La Belgique ferme vendredi un premier réacteur dans le cadre de sa sortie du nucléaire mais la décision suscite doutes et polémiques en pleine flambée des prix de l’énergie sur fond de guerre en Ukraine.
L’opérateur Engie mettra à l’arrêt vers 21H00 (19H00 GMT) l’un des quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Doel, situé dans le port d’Anvers (nord) sur l’Escaut. Il pouvait produire à lui seul jusqu’à 10% de l’électricité du pays.
La déconnexion du réacteur Doel 3, âgé de 40 ans, a été préparée de longue date. Elle s’inscrit dans le plan belge de sortie du nucléaire approuvé en 2003 qui prévoyait à l’origine l’arrêt à l’horizon 2025 des sept réacteurs qui assurent environ la moitié des besoins du pays.
A l’approche des échéances, le doute semble pourtant gagner le gouvernement fédéral qui se divise sur la question alors que la hausse des coûts de l’énergie met à rude épreuve ménages et entreprises.
En mars, il s’était déjà difficilement mis d’accord pour prolonger jusqu’en 2036 deux des sept réacteurs nucléaires. Pour l’avenir, la Belgique ne ferme pas la porte au nucléaire de nouvelle génération.
La demande d’une ministre belge critiquée
Mais la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (chrétienne-démocrate flamande) a mis le feu aux poudres la semaine dernière en demandant à l’autorité de sûreté nucléaire belge (AFCN) s’il serait possible de reporter l’opération de démantèlement de Doel 3 au cas où une relance du réacteur était envisagée ultérieurement…
La vice-Première ministre écologiste Petra De Sutter s’est dite « choquée » par cette remise en cause du calendrier « à quelques jours de la mise à l’arrêt des opérations ».
Et Engie a répliqué par un tir de barrage. « Le réacteur va être mis à l’arrêt définitivement et n’a donc pas vocation à redémarrer », a expliqué à l’AFP une porte-parole de l’exploitant qui a souligné n’avoir reçu aucune demande du gouvernement en ce sens.
De son côté, l’AFCN n’a officiellement fermé aucune porte mais a répondu à Mme Verlinden qu’une décision « très tardive » de prolongation du réacteur n’était « pas un signe de bonne gouvernance » et qu’elle ne pouvait « pas garantir qu’un scénario tardif et non préparé ne comporte pas de risque pour la sécurité nucléaire ».
Des pro-nucléaires devaient manifester à Doel dans la matinée pour réclamer le maintien du réacteur « dans un état opérationnel ».
En théorie, une relance du réacteur ne serait pas impossible. Après l’arrêt vendredi soir, les travaux préparatoires dureront environ cinq ans avant le démantèlement du réacteur.
« Aucune opération techniquement irréversible »
« Aucune opération techniquement irréversible ne se produit pendant cette première phase », a reconnu le directeur de la centrale Peter Moens.
Mais il a estimé qu’un report ou une inversion du processus ne serait « ni sage, ni conseillé » pour des raisons techniques et opérationnelles, citant notamment le manque de combustible et de personnel.
Le débat belge fait écho à celui de l’Allemagne où des responsables politiques conservateurs et libéraux réclament de prolonger les trois derniers réacteurs nucléaires du pays au-delà de fin 2022, date de leur arrêt programmé.
Pour l’instant, Berlin a simplement accepté de maintenir en veille deux réacteurs jusqu’au printemps 2023 pour faire face à d’éventuelles urgences.
En Belgique, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité Elia a indiqué ne pas s’attendre à des risques en matière d’approvisionnement liés à cet « arrêt qui était prévu ».
« On a suffisamment de capacité de production disponible pour répondre à la demande », a expliqué à l’AFP un porte-parole.
Les libéraux francophones du Mouvement réformateur (MR) craignent pourtant des pénuries.
« Avec des risques de black-out en France cet hiver, avec l’Allemagne qui quitte le nucléaire mais qui est asséchée en gaz, on sait que l’on va avoir de grosses difficultés », a averti l’ancienne ministre (MR) de l’Energie Marie-Christine Marghem.
Elle a réclamé l’abrogation de la loi de sortie du nucléaire qu’elle juge « has been ».
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