ENTRETIENS EPOCH TIMES

Syrie : « Les Alaouites et les chrétiens ne pensent qu’à quitter le pays », explique Benjamin Blanchard

mars 19, 2025 13:36, Last Updated: mars 19, 2025 21:47
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ENTRETIEN – Il y a deux semaines, dans le nord-ouest du pays, des affrontements entre des Alaouites et les forces de sécurité du nouveau régime se sont transformés en massacres. Plus de 1000 civils alaouites ont été tués, selon une ONG. L’association SOS Chrétiens d’Orient est présente en Syrie depuis 2015. Son directeur-général, Benjamin Blanchard, fait le point sur la situation pour Epoch Times.

Epoch Times : Benjamin Blanchard, pourriez-vous revenir en détails sur ce qui s’est passé ? Que sait-on du nombre de victimes ?

Benjamin Blanchard : Depuis le début de la révolution, les 7 et 8 décembre 2024, les exactions contre les Alaouites n’ont pas cessé, plus particulièrement dans la ville de Homs, troisième plus grande ville du pays. Ces exactions ont provoqué un fort mécontentement et de l’inquiétude au sein de la population alaouite, ce qui a donné lieu, il y a deux semaines, à une embuscade dans la région de Lattaquié contre des troupes du nouveau pouvoir en place.

Après cette embuscade, les forces de sécurité du nouveau régime ont attaqué les quartiers alaouites de la région en les encerclant et les bombardant avec des armes lourdes voire des hélicoptères. Cette situation a provoqué deux jours après une insurrection beaucoup plus large de la part d’Alaouites qui ont pris le contrôle de différentes bases militaires et de lieux stratégiques sur la côte.

Le lendemain de l’insurrection, le régime en place depuis le mois de décembre a envoyé des renforts considérables et a appelé à une sorte de levée en masse. Il a laissé venir les groupes les plus radicaux, notamment du Nord-Ouest de la Syrie, et ces derniers se sont lancés dans des massacres.

Quelque 1383 personnes auraient été tuées au cours de ces massacres. Les victimes sont très majoritairement des Alaouites. Concernant les victimes chrétiennes, on parle d’un peu moins d’une dizaine d’individus ayant perdu la vie.

Les chrétiens de Syrie avec lesquels vous êtes en contact font-ils part de leur inquiétude depuis l’arrivée au pouvoir d’Ahmed al-Charaa ?

Oui, et ils le sont encore plus depuis les massacres. Avant, ils avaient espoir que la situation s’améliore pour eux. Cet espoir est devenu très mince.

Le président par intérim a condamné les massacres de civils. « Nous devons préserver l’unité nationale, la paix civile autant que possible », a-t-il notamment déclaré. Comment jugez-vous ce propos ? N’est-il pas de nature à rassurer la minorité chrétienne ?

Le président est au pouvoir depuis trois mois. Les chrétiens ont besoin qu’il passe aux actes.

J’ai appris qu’il avait mandaté une commission d’enquête. Sa composition est prometteuse car les membres viennent d’horizons variés mais il faut espérer que cette commission aura les moyens d’agir et d’atteindre les objectifs qui lui sont fixés.

Comment le nombre de chrétiens a-t-il évolué en Syrie ces dernières décennies ? L’association SOS Chrétiens d’Orient parvient-elle à venir en aide aux civils malgré le changement de régime ?

Avant le début de la guerre, ils étaient presque 2 millions. Aujourd’hui, ils seraient environ 500.000. La plupart sont partis. À l’heure actuelle, il y a 7 millions de Syriens qui vivent à l’étranger, et ceux qui restent, notamment les Alaouites et les chrétiens, ne pensent qu’à quitter le pays.

Nous continuons à travailler en bonne intelligence avec les autorités locales. Pour l’instant, tout se passe bien.

Quels sont vos projets futurs en Syrie ?

Nous travaillons sur la restauration d’une boulangerie dans la ville chrétienne d’Al-Qusayr à la frontière libanaise pour nourrir la population locale et donner du travail à plus d’une cinquantaine de personnes.

En Syrie, une boulangerie n’a rien à voir avec ce que nous pouvons trouver en France. Il s’agit d’une grande infrastructure étatique. Fournir du travail à une cinquantaine de personnes, c’est apporter une source de revenus à une cinquantaine de familles, et leur permettre ainsi de rester sur la terre de leurs ancêtres. Cela, nous ne pouvons le faire sans l’aide de nos généreux bienfaiteurs, et il reste tant à faire !

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