Au troisième jour de la gigantesque panne qui paralyse le Venezuela, l’opposant Juan Guaido a demandé dimanche au parlement de décréter « l’état d’urgence » pour permettre l’entrée de l’aide humanitaire dans le pays.
Il a également enjoint la population à descendre dans les rues « parce que ce régime laisse mourir les Vénézuéliens » et appelé les forces armées à cesser « de couvrir le dictateur », le président Nicolas Maduro. Depuis jeudi après-midi, les Vénézuéliens sont privés de lumière, d’eau et de moyens de transports et de communications, et éprouvent de plus en plus de difficultés à se ravitailler.
« Je vais demander lundi à l’Assemblée nationale de décréter l’état d’urgence pour permettre l’entrée de l’aide humanitaire » dans le pays, ce qui permettra aussi de « solliciter l’aide internationale », a annoncé dimanche Juan Guaido, président de l’Assemblée nationale, autoproclamé « président par intérim » du pays et reconnu par une cinquantaine de pays.
« Cette catastrophe, nous devons nous en occuper maintenant », a-t-il martelé. Au moins 250 tonnes d’aide humanitaire, vivres et médicaments, principalement envoyées par les Etats-Unis, sont stationnées aux frontières du pays avec la Colombie et le Brésil. Le gouvernement s’est opposé le 23 février à leur entrée dans le pays en suspectant une tentative d’intervention armée déguisée des Etats-Unis.
La panne a déjà tué au moins 15 malades dans les hôpitaux dont très peu sont équipés de générateurs en état de marche, mais en l’absence de bilan officiel et de moyens de communications, il est impossible de savoir ce qui se passe exactement à travers le pays. M. Guaido a assuré que 17 personnes étaient mortes jusqu’à présent dans les hôpitaux, sans préciser la source de ce bilan ni s’il intégrait les 15 morts déjà annoncés, qui souffraient d’affection rénale.
« C’était horrible, tout était noir. Il n’y avait que quelques services ouverts grâce à un générateur que quelqu’un a apporté parce que ceux de l’hôpital ne marchaient pas », a rapporté à l’AFP Sol Dos Santos, 22 ans dont la fillette est hospitalisée à Caracas. Dimanche matin, la compagnie publique d’électricité Copelec a affirmé que la capitale était désormais desservie à 40%. Ce qui laisse 60% dans le noir.
La ville est calme cependant, mais plusieurs pillages de supermarchés ont été constatés à Caracas par l’AFP. La centrale hydroélectrique de Gurri, dans l’Etat de Bolivar (sud), responsable de la panne, dessert environ les trois-quarts du pays. M. Maduro a dénoncé une nouvelle « attaque cybernétique » dans la « guerre électrique » menée selon lui par les Etats-Unis.
Le gouvernement a affirmé qu’il fournirait à l’ONU « des preuves » de ces accusations. Un scénario « hollywoodien » a jugé M. Guaido. Pour lui, et nombre d’observateurs, le manque de maintenance et d’investissements sont la cause de cette panne qui affecte tout le pays. Depuis jeudi 16H50 (20H50 GMT), cette panne, inédite par son ampleur et sa durée dans ce pays de 30 millions d’habitants, qui dispose des premières réserves mondiales de pétrole, met le Venezuela à l’arrêt.
Dans la capitale, les rares commerces ouverts n’acceptent que les dollars en espèces. Du fait de l’inflation, les billets locaux en circulation sont trop rares pour payer un litre de lait dix mille bolivars. D’ordinaire, pour s’ajuster à cette hyperinflation, les paiements électronique se sont généralisés. Et ceux-ci sont bien sûr suspendus.
Sur les étals du marché de Chacao, faute de chambres froides ou même de glace, les marchandises se perdent dans la touffeur tropicale. Devant les stations services, les files de voitures s’allongent, ont constaté les journalistes de l’AFP. Des centaines de passagers sont bloqués à l’aéroport international de Maiquetia, leurs vols annulés.
Chaque jour, Rossy Fernandez, 72 ans, essaie de partir pour rendre visite à son frère à Miami. « Personne ne peut rien acheter à l’aéroport parce que personne n’a d’argent sur lui. Il n’y a que les dollars qui circulent. Mais je suis forte, jamais je ne quitterai ce pays, ils partiront d’abord! », lance-t-elle rageuse à propos du gouvernement. Selon l’ONU, 2,7 millions de Vénézuéliens ont émigré depuis 2015.
L’obscurité à la nuit tombée ajoute à l’angoisse dans cette métropole de 5 millions d’habitants, considérée comme l’une des plus dangereuses du monde. « C’est l’agonie.. On s’impose un couvre-feu à partir de 17h00. On essaie de sortir tôt pour acheter ce qu’on peut et on rentre vite », confie Yadira Delgado, 49 ans, qui vit avec sa mère de 72 ans et son fille de 16.
Cette nouvelle crise fournit aussi un nouveau terrain de lutte entre les deux présidents qui se disputent le pouvoir. MM. Guaido et Maduro, ont organisé samedi des rassemblements rivaux à Caracas. M. Guaido, qui a appelé à une marche nationale sur la capitale pour pousser vers la sortie M. Maduro, a répété qu’il était prêt à autoriser une intervention militaire étrangère.
D.C avec AFP
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