La Cour constitutionnelle allemande a sommé mardi la Banque centrale européenne de justifier « dans les trois mois » ses rachats de dette publique, fragilisant son vaste soutien à l’économie en pleine pandémie de nouveau coronavirus.
Cet arrêt retentissant, qui sonne comme un défi aux institutions européennes, vise le programme anti-crise mené depuis 2015, au moment même où l’institut de Francfort le renforce face aux conséquences de la crise sanitaire.
Des rachats massifs de dette publique
Concrètement, la banque centrale allemande, la plus puissante de la zone euro, se verra interdire de participer à des rachats massifs de dette publique pour soulager l’économie, si « le Conseil des gouverneurs de la BCE » ne démontre pas leur « proportionnalité », a décidé la juridiction suprême allemande.
L’institution de Francfort doit établir d’ici le mois d’août, de manière « compréhensible et détaillée », que les effets positifs de ce programme l’emportent sur ses inconvénients.
La BCE n’a cessé depuis des années de plaider pour cet « assouplissement quantitatif » ou « QE » comme solution anti-crise. Un instrument toutefois décrié notamment en Allemagne, où ses détracteurs y voient un financement illégal du train de vie des Etats.
Pour les magistrats allemands, en agissant de la sorte, la BCE s’aventure sur le terrain « de la politique économique », hors de sa stricte compétence monétaire consistant à garantir un certain niveau d’inflation.
La Cour constitutionnelle reconnaît certes n’avoir « pas pu établir de violation » par la BCE de l’interdiction qui lui est faite de financer directement les Etats européens.
Mais dans une décision d’une rare virulence, les magistrats de Karlsruhe jugent « douteuse » la compétence de l’institut de Francfort pour racheter massivement de la dette publique, soit l’essentiel des 2.600 milliards d’euros injectés sur les marchés entre mars 2015 et décembre 2018 dans le cadre du « QE », réactivé en novembre dernier.
Les conséquences économiques
En particulier, les juges allemands refusent de se plier à l’avis de la Cour de justice européenne, qui avait validé fin 2018 le programme de la BCE, mais a selon eux « totalement ignoré » ses « conséquences économiques » et rendu une décision « incompréhensible ».
Cette injection massive de liquidités affecte en effet « pratiquement tous les citoyens », en tant « qu’actionnaires, propriétaires, locataires, épargnants ou détenteurs de polices d’assurances », entraînant « des pertes considérables pour l’épargne privée », détaille la Cour constitutionnelle, en reprenant à son compte des critiques récurrentes entendues en Allemagne.
Dans cette guerre des juges, la Commission européenne a réaffirmé « la primauté du droit communautaire et le fait que les arrêts de la Cour de justice européenne sont contraignants pour toutes les juridictions nationales ».
La BCE va tenir mardi à partir de 16h00 GMT une réunion de son conseil des gouverneurs pour réagir.
Calmer le jeu
L’un de ses membres éminents, le président de la Bundesbank allemande, Jens Weidmann, souvent critique par le passé sur le soutien de la BCE à la zone euro, a cherché cette fois à calmer le jeu. Il a promis de soutenir l’institution dans ses efforts pour répondre aux critiques de la cour suprême allemande.
De son côté, le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz, a laissé entendre qu’il ne se laisserait pas intimider par les remontrances judiciaires, promettant de faire tout le « nécessaire pour l’Europe » et saluant la solidarité au sein de la zone euro.
Au moment où les gardiens de l’euro déploient des moyens inédits face au cataclysme économique causé par le coronavirus, la justice allemande « place la BCE sous une menace constante », résume Henrik Enderlein, de l’institut Hertie School.
Des rachats supplémentaires de dette
Des rachats supplémentaires de dette pour plus de 1.000 milliards d’euros ont en effet été décidés depuis mars rien que pour 2020 via une rallonge côté QE — menacée par ce recours — mais aussi grâce à un nouveau programme d’urgence contre la pandémie (PEPP) doté de 750 milliards d’euros.
Cet « ultimatum » suscite des doutes sur la capacité de la BCE à agir sur le plus long terme, selon Frederik Ducrozet, de Pictet Wealth Management,
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.