Décédé dimanche 4 décembre, Dominique Lapierre qui a fait de l’Inde sa seconde patrie, était autant philanthrope qu’écrivain à succès ayant vendu, avec son « frère de plume » américain Larry Collins, quelque 50 millions d’exemplaires de leurs six romans, dont « Paris brûle-t-il ? ».
Sa veuve a annoncé au quotidien régional Var-Matin « sa mort de vieillesse » à l’âge de 91 ans. « Les obsèques auront lieu à Ramatuelle, vendredi à 14h30, dans l’église Notre-Dame de l’Assomption », a indiqué la paroisse de Ramatuelle-La Croix-Valmer.
Dominique Lapierre était né le 30 juillet 1931 à Châtelaillon, dans l’ouest de la France, d’un père diplomate et d’une mère journaliste. Lycéen à Condorcet, à Paris, il devint au début des années 50 journaliste à Paris-Match, parcourant les points chauds de la planète.
« Ce n’est pas suffisant d’être un auteur de best-sellers, il faut se battre contre ces injustices que vous dénoncez dans vos livres », disait cet ancien journaliste, baroudeur énergique aimant la belle vie.
Grande action humanitaire
C’est ainsi qu’après avoir écrit, seul, La Cité de la joie (1985), sur un bidonville de Calcutta, il donna une bonne part de ses droits d’auteurs aux miséreux qui l’avaient inspiré. La somme fut rondelette : le roman s’est au total vendu à 12 millions d’exemplaires et fit l’objet d’un film, réalisé par Roland Joffé, en 1992.
En 2005, il assurait que, grâce à ses droits d’auteur, des dons de lecteurs et les gains de conférences prononcées dans le monde entier, son action humanitaire « avait permis de guérir en 24 ans 1 million de tuberculeux, soigner 9000 enfants lépreux, construire 540 puits d’eau potable et armer quatre bateaux hôpitaux sur le delta du Gange ».
Dans l’État indien du Bengale-occidental, il était « érigé au rang d’idole », comme le montrait un saisissant reportage de Paris-Match en 2012 alors qu’il recherchait de nouveaux financements à ses centres humanitaires pour pallier la baisse de dons, à cause de la crise financière européenne et américaine.
Fructueuse collaboration avec Larry Collins
Quand il ne voyageait pas, il occupait une demeure de Ramatuelle dans le Var, séparée de celle de Larry Collins, décédé en 2005, par un court de tennis, acquise avec les droits d’auteur de Paris brûle-t-il ?, (1964, 20 millions de lecteurs, 30 éditions internationales).
René Clément a fait un film de ce récit de la Libération de Paris, le 25 août 1944, avec une pléiade de stars. Les Américains Francis Ford Coppola et Gore Vidal avaient cosigné le scénario.
Après Paris brûle-t-il?, il poursuit sa fructueuse collaboration avec Larry Collins : Où tu porteras mon deuil (1968, sur le torero El Cordobes), Ô Jérusalem (1972), Cette nuit la liberté (1975, sur l’indépendance de l’Inde), Le cinquième cavalier (1980, fiction autour d’une bombe atomique) et le thriller New York brûle-t-il ? (2004).
Les deux hommes se complétaient admirablement. Dominique Lapierre enquêtait sur les services secrets français et Larry Collins sur la CIA. Puis le premier écrivait en français et le second en anglais et chacun traduisait l’autre.
Le livre achevé, Dominique Lapierre, l’extraverti, qui n’hésitait pas à introduire du lyrisme dans ses pages, partait faire la promotion dans le monde francophone et hispanophone. Plus discret, collant davantage aux faits bruts, Larry Collins (décédé en 2005) allait en vanter les mérites chez les anglo-saxons.
Dominique Lapierre a aussi co-écrit, avec l’Espagnol Javier Moro, Il était minuit cinq à Bhopal (2001) et, avec Jean-Pierre Pedrazzini, Il était une fois l’URSS (2005).
Visite chez Mère Thérésa à Calcutta
Au début des années 80, après la parution de Cette nuit la liberté, il débarque avec son épouse chez Mère Teresa, à Calcutta. Il commence par lui donner 50.000 dollars en disant : « c’est une goutte d’eau dans l’océan des besoins ». La religieuse (décédée en 1997 et déclarée Sainte par le pape François en 2016) lui répond : « sans elles, l’océan ne serait pas l’océan ».
Il donne par la suite plusieurs millions de dollars à des programmes de lutte contre la lèpre, le choléra ou la tuberculose, pour la construction de logements ou la distribution de microcrédits.
Parmi d’autres initiatives, Dominique Lapierre, qui parlait couramment le bengali, avait ouvert plusieurs écoles dans la région. Une partie de leur financement provenait de la vente aux enchères (2006, 825.000 dollars) d’une robe portée par l’actrice Audrey Hepburn, dans le film Diamants sur canapé (1961). Il l’avait reçue en cadeau du couturier Hubert de Givenchy.
Il était sous tutelle depuis 2014 en raison de sa santé. Son héritage faisait l’objet d’âpres discussions. Le 5 décembre 2022, sa femme Dominique Conchon-Lapierre annonce le décès de l’écrivain au quotidien français Var-Matin. Elle confie dans cet entretien être « en paix et sereine depuis que Dominique ne souffre plus ».
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