Femme politique à l’histoire personnelle indissociable des remous de son pays, la Première ministre du Bangladesh Sheikh Hasina, qui a obtenu lors des législatives de dimanche un quatrième mandat, a pris ces dernières années un virage autoritaire qui n’a pas entamé sa popularité chez ses partisans.
Pour ses fidèles, la dirigeante de 71 ans est la « mère de l’humanité », celle qui a recueilli l’année dernière sur son sol les centaines de milliers de Rohingyas musulmans fuyant la Birmanie, celle qui a présidé à une période de robuste croissance économique, débarrassant le Bangladesh de son image de nation miséreuse et frappée de toutes les calamités du monde.
Ses détracteurs, au contraire, la décrivent comme une autocrate qui a emprisonné sa rivale emblématique Khaleda Zia et réprime la dissidence à travers des arrestations en masse de militants d’opposition, des disparitions forcées et des lois draconiennes qui musellent la presse.
Fille du père fondateur du Bangladesh, qui a pris son indépendance du Pakistan en 1971 au terme d’un terrible conflit, Sheikh Hasina est au pouvoir depuis 2008, après un premier mandat de cinq ans entre 1996 et 2001.
Son troisième mandat a été marqué par une crispation autoritaire, elle qui incarnait autrefois la défense de la démocratie face à la dictature militaire. Affaiblie par les coups de butoir du gouvernement et invisible durant la campagne, la coalition d’opposition a dénoncé un « climat de peur ».
« Elle a écrasé l’opposition et créé au Bangladesh un système politique dominé par un seul parti, à l’image de ceux que nous pouvons voir en Asie du Sud-Est », estime Ataur Rahman, professeur de sciences politiques à l’université de Dacca.
Durant la décennie de règne de Sheikh Hasina, le pays de 165 millions d’habitants a connu une croissance économique soutenue de 6,3% par an en moyenne. En 2017, le produit intérieur brut a augmenté de 7,86%. La Première ministre a même promis d’atteindre une croissance à deux chiffres. Dans le même temps, le taux de pauvreté a chuté. En 2016, un Bangladais sur quatre était considéré comme pauvre, contre un sur trois en 2010, selon la Banque mondiale. Près de 90% de la population a aujourd’hui l’électricité.
Son dernier mandat a été marqué par la décision en 2017 d’accueillir les colonnes de réfugiés rohingyas fuyant les massacres en Birmanie, ce qui lui a valu des louanges à l’international. Des affiches électorales à travers le Bangladesh présentent comme « mère de l’humanité » cette femme toujours vêtue d’un sari, dont elle porte un pan sur l’arrière de la tête.
Suite à un attentat dans un café de Dacca qui a fait 22 morts à l’été 2016, Sheikh Hasina a aussi engagé une répression impitoyable des mouvements extrémistes dans cette Nation à majorité musulmane. Des procès pour des crimes commis durant la guerre d’indépendance ont décimé l’opposition islamiste.
Son ennemie jurée, Khaleda Zia, semble désormais plus que jamais hors-jeu. Alors que l’alternance de ces deux femmes au pouvoir constituait le balancier de la vie politique bangladaise depuis le début des années 1990, Mme Zia n’a pas pu se présenter aux élections en raison de lourdes peines de prison pour corruption prononcées cette année. Emprisonnée et en mauvaise santé, les observateurs doutent que Khaleda Zia revienne jamais sur le devant de la scène, même si elle conserve un certain poids dans la société.
Sheikh Hasina a mis longtemps à s’émanciper de l’ombre de son père, Sheikh Mujibur Rahman, qui a mené le Bangladesh (alors Pakistan oriental) à l’indépendance et en est devenu l’un des premiers dirigeants. Elle est à l’étranger avec sa petite sœur lorsque, le 15 août 1975, des soldats font irruption dans la résidence familiale à Dacca lors d’un coup d’État et massacrent son père, sa mère et ses trois frères. Vivant en exil en Inde, elle revient au Bangladesh en 1981 pour prendre les rênes de l’Awami League.
Dans les années 1980, elle joint ses forces à celles de Khaleda Zia et son Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) contre la dictature militaire de Hussain Muhammad Ershad. Mais une fois la démocratie rétablie, l’alliance entre les deux femmes vire à la rivalité sanglante. Sheikh Hasina a épousé en 1968 le physicien nucléaire M.A. Wazed Miah, mort en 2009, et a eu deux enfants de lui. Son fils, Sajeeb Wajed, est conseiller de son gouvernement.
D.C avec AFP
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