En février 2020, la candidate socialiste, Anne Hidalgo, promettait pour sa réélection à la mairie de Paris un programme très ambitieux de végétalisation de Paris : création d’une centaine de « mini forêts urbaines », de « dizaines de rues végétales » et la plantation de 170.000 arbres.
L’édile de Paris prévoyait des « forêts urbaines » derrière l’Opéra, sur le parvis de l’Hôtel de ville, devant la gare de Lyon et encore au pied de la tour Montparnasse. Et « une centaine de mini forêts urbaines – une trentaine d’arbres et de la pelouse – sur des petites parcelles de 200 mètres carrés dans chaque arrondissement, comme cela se fait à Tokyo ».
La maire de Paris avait également annoncé que si elle était réélue, elle allait planter « environ 170.000 » arbres en six ans et « à chaque fois qu’un enfant parisien naîtra, nous organiserons la plantation d’un jeune arbre par les parents, avec parrainage ».
Quatre ans plus tard, certains experts des arbres pointent une dé-végétalisation de Paris avec la coupe d’arbres sains et matures remplacés par des jeunes pousses d’arbres, dont la majorité ne pourra supporter les fortes chaleurs les premières années et qui mettront 30 ans minimum, pour les survivants, à arriver à maturité et être source de fraîcheur.
Une « forêt urbaine » à Montparnasse
La maire de Paris a inauguré le 12 juin près de la gare Montparnasse la première « forêt urbaine » de la capitale.
Sur la place de la Catalogne, aménagée dans les années 1980 par l’architecte Ricardo Bofill, des rangées de chênes, merisiers, charmes – 470 selon la mairie – et de fougères ont remplacé un rond-point automobile, formé autour d’une fontaine en forme de dalle.
Lancé début 2023, l’aménagement, qui a coûté près de 10 millions d’euros, a permis de créer selon la mairie « 4000 m2 de forêt » et doit engendrer « un rafraîchissement de la température ambiante jusqu’à 4°C ».
Les projets de l’Opéra Garnier et de la gare de Lyon ont été depuis abandonnés, remplacés par ceux de la place du Colonel Fabien et de Charonne (en 2025). Celui de l’Hôtel de Ville sera réalisé « après les Jeux olympiques”.
Selon la maire de Paris, « l’objectif » de planter 170.000 arbres dans la capitale au cours de sa mandature est « en passe d’être atteint », assurant que 113.000 arbres ont été plantés depuis 2020, dont près de 46.000 au cours de la dernière saison, « un record ».
Des chiffres contestés par l’opposition et certaines associations de défense de l’environnement, qui pointent notamment le faible espoir de survie pour les 50.000 arbres que la mairie dit avoir plantés le long du périphérique.
Mettre des arbres en terre « pour faire du chiffre […] et les laisser mourir »
« On n’a jamais autant planté depuis 150 ans, et jamais aussi peu abattu » déclarait en juin 2023 l’adjoint chargé de la végétalisation Christophe Najdovski, après la plantation de 80 arbres au cours de l’hiver sur une place autrefois « très minérale » du 12e arrondissement. Un bel exemple, pour la mairie, des 25.000 arbres plantés sur cette période dans l’ensemble de la capitale.
Mais un autre son de cloche est émis du côté de Thomas Brail, fondateur du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA) qui, devant une douzaine de sorbiers plantés à proximité du périphérique, montre des arbres « à 50 cm du mur, plein sud avec la réverbération directe, sans arrosage… ». « Eh bien, ces arbres-là sont tous morts », affirme-t-il dénonçant le fait de « les mettre en terre pour faire du chiffre […] et les laisser mourir ».
En 2023, la mairie de Paris s’est félicitée d’un total de 63.500 “arbres” plantés à mi-mandat, « plus du tiers de cet objectif aura été atteint ». La majorité des arbres plantés l’ont été dans les bois et sur les talus du périphérique. Sur les 25.000 plantations de 2023, plus de 11.500 entourent le périphérique, tandis que 7300 ont servi à « renaturer les bois ». Les arbres dans les rues sont au nombre de 800, correspondant à environ 80 rues parisiennes qui ont reçu en moyenne une dizaine d’arbres. Près de 2700 arbres ont été plantés dans les cimetières.
Ce bilan quantitatif ne fait pas l’unanimité. La mairie « appelle arbres des pousses de 50 cm », notamment celles plantées sur les talus du périphérique (30.000 en trois ans), fustige Tangui Le Dantec, cofondateur du collectif Aux arbres citoyens.
Beaucoup de ces plantations sont effectuées en utilisant la méthode Miyawaki – du nom de la méthode du botaniste japonais qui a théorisé des bosquets résilients grâce à leur densité. « La densité de plantation est beaucoup trop forte, ils n’arriveront jamais tous à l’âge adulte », souligne M. Le Dantec. Une étude européenne fait état de 61 à 84 % de mortalité des arbres, 12 ans après la plantation.
Et lorsque l’adjoint chargé de la végétalisation Christophe Najdovski se félicite que le taux d’abattage « ait diminué de l’ordre de 20 % depuis vingt ans » pour arriver à 1,5 %, soit 3000 arbres par an, Philippe Raine, représentant syndical Unsa des bûcherons-élagueurs de la ville, déplore « tous les travaux au pied des arbres » qui ont « des conséquences pour leur pérennité et sont source d’infections ».
Une politique critiquée par le groupe Changer Paris : « Les chiffres des bois et du périphérique permettent à la Ville de ‘gonfler’ ses statistiques ». « 63.000 arbres, ça ne veut pas dire grand-chose, c’est trompeur. Essentiellement, ils plantent des tiges. Il faut voir le nombre d’arbres qui vont prospérer. Et avant que ces arbres-là ne soient source de fraîcheur, c’est au moins 30 ans d’attente, et ils ne vont pas tous atteindre 30 ans » commente Véronique Baldini, conseillère de Paris du 16e arrondissement déléguée aux espaces verts et à la propreté.
Des bonnes idées et des erreurs
Anne Hidalgo a annoncé lors de ses vœux 2024 que des forêts urbaines allaient être créées « à la fin de la saison des plantations », s’étalant de novembre à mars. Ces « centaines » de forêts qui devaient être prêtes pour les Jeux ont prix beaucoup de retard, deux seulement ont été créées et leur viabilité dans le temps pose question.
Cependant, on peut remarquer la première phase de rénovation et de végétalisation de l’avenue des Champs-Élysées qui sera “reverdie en profondeur” après les Jeux. Ici, la mairie a respecté les délais fixés. « Les dallages ont été repris, l’ensemble du mobilier urbain rénové, les pieds d’arbres verdis », détaille la mairie de Paris. La première phase des travaux est presque achevée et devrait l’être entièrement « dans les prochaines semaines », assure la municipalité, de quoi verdir et donner de la fraîcheur à la plus belle “avenue du monde”, trop minérale et écrasée de soleil l’été.
À l’inverse, en avril 2022, 76 platanes âgés d’une quarantaine d’années ont été abattus le long du périphérique parisien, à hauteur de la porte de Montreuil, dans le cadre d’un projet de réaménagement. Le projet de la mairie de Paris était d’y construire des bureaux, une recyclerie, une grande halle de marché aux puces. À terme, le projet prévoit la suppression de 250 arbres en précisant que de nouveaux arbres seront replantés. Selon Thomas Brail du GNSA, « ces arbres peuvent vivre 500 ans. Pourquoi les couper ? Les jeunes arbres qui vont être plantés auront bien du mal à traverser les canicules qu’on nous annonce ».
Spécialistes de la communication versus spécialistes des arbres
La végétalisation des rues de Paris ne se reflète malheureusement pas dans le paysage parisien des riverains – les grands arbres apportant de l’ombre bienvenue sont fréquemment coupés dans les rues.
Pour introduire davantage de nature dans Paris, l’idée d’avoir des arbres, en plus d’être esthétique à côté de la pierre des immeubles haussmanniens, apportent de l’ombre et de l’humidité à la ville, une biodiversité qui peut y nicher et une capacité à décarboner l’atmosphère.
Mais couper les plus anciens, matures, pour planter des nouvelles pousses ou jeunes arbres à la mortalité élevée et souvent mal entretenus, bons pour faire du chiffre dans la communication, ne répond pas à la demande initiale, alors que cette végétalisation est pourtant souvent présentée comme la solution face au réchauffement climatique dans les grandes villes.
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