suivi Honnold pendant ses deux années de préparation. Bien plus que l’histoire d’un exploit sportif, le film parle d’un homme hors du commun, d’amour, d’amitié, de la vie, de la mort. Et de la peur.
La moindre erreur le projette vers une mort assurée.
« Je pense que j’ai peur de mourir, comme tout le monde. Oui, je n’ai pas peur de grimper. Mais El Capitan m’a fait peur pendant des années. Et c’est pour ça que ça m’a pris deux ans de préparation. Si je n’avais pas ressenti de peur, je l’aurais grimpé dès le premier jour », raconte le Californien de 33 ans, attablé avec quelques journalistes à Londres, au lendemain d’une énième récompense pour le film, cette fois un Bafta (récompenses britanniques du cinéma) pour le meilleur documentaire.
Et dimanche, « Free Solo », qui a mobilisé une vingtaine de caméras, est en lice aux Oscars pour le meilleur documentaire. Ce gars timide, particulièrement solitaire et un brin étrange, a réalisé un rêve nourri pendant presque dix ans pour devenir le premier homme à dompter sans corde , « la paroi la plus impressionnante du monde », comme il le dit lui-même.
Il l’a pourtant escaladée plus de 40 fois mais jamais en free solo (solo intégral), cet art de grimper sans filet, dont il est l’un des plus grands maîtres avec plus de 1000 ascensions à son actif. Hésitant, il est obsédé par ce projet complètement fou, que tous les adeptes de l’escalade ont classé « irréalisable ».
Honnold veut réussir. Pour cela, il sait qu’il doit tout faire à la perfection. « Presque ne compte pas », lui a dit sa mère en français (elle est professeur de français) durant son enfance, contribuant à faire de lui le maestro du solo intégral. « On n’a pas le droit à l’erreur, le free solo est proche de la perfection. C’est assez agréable de se sentir parfait un petit moment », glisse-t-il, avant de comparer la mentalité du solo intégral à la culture du guerrier. « On se concentre à 100% parce que notre vie en dépend ».
Honnold est un gars bien atypique.
Il vit dans un van, a découvert les légumes à 20 ans, en même temps que les étreintes. « Petit, j’étais maniaque, timide, un peu sombre. Ou mélancolique. Je jouais avec mes legos et sur mon ordinateur. Je n’avais pas de hobbies, j’étais pas un mec cool. Solitaire et ringard« , confie-t-il dans le film.
Il a 19 ans quand son père meurt. Il arrête alors ses études et part avec son van, avec presque rien en poche, pour grimper, seul. L’escalade avant tout. Même avant les femmes, dit-il. En décembre 2015, il rencontre Sanni McCandless, qui le trouve « bizarre et marrant ». Aujourd’hui, ils vivent à Las Vegas, dans une maison.
Le film oscille entre confessions, tensions et émotions. Avec en toile de fond, la préparation minutieuse d’un projet extraordinaire, perturbé par deux blessures. Et un ‘happy-end’ ce 3 juin 2017 après 3h56 d’ascension. « Ravi ! J’étais ravi ! C’était génial, une satisfaction incroyable. Je suis resté là-haut, assis au soleil pendant presque une heure et demie. On s’est tous serrés dans les bras (avec l’équipe du film) », se souvient Honnold, qui n’avait jamais autant souri.
D.C avec AFP
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