L’histoire du compositeur autrichien Franz Schubert (1797‑1828) est l’une des plus tragiques de la musique classique. Lorsque les historiens se penchent sur son œuvre, ils la considèrent comme égale en tout point à celle de Mozart, Bach et Beethoven. Sauf auprès de quelques compositeurs de l’époque (Schumann, Liszt et Brahms) qui ont découvert et défendu ses compositions, le génie de Schubert a de peu sombré dans l’oubli.
Cela tient sans doute au fait que Schubert est mort à 31 ans, huit mois après sa première et unique représentation publique en 1828. C’est à sa mort seulement que ses œuvres ont été découvertes. Malheureusement, Schubert n’était plus là pour jouir de la reconnaissance qu’il méritait.
C’est une preuve de son génie que l’œuvre ait survécu.
Le premier professeur de musique officiel de Schubert, Michael Holzer, qui était organiste et chef de chœur de l’église paroissiale de Lichtental, a fait remarquer qu’il n’avait rien à enseigner à cet enfant qu’il regardait « avec émerveillement en silence ».
Ce n’est pas une telle tragédie pour les auditeurs d’aujourd’hui. S’il est triste que Schubert n’ait pu voir le succès de sa musique, nous pouvons tout de même explorer l’incroyable répertoire qu’il nous a légué.
La Wanderer-Fantasie
Particulièrement impressionnantes sont ses sonates pour piano. Sans l’accompagnement d’un orchestre, les détails de chaque partie (mélodie, contrepoint, harmonie et rythme) sont tous exposés au piano solo. Le génie de l’œuvre est ainsi révélé, de même que la personnalité du compositeur. Chaque note est un indice de l’identité de l’auteur.
Schubert, un gentleman timide et effacé, était plein de malice, de mystère et d’exaltation. Ses sonates pour piano sont une incroyable contribution à notre patrimoine et révèlent un homme sensible doté d’un univers intérieur foisonnant. Il y a suffisamment de gaieté baroque et polie pour être appréciée, mais en y regardant de plus près, les sonates de Schubert révèlent un romantisme, un pathos et un désir ardent exprimés avec délicatesse.
La Fantaisie en do majeur, opus 15, plus connue sous le nom de Wanderer‑Fantasie a été écrite pour piano solo en 1822. C’est une des œuvres les plus connues et les plus souvent jouées de Schubert. Elle est considérée comme une des plus grandes compositions de tout le répertoire pour piano. Cette fantaisie en quatre mouvements est liée par un thème unificateur, chaque mouvement s’enchaînant au suivant, en commençant par une variation de la phrase d’ouverture d’une composition antérieure, Der Wanderer. Ce lied (poème mis en musique) a été composé à l’origine en 1816 pour piano et voix avec des paroles et un titre dérivés d’un poème de Georg Philipp Schmidt von Lübeck.
La Wanderer‑Fantasie est considérée comme son œuvre la plus difficile. On dit qu’il était à peine capable de la jouer lui‑même. Composée au lendemain du Siècle des Lumières, la fantaisie fait allusion à l’évolution des goûts, à la complexité, au sentiment de recherche et à l’air du temps. Musicalement, elle est fascinante, en tant que référence culturelle, elle est incontournable.
Dans la chanson, le vagabond cherche un paradis lointain mais ne le trouve nulle part parmi les hommes : « Où es‑tu, ma chère terre ? Recherchée et évoquée, mais jamais connue. … » À la recherche du bonheur, le vagabond demande « où ? » et un souffle fantomatique lui répond : « Là, où tu n’es pas, là est ton bonheur. »
La Wanderer‑Fantasie s’éloigne de la forme classique en ce qu’elle a été créée pour être jouée sans pause entre les mouvements. Sa virtuosité et sa structure ont captivé d’autres compositeurs de l’ère romantique, en particulier le compositeur hongrois Franz Liszt, qui l’a transcrite pour piano et orchestre. En éditant la partition originale de Schubert, Liszt a réarrangé le mouvement final et ajouté des passages alternatifs.
Musique poétique
Il y a plus de 900 œuvres de Schubert à explorer, allant des valses viennoises traditionnelles comme la Sérénade pour orchestre complet, alto ou violoncelle, aux lieder poétiques. Le Roi des Aulnes est l’un des lieder les plus magnifiques de Schubert. Sur le poème éponyme de Goethe, il s’agit d’une composition dramatique et stimulante largement considérée comme un joyau du début de l’ère romantique.
Le lied raconte l’histoire d’un père qui rentre à toute allure chez lui à cheval, tenant dans ses bras son fils anxieux et fiévreux. Au fil de l’histoire, l’enfant a des « hallucinations » dues à un esprit malveillant, l’Erlking (personnification de la mort), qui tente de l’attirer. Alors qu’ils galopent à travers la forêt, le père effrayé essaye de rassurer son enfant en définissant ces impressions sombres et fantastiques comme de simples phénomènes naturelles : un filet de brouillard, le bruissement des feuilles et le scintillement des saules. Une fois chez lui, le père découvre que son fils est mort.
Schubert n’avait que 18 ans lorsqu’il a créé cette composition évocatrice et théâtrale en 1815. Composée pour voix et accompagnement de piano, la chanson met en scène quatre personnages ‑ le narrateur, le père, le fils et l’Erlking ‑ tous chantés par un seul chanteur. Tous les personnages sont chantés dans la tonalité mineure, sauf l’Erlking, dans la tonalité majeure.
On entend également les prémices de l’utilisation dramatique du piano qui accompagnera plus tard bon nombre des films muets en noir et blanc. Le piano simule le galop des sabots d’un cheval avec un passage distinct en triolet et des variations en basse.
La jeune fille et la mort
Le Quatuor à cordes no 14, également connu sous le nom de La jeune fille et la mort, a été composé en 1824. Schubert savait qu’il allait bientôt mourir. Le quatuor a été inspiré par un de ses lieder antérieurs, portant le même titre, et était à l’origine réglé sur un poème du poète allemand Matthias Claudius. Le thème du quatuor est un chant de mort sur la terreur de mourir et l’anticipation pleine d’espoir du confort et de la paix qui suivent. Dans le dialogue entre la jeune fille et la mort, la jeune femme rejette la mort avec crainte, en s’écriant :
« Va-t’en ! Ah ! va-t’en !
Disparais, odieux squelette !
Je suis encore jeune, va-t-en !
Et ne me touche pas. »
Le couplet chanté par la Mort dans le lied de Schubert est le suivant :
« Donne-moi la main, douce et belle créature !
Je suis ton amie, tu n’as rien à craindre.
Laisse-toi faire ! N’aie pas peur…
Viens doucement dormir dans mes bras. »
Malgré la maladie et la dépression, Schubert a continué à composer une musique légère et mélodieuse qui évoquait la chaleur et le confort. Le Quatuor à cordes no14 a été joué pour la première fois en privé en 1826 et n’a été rendu public qu’en 1831, trois ans après sa mort.
La Symphonie inachevée
Pour avoir le temps d’écrire la Wanderer‑Fantasie pour son mécène Carl Emanuel Liebenberg von Zsittin, Schubert a cessé d’écrire ce qui allait être connu sous le nom de Symphonie inachevée. Malheureusement, la Symphonie inachevée est restée inachevée, et la Wanderer‑Fantasie n’a été jouée en public qu’en 1832, longtemps après sa mort.
S’il y avait encore des doutes sur la pure sensibilité de Schubert, le drame de la Symphonie inachevée, également connue sous le nom de Symphonie n°8, les dissipera rapidement. Bien que la symphonie soit dépourvue de son finale, elle ne manque de rien pour être un chef‑d’œuvre.
En raison de l’élan lyrique de sa structure dramatique, la Symphonie n°8 inachevée est souvent considérée comme la toute première symphonie romantique, ce qui rend à Schubert toute la place qu’il mérite dans l’histoire de la musique. L’audace de sa symphonie, sa puissance dramatique, sa tension émotionnelle, font de Schubert un « romantique » qui a influencé le groupe suivant d’illustres compositeurs tels que Franz Liszt et Richard Strauss.
Il est facile de comprendre pourquoi son œuvre est considérée au même titre que celles de Mozart, Bach ou Beethoven. Les compositions de Schubert sont encore découvertes aujourd’hui par un public qui apprécient leur profondeur et la palette majestueuse des émotions exprimées.
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