Quand Nadia Gorbounova parle de ses voisins, qui font la queue dans un bureau de poste de Mykolaïvka, dans l’est de l’Ukraine, elle traverse la rue et baisse la voix car elle les soupçonne de sensibilité prorusse.
Selon elle, 80% d’entre eux soutiennent les troupes russes, stationnées à moins de 10 kilomètres de l’autre côté de la rivière Donets, et les revendications du Kremlin sur le Donbass, le bassin industriel de l’est de l’Ukraine où se trouve Mykolaïvka.
« Il n’y a pas de confrontation physique, mais l’agressivité des prorusses est palpable », glisse Mme Gorbounova, 58 ans, sur le ton de la confidence.
Son sac en toile, un brin kitsch, laisse peu de doute sur son allégeance: il représente une sainte ukrainienne qui détruit un char ennemi d’un coup d’épée enflammée.
Ce conflit latent gangrène les communes prises en étau sur la ligne de front de cette région à l’épicentre de l’offensive russe.
« Il n’y a ni harmonie, ni amour », résume Mme Gorbounova.
Les séparatistes prorusses appuyés par la Russie
Huit ans avant l’invasion russe de l’Ukraine, un conflit armé a éclaté en 2014 dans le Donbass, composé des régions de Donetsk et de Lougansk, après la révolution pro-occidentale ayant renversé le président prorusse Viktor Ianoukovitch et l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par Moscou.
Les forces ukrainiennes y combattaient des séparatistes prorusses appuyés militairement et financièrement par la Russie, qui se sont emparés d’une partie des deux régions, dont leurs capitales Donetsk et Lougansk.
Des referendums d’indépendance y ont été organisés, jugés illégitimes et illégaux par la communauté internationale.
Les habitants du Donbass sont majoritairement russophones, bien que les gens se définissant comme Russes y soient minoritaires. Et le sentiment prorusse y reste présent, même s’il est difficile d’en mesurer l’ampleur.
Un peu plus au sud, à Bakhmout, près de la ligne de front, le bruit constant des tirs d’artillerie résonne dans des immeubles d’habitation en grande partie abandonnés et la ville est traversée par des barrages routiers et des hérissons antichar.
Les lignes de démarcation passent aussi ailleurs.
« Les gens divisés entre deux camps »
« Dans leur for intérieur, les gens sont divisés entre deux camps », souligne Serguiï Nikitine, 52 ans.
« Chacun a son opinion, mais tout le monde se tait », ajoute-t-il, livrant néanmoins des indices limpides sur la sienne. Il évoque la « dégradation » de l’Ukraine, la fermeture de nombreuses usines depuis la fin de l’ère soviétique, et les possibilités de trouver un emploi en Russie.
Mykhaïlo Matsoïan, 38 ans, se souvient avoir entendu une conversation de ses voisins de Bakhmout, qui estimaient que ce « serait formidable si les Russes arrivaient ».
« Nous en sommes presque venus aux mains, et j’ai dû partir », raconte-il, avant de lâcher: « On ne peut rien prouver aux imbéciles ».
Un autre habitant de Bakhmout, qui sort d’une pharmacie, refuse de s’exprimer sur ses opinions politiques.
Ce n’est pas nous qui avons envahi le pays »
« Nous attendons tous la paix, ça m’est égal. J’aime tout le monde et je suis pour la paix », lance Dmytro, 40 ans, en s’éloignant d’un pas pressé.
Serguiï, un militaire ukrainien de 56 ans, qui sirote son café devant un kiosque, témoigne pour sa part: « Nous rencontrons des prorusses convaincus. Je dois leur expliquer que ce n’est pas nous qui avons envahi le pays ».
« Je dis toujours ceci: si je viens chez mon voisin avec du pain, il mettra la table, mais si je viens avec une arme, il ripostera », assure-t-il.
Non loin de Bakhmut, la localité voisine de Soledar est très proche des zones sous contrôle des Russes. Les bombardements y sont incessants, et la ville, dévastée.
« Nous attendons juste que tout cela passe », dit Oleg Makeïev, 59 ans.
« Russes ou Ukrainiens, peu importe, nous voulons la paix, et rien de plus », conclut-il.
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