Opération transparence : en tenant compte d’une vidéo accusatrice, les autorités mexicaines ont annoncé mercredi l’ouverture d’une enquête pour « homicide » après la mort de 39 migrants dans l’incendie d’un centre de détention à Ciudad Juarez à la frontière des États-Unis.
« Aucun des fonctionnaires ni aucun des policiers de sécurité privée n’ont réalisé la moindre action pour ouvrir la porte aux migrants qui se trouvaient à l’intérieur (d’une cellule, ndlr) alors qu’il y avait le feu », a déclaré la procureure spécialisée en matière de droits humains, Sara Irene Herrerías Guerra, lors d’une conférence de presse.
Huit responsables présumés ont été identifiés, a indiqué pour sa part la secrétaire (ministre) à la Sécurité, Rosa Icela Rodriguez, lors de cette conférence de presse moins de 48 heures après les faits. Les responsables présumés – trois agents de l’Institut national de migration (INM) et cinq agents d’une entreprise de sécurité – « sont déjà en train d’être entendus » par le parquet, a repris la procureure.
« Le délit pour lequel le dossier (d’enquête) a été ouvert est le délit d’homicide », a-t-elle précisé, mentionnant également le délit de « blessure » et « dommage à la propriété d’autrui ». Un migrant a également été « signalé » par d’autres migrants comme le responsable de l’incendie, a-t-elle ajouté, sans autre précision.
Es criminal. Así dejaron encerrados a los migrantes en la Estación de Ciudad Juárez, Chihuahua. pic.twitter.com/MwwMGi1cTl
— Joaquín López-Dóriga (@lopezdoriga) March 28, 2023
« Des êtres humains enfermés sans possibilité d’échapper à l’incendie »
La procureure a confirmé l’authenticité d’une vidéo de 32 secondes diffusée par plusieurs médias dont l’AFP : « Cette vidéo fait partie du dossier d’enquête », a-t-elle dit. Ces images de vidéosurveillance montrent le début de l’incendie dans la nuit de lundi à mardi. Derrière les barreaux, dans la fumée, un homme donne des coups de pied contre une porte fermée tandis qu’un autre semble déposer un matelas par terre.
Au premier plan, trois agents se retirent en tournant le dos aux personnes enfermées derrière les barreaux, sans leur prêter assistance. « Comment est-il possible que les autorités mexicaines aient laissé des êtres humains enfermés sans possibilité d’échapper à l’incendie ? », s’est offusqué Erika Guevara Rosas, la directrice d’Amnesty International pour les Amériques, dans un communiqué.
« Gouvernement, assume tes responsabilités », pouvait-on lire sur une banderole tendue par une manifestante lors d’un rassemblement mercredi à Mexique. Le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador avait promis qu’il n’y aurait pas d’« impunité » en demandant que « l’on punisse conformément à la loi ceux qui ont provoqué cette douloureuse tragédie ». Lors de la conférence de presse, la secrétaire à la Sécurité a revu le bilan à la hausse de 38 à 39 décès. Elle a également mentionné 27 blessés, dont six dans un état « extrêmement grave », dix dans un état grave, et neuf dans une situation « délicate ». Les autorités n’ont toujours pas donné le détail de la nationalité des victimes, mentionnant leur pays d’origine, principalement d’Amérique centrale (Guatemala, Salvador, Honduras) et Venezuela.
Trente-neuf migrants sont morts et 28 autres ont été blessés mardi dans l’incendie d’un centre de détention à Ciudad Juarez dans le nord du Mexique, à la frontière avec les Etats-Unis pic.twitter.com/LDtmnpqn1B
— TRT Français (@trtfrancais) March 29, 2023
Le Guatemala a affirmé dès mardi que 28 de ses ressortissants étaient morts. Le Salvador a parlé de quatre blessés graves, en demandant que les responsables de la tragédie soient traduits en justice. Les autorités ont confirmé que l’incendie avait été provoqué par des migrants pour protester contre leur possible expulsion. Plusieurs d’entre eux avaient été arrêtés dans les rues de Ciudad Juarez, où ils mendiaient ou lavaient des pare-brises aux carrefour pour tenter de survivre.
Ciudad Juarez, voisine d’El Paso (Texas), est l’une des villes frontalières d’où de nombreux migrants sans papiers cherchent à gagner les États-Unis pour demander l’asile après un long périple.
Des voies de migration plus « sûres »
Mercredi, « plus de 1000 migrants » sont entrés illégalement aux États-Unis, ont indiqué les garde-frontières américains, précisant qu’ils allaient les expulser. « Les rumeurs sur l’ouverture de la frontière après la tragédie à Ciudad Juarez sont complètement fausses », a indiqué sur Twitter le consulat américain dans cette ville-frontalière. Le drame a fait réagir au-delà des frontières du Mexique. « Nous prions pour les migrants qui sont morts hier dans le tragique incendie à Ciudad Juarez », a déclaré le pape François.
Les Nations unies ont plaidé pour des voies de migration plus « sûres » vers les États-Unis et l’ambassadeur américain au Mexique a insisté pour « réparer un système migratoire cassé » avec ses partenaires de la région.
Quelque 200.000 personnes tentent chaque mois de traverser la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Les migrants affirment vouloir échapper à la pauvreté ou à la violence dans leurs pays d’origine. Depuis 2014, environ 7661 migrants sont morts ou ont disparu sur la route vers le territoire américain, d’après l’Organisation internationale des migrations (OIM).
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