Les Libanais ont manifesté mardi contre le retard pris dans la formation d’un nouveau gouvernement et la grave crise économique minant le Liban, avec des heurts en soirée devant la Banque centrale entre police et manifestants.
Les policiers anti-émeutes munis de matraques et de boucliers ont tiré des gaz lacrymogènes et chargé les centaines de manifestants rassemblés devant l’institution, les contraignant à reculer après que certains ont tenté d’entrer sur l’esplanade bouclée devant le bâtiment, a rapporté une correspondante de l’AFP.
Les contestataires ont cassé des pavés pour les lancer sur les forces de l’ordre, certains manifestants distribuant des oignons pour se protéger des gaz, selon la même source.
Ils ont également brisé et vandalisé les façades en verre de plusieurs banques, qui cristallisent une grande partie de la colère publique notamment en raison des restrictions sur les retraits en dollars, sur fond de crise économique.
Le soulèvement depuis le 17 octobre
Le soulèvement au Liban lancé le 17 octobre réclame le départ d’une classe dirigeante accusée de corruption et d’incompétence. Les manifestants fustigent au même titre la Banque centrale et son gouverneur, qu’ils jugent complices des politiques et portant une grande responsabilité dans la crise économique.
Les forces de sécurité intérieure sur Twitter ont dénoncé des « attaques » menées par des « émeutiers » qui ont jeté des pierres et tiré des pétards contre la police.
Toute la journée à travers le pays, les manifestants ont coupé des axes routiers à l’aide de bennes à ordures et de pneus brûlés.
Avec des rassemblements organisés sous le slogan « la semaine de la colère », les manifestants se sont mobilisés à Beyrouth, à Tripoli, grande ville du nord, à Hasbaya (sud-est) ou dans le Akkar (nord), pour exiger la formation immédiate d’un gouvernement de technocrates.
« Révolte-toi Beyrouth », ont-ils notamment scandé en fin d’après-midi au rythme des tambours, lors d’une marche qui s’est dirigée vers la maison du nouveau Premier ministre Hassan Diab.
La situation économique précaire
La situation économique, précaire avant le début de la contestation, s’est détériorée sur fond de restrictions concernant les retraits bancaires et une monnaie nationale qui a perdu près de la moitié de sa valeur sur le marché parallèle, entraînant une hausse des prix.
Depuis la démission fin octobre du Premier ministre Saad Hariri, son gouvernement chargé des affaires courantes est accusé d’inertie. Hassan Diab, désigné comme successeur le 19 décembre, n’a toujours pas formé d’équipe ministérielle.
Si la rue réclame un cabinet composé exclusivement de technocrates indépendants, les principaux partis politiques poursuivent les tractations visant à préserver leur représentation au sein du gouvernement.
La journée de mardi marque une reprise de la mobilisation. Ces dernières semaines seuls des rassemblements symboliques et de moindre ampleur avaient eu lieu, notamment devant la Banque centrale et les banques commerciales, de plus en plus visées par la colère populaire.
La pénurie du dollar
En pleine pénurie du dollar, utilisé au Liban au même titre que la monnaie nationale, les banques ont limité les retraits à environ un millier de dollars par mois, provoquant des files d’attente interminables et parfois même des altercations dans certains établissements.
La monnaie nationale, indexée au billet vert depuis 1997 au taux fixe de 1.507 livres pour un dollar, a perdu près de la moitié de sa valeur dans les bureaux de change, frôlant désormais 2.500 livres pour un dollar.
Des dizaines de milliers de personnes ont perdu leurs emplois ou vu leur salaire divisé par deux.
Dans ce contexte de crise, le président Michel Aoun a promis mardi « tous les efforts possibles pour former un gouvernement (…) doté d’un plan défini et rapide pour gérer la crise économique et financière pressante ».
Vendredi, Hassan Diab, un universitaire qui s’est engagé à répondre aux attentes de la rue, a reconnu subir des « pressions » de la part même des partis ayant appuyé sa nomination, et a assuré qu’il ne cèderait pas « aux intimidations ».
La Banque mondiale a averti en novembre que le taux de pauvreté pourrait en arriver à englober 50% de la population, contre le tiers à l’heure actuelle.
Le Liban croule sous une dette avoisinant les 90 milliards de dollars (81 milliards d’euros), soit plus de 150% de son PIB.
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