Il se trouve un lac bien particulier situé dans les terres reculées de Russie qui attire l’attention des archéologues et des chercheurs. Il s’agit du Tere Khöl, se trouvant dans la région autonome de Tuva, à près de 2300 mètres d’altitude sur la frontière avec la Mongolie.
Sur ce lac existe une île très intéressante, dont le territoire est pratiquement entièrement occupé par une forteresse. Bien que sa structure soit attribuée aux Ouïghours, peuple d’origine turque, sa construction « rappelle en fait l’architecture rituelle chinoise de la dynastie Tang (618-907) », a indiqué l’archéologue Heinrich Härke durant les fouilles.
Les habitants des villages aux alentours l’appelait Por Bajin, ce qui dans leur langue native veut dire « bâtiment de boue-argile », et ne l’approchait généralement pas, rapporte la fondation russe Por Bajin, en charge des recherches.
« Vue de la tradition architecturale chinoise, Por Bajin combine le tracé de la ‘ville idéale’ par son axe de planification et un édifice central dominant – avec les monastères bouddhistes – pour les maisons le long du périmètre intérieur des parois de l’enceinte. La disposition et les techniques de construction de Por Bajin rappellent étroitement celles des palais des paradis bouddhistes comme représentés dans les peintures Tang (Chung Kuo-ku Tai Chien 1984) », explique l’étude conduite par Irina Arzhantseva, publiée en 2011 dans la revue The-EuropeanArchaeologist.
Bien qu’il n’ait pas été trouvé à l’intérieur de preuves de pratiques religieuses ou de relation avec les complexes funéraires turques, la construction ressemble à un palais connu comme KaraBalgasun, la capitale de l’empire du khaganat ouïgho-turque, qui a duré du VIe au VIIe siècle. Il a été construit par le roi nomade Ouïghour Moyun Chur, qui a régné de 747 à 759 jusqu’à sa mort.
Lors du passage d’une vie nomadique à sédentaire, le khaganate ouïghour a adopté de nouvelles croyances locales et a construit des dizaines de forteresses à l’aide d’architectes chinois et d’autres régions. Cela n’est arrivé qu’à Tuva et dans 15 vallées environnantes, expliquent les archéologues. Néanmoins pour beaucoup, Por Bajin reste un endroit spécial.
Selon la fondation Por Bajin, la légende rapporte que le Ouïghour Moyan Churu, lorsqu’il s’est marié à la princesse chinoise Ning, a fait appel à des artisans chinois pour la construction de palais et de forteresses. Mais les experts ne sont pas certains que le fort ait seulement été une maison de campagne pour sa fiancée, et montrent dans leur étude qu’il ressemblait plutôt à un monastère.
Le site a été choisi d’une façon très étrange, et il est si éloigné du centre de pouvoir que cette version paraît douteuse. Le temple à Por Bain ressemble de plus fortement à un temple bouddhiste et les Ouïghours y professaient leur tengrisme (une déité céleste d’un temps reculé). Aucune des versions n’explique pourquoi le château a été abandonné et oublié, indique l’analyse.
De plus la datation au radiocarbone clarifie cette hypothèse car la forteresse a été construite quelques années après la mort de Moyan Chur.
Pour cette raison il est aujourd’hui proposé que le site ait été construit par le fils de Moyan Chur, à son époque les croyances ayant été adoptées. Durant l’année 779, une grande révolte éclata. La forteresse pourrait avoir succombé pendant cette année là.
Les murs originels de l’extérieur de la forteresse faisaient près de 11 mètres de hauteur et certaines parties atteignaient 25 mètres, avec pas moins de 40 cm d’épaisseur à leur base. De nos jours certains vestiges atteignent huit mètres, selon différents rapports sur le site.
L’étude archéologique de Irina Arzantseva et de Heinrich Härke a découvert que la paroi extérieure du mur d’enceinte avait été construite en utilisant une technique chinoise appelée hangtu, où les couches de terre empilées ont été disposées dans un cadre de bois.
Le toit est supporté par 36 colonnes de bois reposant sur des socles en pierre. Il est probable que le bâtiment ait été fait avec des poteaux et des poutres, un type de construction caractéristique de l’architecture chinoise de la dynastie Tang.
« Les fouilles ont révélé des signes d’un tremblement de terre lors de la construction au huitième siècle et un autre au neuvième siècle, après l’abandon du site. Ce phénomène a été accompagné par des incendies où certains murs du sud et de l’est se sont écroulés, causant une destruction sur le côté nord », indique le document.
On peut observer dans le complexe de l’île, des restes de temples, de maisons et de commerces. « Dans une forge ont été retrouvés plus de 100 pièces forgées, et dans l’une des habitations se trouvait une vaisselle de style parfaitement chinois », selon le rapport.
Il faut bien se rappeler que les peuples nomades comme les Ouïghours étaient des guerriers qui se déplaçaient toujours à cheval pour envahir d’autres territoires.
« Il semble que le peuple qui l’a construit a pensé au long terme, mais assez rapidement et pour une certaine raison ils ont abandonné cette forteresse. Dans de nombreux endroits des traces de feu ont été retrouvées, mais les chercheurs sont sûrs que ce n’était pas la raison de l’évacuation de Por Bajin. Il n’y a pas de trace d’assaut ou de nombreuses petites traces suggérant que le village fortifié ait été victime d’une agression », déclare le document.
Jusqu’ici, il n’a pas été retrouvé de signe de lutte armée pouvant expliquer l’abandon précoce du site, et aucun cumulus ou cimetières traditionnels n’est visible pouvant indiquer une période d’usage prolongé.
Il est également rapporté que le chercheur Semyon Remezov, en faisant la description de toute la Sibérie au XVIIe siècle, a cité la forteresse comme d’origine Ienisseï. Par la suite en 1891, Dmitri Clements a soumis une autre description en citant les Ouïghours.
Les Ienisseï étaient également un peuple nomade – de langue d’origine turque – liés à la culture Tashtyk, une société métissée d’origine indo-européenne qui était également caractérisée par la construction de forteresse. En 840, les Ienisseï ont même occupé le territoire que détenait les Ouïghours.
Un mystère sous 50 degrés
La première expédition officielle du lac est arrivée en 1950, et la raison de ce délai est qu’il a fallu apprendre à supporter le rude climat. En été, la température monte à 50 degrés en compagnie de moustiques, tandis qu’en hiver la température chute à -50 degrés.
Cela a mené à penser que Por Bajin était peut-être un lieu de vie saisonnier.
Une étude géologique postérieure a révélé que le site est le bassin d’un glacier. La lente tombée de neige et les basses températures ont favorisé la formation d’un permafrost de près de 170 mètres de hauteur. Les excavations ont montré une présence antérieure de zones humides et d’animaux.
Les Tuvas considéraient les environs de Por Bajin comme n’étant pas habitables, ou de mauvais augure. Ils sont donc vides. En fait, explique la fondation, il y a le sentiment que ni les animaux ni les oiseaux ne visitent ces lieux.
« Les gens se trouvaient mal à l’aise là-bas. Dans certains endroits vous ne pouvez pas faire bouillir l’eau », est-il expliqué en rapport avec les fouilles.
Les légendes racontent aussi que Por Bajin n’était pas entourée par de l’eau, et qu’il y résidait autrefois un grand personnage ou un héros avec ses disciples. Leurs ennemis auraient tué certains d’entre eux et les eaux auraient alors inondé la zone, forçant les habitants à la quitter définitivement.
Dans la vallée, les archéologues ont constaté l’inondation, et ont trouvé sous les eaux des maisons et bâtiments que comprenaient la ville.
La visite de Gengis Khan
Une autre histoire locale fameuse se réfère à Gengis Khan (1162-1227). Selon la légende, le grand monarque mongol aurait visité le lieu en y entrant par la porte occidentale ; et Por Bajin serait le lieu secret de sa tombe.
En effet selon la fondation russe Por Bajin, trois tuiles blanches avec une inscription en langue ouïghoure parlent de sa présence.
Le texte mentionne un personnage de haut rang, Buchush Erkin, rendant hommage à Genghis Khan. L’étude archéologique de 2011 ne mentionne pas cette histoire.
Tombe occidentale
Les administrateurs locaux ont finalement indiqué aux archéologues une tombe découverte près de la forteresse sur une île voisine. Ces derniers ont eu la surprise de découvrir qu’elle contenait un Européen, un guerrier avec épée et bouclier habillé dans le style du XIIe siècle.
On pense qu’il était de passage, et aurait trouvé le lieu abandonné. À côté de lui a été découvert de l’artisanat de style chinois.
Où se situe exactement Por Bajin ?
Tere Khöl et Por Bajin se trouvent dans la région autonome de Tuva, dans le Kungurtug, 50 ° 38’12 « N 97 ° 23’41 » E. La ville la plus proche est Kysyl, à 151 kilomètres. Un pont suspendu permet d’arriver à pied sur l’île.
Ceux ayant proposé que la forteresse puisse avoir été un point de passage sur la route de la soie ont rapidement été démenti, car la route passe à un millier de kilomètres plus au sud.
Certains Tuvans maintiennent encore aujourd’hui leur mode de vie nomade traditionnel, qui les caractérise historiquement, vivant proches de la nature avec des habitations pouvant être facilement déplacées.
Dans ce territoire distant peu attaché à la modernité se trouvent encore de nombreuses espèces en voie d’extinction dans d’autres régions, ce qui en fait un endroit unique au monde.
Version espagnole : Por Bajin: la enigmática fortaleza estilo chino en un lago de Rusia
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