Édito – Avons-nous assisté, samedi 7 novembre, à une réconciliation historique entre les deux Chine, marquée par les déclarations amicales du président de Chine continentale Xi Jinping et de son homologue taïwanais Ma Ying-Jeou et par la longue poignée de mains entre les deux hommes ? Ou à une avancée diplomatique qui s’explique surtout par des ambitions électorales d’un côté, militaires de l’autre ?
Réunies à Singapour devant un parterre de journalistes et de photographes, les deux Chine ont, sur un tapis bleu ciel et avec des brassées de fleurs fraîches en arrière-plan, déclaré être pour toujours un seul peuple. Xi et Ma, en s’appelant « monsieur » et pas « président », ont montré la chaleur de leur engagement par plus d’une minute trente de poignée de main – la durée de celle-ci devant être proportionnelle à l’importance de la rencontre entre les deux hommes.
Au delà des décors et de cette mise en scène, ce début de réconciliation s’inscrit, de façon très calculée, dans un double-calendrier politique : à peine plus populaire sur l’île que François Hollande l’est en France, Ma Yin-Jeou n’est, avec moins de 20% d’opinion favorable dans la population taiwanaise, qu’une ombre en train de passer. Maltraité par le mouvement des tournesols qui, l’année dernière, a occupé le Parlement taiwanais pour s’opposer à un traité de libre-échange avec la Chine continentale, Ma devrait selon toute probabilité et sauf événement exceptionnel, avoir quitté le pouvoir dans moins de six mois. Les sondages annonçant déjà la victoire du DPP (parti démocrate progressiste, « pro-indépendance ») lors des prochaines élections présidentielles et législatives en janvier 2016, Ma Yin-Jeou avait donc besoin, à titre très personnel, d’afficher enfin un « succès » dans sa stratégie de rapprochement des deux rives du détroit et d’acquérir sur le tard la stature internationale qui lui faisait défaut. Objectif atteint.
Du côté du régime communiste chinois, dans un contexte d’escalade des tensions en mer de Chine méridionale, le rapprochement « amical » du grand-frère et de Taiwan est un utile pied de nez aux états-Unis : ceux-ci ont, fin octobre, marqué leur capacité d’engagement militaire dans la région en faisant croiser un de leurs contre-torpilleurs dans l’archipel des Spratleys, revendiqué par la Chine. Le Secrétaire américain à la Défense Ashton Carter n’hésite d’ailleurs plus à se dire profondément inquiet des risques de conflit armé d’ampleur dans cette zone qui doit devenir la plus grande autoroute des échanges commerciaux dans les décennies à venir. Grâce à la poignée de main de Singapour, Xi Jinping montre sa capacité à ébranler le bloc d’états opposés à l’expansion territoriale chinoise.
Oubliées, donc, les conditions de la prise de pouvoir communiste en 1949. Oubliées les décennies de menaces de bombardement ou d’invasion de Taiwan par les forces de l’Armée « populaire de libération ». Pourtant, le grand-frère communiste chinois a cette habitude de toujours mettre dans la même phrase le fait de vous chérir et de vous briser les os, ce qui explique sans doute que pour Xi Jinping, entre Chinois de Taïwan et Chinois du continent, « même cassés, nos os restent liés par des tendons ». Le souvenir d’autres ossements pourrait nous faire retrouver le fait que, bien souvent dans l’histoire, plus les guerres se sont approchées, plus ceux qui les ont déclenchées ont tenté d’asseoir leur légitimité et de dire qu’ils avaient tout fait pour les éviter.
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