Les Vingt-Sept sont encore très divisés sur la réforme des règles budgétaires de l’UE alors qu’ils veulent trouver un compromis avant fin décembre, entre exigence de flexibilité portée par la France et rigidité prônée par l’Allemagne.
Les ministres des Finances de l’Union européenne, réunis à Luxembourg lundi et mardi, sont au moins d’accord sur un point : les anciennes règles du Pacte de stabilité et de croissance, qui remontent à la fin des années 1990, sont obsolètes, trop complexes et inefficaces.
Ce « corset budgétaire » limite en théorie pour chaque pays le déficit des administrations publiques à 3% du PIB national et la dette à 60% du PIB. En pratique, il n’a pas empêché l’explosion de l’endettement, tout en freinant l’investissement et la croissance après la crise financière de 2008.
L’objectif est de s’entendre sur des règles plus adaptées à la situation particulière de chaque pays, de fixer des trajectoires budgétaires à la fois plus réalistes et mieux respectées. C’est le sens de la proposition mise sur la table en avril par la Commission européenne.
Le temps presse
La présidence espagnole du Conseil de l’UE, qui réunit les 27 États membres, espérait aboutir à un consensus dès cette semaine. Mais on en est loin. Au ministère français des Finances, on reconnaît qu’il n’y aura pas d’accord cette semaine. « Il y a encore du travail à faire », a expliqué une source à Bercy, en espérant un dénouement à la prochaine réunion des ministres en novembre.
Le temps presse. Les règles budgétaires ont été désactivées début 2020 pour éviter un effondrement de l’économie européenne touchée par la pandémie de Covid-19. Malgré la faiblesse de la conjoncture dans le contexte de guerre en Ukraine, elles seront réactivées au 1er janvier prochain. « Il reste encore du temps pour trouver un accord », a souligné la ministre des Finances néerlandaises, Sigrid Kaag.
Une absence d’accord, après plus de deux ans de débat, signifierait le retour aux anciennes règles qui n’ont jamais été correctement appliquées. « Les marchés n’apprécieraient pas, cela montrerait l’impuissance politique de l’UE. L’heure est grave », a jugé un diplomate. Cela marquerait probablement aussi la fin du projet de réforme sous cette législature, des élections européennes étant programmées en juin.
La proposition de la Commission reprend les seuils emblématiques de 3% et 60% du PIB. Mais, aux États membres qui les dépassent, elle accorde plus de marge de manœuvre pour revenir dans les clous. Concrètement, Bruxelles propose que les États présentent leur propre trajectoire d’ajustement, accompagnée de propositions de réformes et d’investissements, sur une période d’au moins quatre ans. Ce plan serait ensuite évalué par la Commission et les autres États membres et ferait l’objet d’un contrôle annuel.
Les efforts de réformes et d’investissements seraient récompensés par la possibilité d’allonger la période d’ajustement budgétaire jusqu’à sept ans, afin qu’il soit moins brutal. Surtout, le contrôle porterait sur l’évolution des dépenses, un indicateur jugé plus pertinent que celui des déficits qui peuvent fluctuer selon le niveau de croissance.
Trajectoire de référence insuffisante
Mais pour les États dépassant les limites de 3% ou de 60%, Bruxelles veut définir aussi une trajectoire de référence visant à ramener et maintenir le déficit public sous les 3% du PIB « à moyen terme ». Pour tenter de satisfaire l’Allemagne, la Commission a ajouté l’exigence pour ces pays d’un effort minimum de réduction du déficit de 0,5% du PIB par an, tant que ce ratio sera au-dessus de 3%.
Mais Berlin estime le mécanisme insuffisant. « Nous devons faire preuve de plus d’ambition pour réduire nos niveaux de dette et de déficit », a estimé lundi le ministre allemand des Finances, Christian Lindner. Cet objectif « est contraire à l’esprit de la réforme », qui « a pour but de prendre en compte la situation spécifique de chaque pays », martèle-t-on à l’inverse au ministère français des Finances.
Plus largement, autour de ces deux pays se cristallise une opposition entre pays d’Europe du Sud surendettés et pays frugaux d’Europe du Nord. « L’idée est d’avoir un cadre à la fois rigide et qui tienne compte des spécificités nationales. L’architecture proposée par la Commission restera mais il faut trouver un équilibre entre ces deux tendances », résume un diplomate.
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