Guerre de symboles sur la plage ou au parlement régional, vandalisme contre des sièges de partis: la tension gagne dans une Catalogne divisée sur la question de l’indépendance. « Il existe une violence latente, que l’on sent dans l’air, qui ne va pas jusqu’à de la violence physique mais qui va +crescendo+ », estime Sonia Andolz, politologue spécialisée dans l’analyse des conflits à l’Université de Barcelone. « Le ton monte, il y a des heurts entre personnes qui se bousculent, s’insultent, un certain discours de haine envers l’autre qui devient courant: ceux qui veulent l’indépendance sont traités de +putschistes+, ceux qui n’en veulent pas de +fascistes+ », dit-elle.
Depuis quelques semaines, la région du nord-est de l’Espagne aux 7,5 millions d’habitants est le théâtre d’une bataille de symboles. Alors que les indépendantistes placent un peu partout des rubans jaunes en signe de protestation contre l’emprisonnement de plusieurs dirigeants, leurs opposants les enlèvent.
Début mai, la police a dû ainsi s’interposer entre deux groupes à Barcelone pour éviter un affrontement. Et la semaine dernière, à Canet de Mar, 40 km au nord, trois indépendantistes ont été légèrement blessés dans une bagarre avec des personnes, pour certaines encagoulées, qui avaient détruit un cimetière symbolique de croix jaunes sur une plage. Autre exemple de ces tensions, des manifestants contre le nouveau président indépendantiste Quim Torra s’en sont pris physiquement dimanche à Barcelone à un policier pour qu’il retire un ruban jaune de la façade de l’hôtel de ville, avant de couvrir une plage de drapeaux espagnols.
Au parlement régional, une session a même dû être interrompue vendredi quand Carlos Carrizosa, le président du groupe Ciudadanos, principal parti anti-indépendantiste, a retiré un ruban posé sur un siège pour symboliser l’absence d’un élu emprisonné. La crispation est palpable en Catalogne depuis l’automne dernier après la répression parfois violente du référendum illégal d’autodétermination, l’incarcération de figures de l’indépendantisme et la vaine proclamation d’une « république catalane » dont la moitié de la population de la région ne voulait pas. Les manifestations pro et anti-indépendance se sont depuis multipliées, tandis que l’extrême droite espagnole a augmenté ses actions et agressé des indépendantistes.
La tension a aussi gagné les manifestations indépendantistes. Jusqu’alors invariablement pacifiques, elles se sont achevées en mars par de durs affrontements avec la police. Les partis politiques consultés par l’AFP signalent par ailleurs une augmentation des actes de vandalisme, des graffitis aux bris de verre. Miguel Garcia, responsable de Ciudadanos à L’Hospitalet de Llobregat, deuxième ville de Catalogne, assure ainsi que le siège de son parti a été visé 13 fois depuis 2015, et parfois maculé d’excréments d’animaux. « Il y a des gens qui ne tolèrent pas nos idées », dit M. García dont la formation a comptabilisé une trentaine d’actes de vandalisme en 2017, comme le Parti socialiste catalan.
Les partis pro-indépendance assurent eux aussi subir des représailles mais refusent d’en faire le décompte. Pour ne pas mettre en valeur des faits jugés « ponctuels », dit-on au sein de la Gauche républicaine (ERC). « Certains veulent faire croire que la société catalane se radicalise et utilise la violence mais ce n’est pas vrai », proteste David Bonvehí, du parti PDECAT de l’ancien président catalan Carles Puigdemont, dont l’un des sièges à Barcelone a été aussi couvert d’excréments.
Dans le quotidien catalan La Vanguardia, l’écrivain catalan Antoni Puigverd a comparé la situation au « syndrome de la grenouille cuite ». Plongée dans l’eau bouillante, elle fuit immédiatement alors que si on la met dans une eau tiède chauffée progressivement, elle ne s’affole pas et finit par cuire et mourir. « Cette violence de basse intensité, ces actes malveillants sont l’eau tiède dans laquelle baigne la grenouille catalane, qui prétend ignorer que le feu de la division reste allumé et que la température monte chaque jour », a-t-il écrit.
Sonia Andolz, dotée d’une expérience de médiation dans les Balkans et au Moyen-Orient, ne prévoit pas de généralisation de la violence physique en Catalogne mais trouve la situation « plus dangereuse qu’elle en a l’air ». « Finalement, dans les conflits, la violence physique est la pire mais la plus facile à arrêter. La violence culturelle, la haine qui reste, se maintiennent, ce qui devrait beaucoup nous préoccuper », dit-elle.
DC avec AFP
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.