Le rôle des agences françaises d’évaluation et d’accréditation dans l’enseignement supérieur

7 novembre 2017 08:07 Mis à jour: 7 novembre 2017 00:13

Ce texte est publié dans le cadre du colloque annuel de l’Agence Universitaire de la Francophonie du 7 et 8 novembre 2017 à Beyrouth sur le thème « La francophonie universitaire face au défi de la qualité : pour un rapprochement des forces ».


La CTI (Commission des titres d’ingénieur) – créée par l’État français en 1934 – est, au sein de l’ensemble des agences qualité concernant l’enseignement supérieur français, avec le HCERES (Haut Conseil à l’évaluation de la recherche dans l’enseignement supérieur) – créé en 2007 sous le nom initial d’AERES – , l’une des agences les plus importantes en terme de nombre de missions accomplies chaque année.

La CTI s’intéresse uniquement aux formations d’ingénieur et son rôle est d’accréditer les écoles d’ingénieurs à délivrer le titre d’ingénieur diplômé à leurs diplômés. Son rôle est analogue à celui de la CEFDG pour les écoles de management.

Un travail d’évaluation paritaire
La particularité majeure de la CTI est sa composition paritaire, en effet l’assemblée plénière qui vote les décisions d’accréditation est composée de 32 membres : 16 sont issus du monde académique et 16 proviennent du monde socio-économique.

Après écriture par l’école de son rapport d’auto-évaluation, une visite d’audit est effectuée par une équipe de membres et experts de parités complémentaires incluant un expert étudiant. L’équipe d’audit rédige ensuite un rapport et effectue une présentation de ses observations devant une assemblée plénière qui vote une décision d’accréditation et formule des recommandations.

Il y a actuellement 206 écoles d’ingénieur en France. Le calendrier des évaluations CTI a beaucoup évolué : au démarrage l’ évaluation se faisait une seule fois, puis en 1997, l’évaluation est devenue périodique et en 2016, cette périodicité est passée à 5 ans pour alignement avec la contractualisation ministérielle.

Des visions complémentaires
Bien évidemment, l’évaluation d’une formation (incluant son recrutement et son employabilité) ne peut se faire qu’en regardant de près l’environnement de la formation en terme de gouvernance, de partenariats, mais aussi le système qualité de l’école, principal générateur de l’amélioration continue.

De son côté le HCERES évalue la recherche, les formations, les établissements ainsi que les politiques de site de l’enseignement supérieur. Il en résulte donc une intersection des préoccupations du HCERES et de la CTI qui peut générer pour les établissements concernés, durant l’année de contractualisation avec l’état, une charge de travail importante.

Depuis un an, les deux agences expérimentent des solutions sur les écoles volontaires, afin de réduire la charge de travail lors de l’auto-évaluation (dossier unique) ou lors de l’audit (audits coordonnés). Ces expérimentations nécessitent un travail d’alignement de calendrier qui se fait prudemment avant d’aboutir à une éventuelle généralisation.

Un double cadre européen
Il faut souligner que depuis 2007, la CTI est comme le HCERES membre d’ENQA (European Network for Quality Assurance) ce qui lui impose un certain nombre d’obligations dont la prise en compte dans ses critères (R et O 2016) des European Standards and Guidelines (ESG 2015) qui évoluent régulièrement en fonction des tendances observées dans l’ESR au sein de l’UE, la dernière évolution importante étant l accroissement du rôle joué par les apprenants : l’éducation centrée sur l’étudiant.

L’ENQA demande aussi que les parties prenantes soient consultées lors de l’écriture du référentiel d’évaluation. La publication grand public des données certifiées des écoles effectuée annuellement sur le site de la CTI est également une résultante des standards d’ENQA.

La CTI est aussi accréditée par un autre organisme l’ENAEE (European Network for Accreditation of Engineering Education) à délivrer aux formations qui le souhaitent le label EUR ACE ; ce label atteste de la qualité de formation à l’ingénierie des écoles et donc de leurs diplômés, et le référentiel utilisé est l’EAFSG (European Accreditation Framework Standards and Guidelines) qui se présente sous forme de « standards et guidelines » destinés aux établissements évalués ainsi qu’aux agences évaluatrices. Ce référentiel est compatible avec celui de la CTI mais le label EurAce ne peut être accordé à une formation dans laquelle aucun diplômé n’est en emploi.

Un volet international essentiel
En 1934, le législateur avait été visionnaire puisqu’un volet international existait dans les missions initiales de la CTI. Ce volet s’est fortement développé ces dernières années selon trois axes :

  • l’admission par l’État français : il s’agit au terme d’un processus classique d’auto-évaluation et d’audit de délivrer aux diplômés concernés par cette admission le droit de porter le titre d’ingénieur diplômé en France, actuellement des établissements de nombreux pays ont bénéficié de cette procédure : la Chine, la Belgique, le Viet Nam, le Maroc, le Cameroun, la Suisse…
  • la délivrance du label Eurace selon les procédures de cross-accréditation définies par ENAEE
  • l’aide au montage d’agences d’accréditation d’ingénierie locales, c’est le cas actuellement avec la Tunisie, par exemple.

Les membres de la CTI sont des bénévoles et l’agence n’a pas vocation à accréditer le monde entier ! Cependant les bonnes pratiques de l’école d’« ingénieur à la française » peuvent et doivent être disséminées et partagées lors de ces différentes procédures qui accroissent le rayonnement de l’ESR français.

Il est à noter que lorsqu’elle travaille à l’étranger la CTI cherche à effectuer un travail commun avec les agences locales et éventuellement le poste diplomatique français, l’AUF, l’AFD…

Pour certaines opérations un travail commun avec le HCERES est en cours : label Cequint, labellisation des instituts franco-chinois.

The ConversationLes activités agences d’évaluation et d’accréditation sont assez méconnues par le grand public. Il était important de les rappeler au moment de la réunion mondiale de l’AUF à Beyrouth ou elles participeront.

Anne-Marie Jolly, Professeur des universités émérite, Polytech Orléans, Université d’Orléans

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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