Structure novatrice permettant de fédérer dans la durée la Grande Europe face à la Russie ou format miné par les intérêts divergents et les débats stériles? La toute nouvelle « Communauté politique européenne », à l’initiative d’Emmanuel Macron, réunit jeudi à Prague 44 dirigeants du continent.
Appelée, en cas de succès, à se réunir une ou deux fois par an, elle suscite un certain enthousiasme, mais aussi de nombreuses questions, sur son utilité, comme sur sa viabilité.
Tous les invités, y compris la Première ministre britannique Liz Truss, ont confirmé leur venue. Le chef de l’Etat ukrainien Volodymyr Zelensky doit intervenir par visioconférence.
« C’est la première fois que les dirigeants de la Grande Europe, à l’exception de la Russie et du Bélarus, se réunissent », souligne un responsable européen.
Charles Michel, rappelle l’ambition de ce nouveau format
Dans sa lettre d’invitation, le président du Conseil européen Charles Michel, rappelle que l’ambition de ce nouveau format est de « rassembler les pays du continent ».
Objectif affiché: réunir les dirigeants « sur un pied d’égalité » et favoriser le dialogue politique et la coopération sur les questions d’intérêt commun pour œuvrer « au renforcement de la sécurité, de la stabilité et de la prospérité de l’Europe dans son ensemble ».
Les réunions préparatoires ont montré un « grand intérêt » des pays invités pour le projet, ont assuré les organisateurs. Mais des doutes sont encore exprimés sur sa « valeur ajoutée », a confié l’un d’eux.
« On va voir si ça marche »
« On passe d’une communauté de valeurs à une communauté de projets qui restent à définir et à financer », souligne Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors. « Il va falloir éviter le risque d’ensablement », prévient -il.
« On va voir si ça marche. Soit c’est une mauvaise idée, soit elle répond à un besoin de coopération et il faudra la structurer », reconnaît le représentant d’un Etat membre.
L’échec de la Confédération européenne lancée à Prague en 1991 par François Mitterrand et Vaclav Havel est dans tous les esprits.
La Russie sera bien sûr omniprésente dans les débats. La guerre menée par le Kremlin contre l’Ukraine et ses conséquences économiques concernent tous les participants.
Les approches divergent
Mais les approches divergent. La Serbie et la Hongrie continuent de courtiser le Kremlin par intérêt et réclament la fin des sanctions économiques. L’assemblée est en outre minée par les contentieux. L’Arménie et l’Azerbaïdjan sont en conflit ouvert.
Or la Communauté politique devra en particulier gérer l’impatience des candidats à l’adhésion à l’UE.
Ils sont dix –les six pays des Balkans Occidentaux (Serbie, Kosovo, Macédoine du Nord, Albanie, Monténégro et Bosnie), l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie et la Turquie– et « ils veulent être sur la photo de famille avec les 27 ».
La Britannique Liz Truss sera dans une position singulière.
Six ans après le vote de son pays en faveur du Brexit, elle ne veut pas donner le sentiment qu’elle cherche à renouer les liens avec ses anciens partenaires. Mais elle souhaite être présente, pour évoquer en particulier les questions énergétiques. Et Londres a déjà évoqué la possibilité d’organiser la prochaine réunion de la CPE.
L’hôte est la République Tchèque
Tout aussi problématique, la venue du président turc Recep Tayyip Erdogan. Il est en froid avec la Suède et la Finlande, dont il bloque l’adhésion à l’Otan, et en conflit avec la Grèce et Chypre. L’invitation a divisé les Européens.
La réunion a été minutieusement préparée pour contourner les difficultés.
L’hôte est la République Tchèque. Les tables rondes ont été soigneusement organisées et dupliquées pour éviter les hostilités. Il n’y aura aucun résultat formel écrit et Charles Michel aura un simple rôle de facilitateur.
« Mais il y aura certainement des échanges durs et frontaux », prédit un diplomate européen. « Il faut créer une dynamique et c’est un passage obligé pour obtenir des résultats ».
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