Roi conquérant, éclairé et bâtisseur, Casimir le Grand est aussi le seul roi de Pologne à porter ce titre. La formule « Casimir a trouvé un pays fait de bois et a laissé un pays fait de pierres » résume sa marque durant les 37 années de son règne au cours du 14ème siècle. La voïvodie de Lublin, à l’Est du pays, abrite encore des trésors architecturaux de cette époque mais aussi les traces du multiculturalisme impulsé par Casimir III.
Pologne, la mémoire de l’Europe
Qui l’eût cru au vu de la situation actuelle de l’Union Européenne qui se déchire quelque peu entre les états nationalistes de l’Est et les vieilles nations de l’Ouest. Et pourtant en 1569 fut signé en Pologne un pacte appelé « Union de Lublin » car c’est entre les murs de l’église dominicaine fondée par Casimir le Grand que fut prononcée sans aucun fait guerrier l’union indissoluble du royaume de Pologne et du grand-duché de Lituanie, les deux principaux Etats catholiques d’Europe Centrale qui à l’époque recouvraient la Pologne actuelle, les Etats baltes, la Biélorussie et l’Ukraine. Ce nouveau « Royaume des Deux Nations » se donne une Diète commune mais chaque partie conserve son armée, son trésor et ses lois et affiche les allures d’une fédération européenne avant la lettre. Ce siècle d’or où d’un château à l’autre l’art et la culture atteignent des sommets ne résistera toutefois pas au fil des événements historiques qui mèneront la Russie, la Prusse et l’Autriche à procéder au partage de la Pologne dès 1772.
On contemple au sein du Musée de la Province installé dans le château de Lublin de grands tableaux dont l’un d’eux raconte l’Union de Lublin. La chapelle gothique du château a été préservée et on y découvre que dès le début du 15ème siècle, elle a été recouverte de fresques russo-byzantines très colorées, une rencontre exceptionnelle entre deux cultures, celle de l’Est et de l’Ouest, témoignage de la belle harmonie entre les cultures chrétiennes qui se côtoyaient à l’époque.
Kasimierz Dolny, le Pont-Aven polonais
Ce gros village assoupi dans un méandre de la Vistule entre deux collines dominées l’une par la silhouette du couvent des Franciscains et la seconde par les ruines imposantes d’un château médiéval porte le nom de son fondateur, le roi Casimir le Grand qui y a établi un port de commerce important au bord du fleuve, le principal axe commercial de l’époque entre le Nord et le Sud du pays.
La petite ville prospère rapidement et les façades des maisons à arcades qui bordent le Rynek s’ornent d’attiques décoratifs, de stucages et de mascarons en pierre pour souligner la richesse des commerçants. Les invasions suédoises de 1655 puis les épidémies de choléra et de la peste figent cet élan jusqu’à ce que la petite bourgade soit redécouverte par des peintres séduits par son ambiance bucolique et son cadre enchanteur, entre autres par un élève et ami de Gaughin, Wladyslaw Slewinski qui, de retour de Pont-Aven, rassembla ici de nombreux artistes. Une émulation créatrice qui s’éteignit malheureusement avec les persécutions contre les juifs, nombreux dans le village.
Un réseau de chemins sillonne les environs immédiats, que ce soit vers les berges de la Vistule où quelques greniers à blé ont été préservés et transformés en petits restaurants, ou alors vers le mont des Trois Croix qui rendent hommage à la population décimée par la peste en 1708. La vue y est impressionnante sur la petite ville allongée au bord de la Vistule mais elle l’est encore davantage depuis le haut de la Tour de Guet du château médiéval qui servait jadis de phare pour la navigation.
Lublin, la Jérusalem de Pologne
Lublin, la petite capitale régionale est aussi une ville universitaire, ce qui lui garantit une ambiance animée, particulièrement dans la vieille ville piétonnière, lieu de rendez-vous des étudiants aux heures douces des soirées d’été. Une rue dallée relie deux anciennes portes médiévales et traverse le Rynek, une place où des façades déjà restaurées avec de belles fresques murales, des fenêtres ouvragées ou encore des médaillons voisinent d’autres encore dégradées affichant de vieilles photos de familles juives disparues durant l’occupation nazie, ce qui accentue d’autant la mélancolie des lieux.
Au-delà de la porte Grodzka qui mène au château s’ouvre également l’ancien quartier juif. La communauté juive a toujours été importante en Pologne, jouissant de privilèges et d’une autonomie accordée par les différents rois. Casimir le Grand leur attribua des terres faiblement peuplées dans les provinces orientales et leur garantit la sécurité des personnes et des biens ainsi que la liberté religieuse. Sous son impulsion, un esprit d’ouverture va souffler sur Lublin où Juifs et Polonais vivaient en parfaite harmonie. Aux côtés de l’église dominicaine et de la cathédrale dont la richesse des décorations témoigne de l’opulence de l’évêché, de nombreuses synagogues se sont créées. Au 16ème siècle, Lublin devint même un important foyer d’études bibliques et talmudiques en Europe. Au 20ème siècle, on y fonda la Yechiva des Sages de Lublin, une institution d’études juives qui dispensait un enseignement exigeant dans des conditions d’internat. A la veille de la Deuxième Guerre Mondiale, Lublin recensait quelque 40000 Juifs soit un tiers de la population locale.
Majdanek, lieu de mémoire
A la sortie de la ville, les SS avait créé le camp de travail de Majdanek où prisonniers de guerre polonais et russes ainsi que les Juifs confinés dans un ghetto travaillaient dans des usines d’armement. Mais dès mars 1942, la déportation commença, d’abord vers le camp de Belzec mais ensuite à Majdanek même qui se transforma en camp d’extermination où périrent quelque 110000 Juifs et 75000 Polonais jusqu’en juillet 1944, quand l’Armée Rouge libéra le camp. Les Soviétiques décidèrent d’en faire rapidement, avant même la fin de la guerre, un lieu de mémoire et ils ont maintenu les baraquements que les SS n’avaient pas eu le temps d’incendier.
Aujourd’hui on se promène sous les miradors, le long des lignes de fils barbelés et entre des baraquements qui exposent des documents d’archives, des chaussures, des vêtements, le tout au pied de la sinistre infrastructure des fours crématoires qui surplombe le camp. Un imposant mausolée renferme les cendres des martyrs récupérées à la libération du camp. La porte d’entrée du site qui symbolise l’entrée aux Enfers de Dante est écrasante avec son aspect massif qui en dit long sur le poids de ce lieu de mémoire.
Des châteaux princiers
Le siècle d’or de la Pologne a vu s’ériger de nombreux châteaux dont la plupart sont en ruines mais leurs silhouettes tronquées dressées vers le ciel semblent encore monter la garde. Le château de Janowiec, sur l’autre rive de la Vistule, en face de Kazimierz Dolny, était certainement un des plus fastueux du pays avec une centaine de pièces semble-t-il. Les invasions suédoises ont laissé un champ de ruines romantiques à souhait quand on se prend à contempler le paysage depuis une fenêtre ouverte à tous les vents qui offre une vue imprenable sur le fleuve et le village en contrebas.
Le palais de la famille Czartoryski à Pulawy, non loin de Kazimierz Dolny, était un lieu inattendu en cette fin du 18ème siècle. Les propriétaires des lieux en firent une sorte d’Athènes de la Pologne en y créant dans le Temple de Sybille un musée abritant une impressionnante collection d’œuvres d’art qui célébraient la gloire de la nation polonaise, un esprit nationaliste qui les obligea à s’exiler car les autorités tsaristes y virent des activités séditieuses et confisquèrent leurs biens. Aujourd’hui, l’ensemble du domaine est accessible et offre surtout l’occasion de très belles promenades dans un parc à l’anglaise.
Le palais baroque de Kozlowka au nord de Lublin séduira les amoureux du genre avec sa collection de stucs et de dorures. Il appartenait à la famille Zamoyski dont les derniers descendants vivent aujourd’hui au Canada et aux Etats-Unis même si un pavillon leur est exclusivement réservé quand ils reviennent en Pologne. Très bien conservé, il expose au cœur d’un mobilier luxueux de nombreux portraits de famille ainsi que qu’une belle bibliothèque de 7300 volumes ! Un parc paysager à la française prolonge le château sur ses façades Ouest et Est tandis que des pavillons ferment les autres côtés.
L’un d’eux rassemble une collection de peintures et de sculptures du « réalisme socialiste » avec des représentations des grandes figures du mouvement et des scènes de la vie quotidienne à l’ère communiste, un contraste étonnant à côté de la fastueuse résidence de l’aristocratie polonaise.
Infos pratiques :
Toute info complémentaire sur le site www.lubelskietravel.pl ou www.pologne.travel
Se loger : A Lublin, l’hôtel Wieniawski de tout confort à moins de dix minutes à pied du vieux centre www.hotelwieniawski.pl. A Kazimierz Dolny, le B&B installé dans un ancien pensionnat offre outre le plaisir de séjourner dans une ambiance chaleureuse familiale des chambres séduisantes au décor polonais chatoyant à deux pas du Rynek www.hodiecras.pl.
Se nourrir : La table est toujours riche et savoureuse en Pologne. Il faut essayer à Lublin le restaurant juif Mandragora installé dans une maison non encore restaurée et dont les salles racontent l’atmosphère familiale du Lublin de jadis www.mandragora.lublin.pl . A Kazimierz Dolny, le restaurant Kuchnia i Wino proche du B&B permet de découvrir une cuisine polonaise plus raffinée www.restauracjakuchniaiwino.pl
Écrit par Christiane Goor et Charles Mahaux
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