L’industrie automobile japonaise commence-t-elle à ressembler à un colosse aux pieds d’argile ? Encore très puissante au niveau mondial, elle est en revanche à la traîne sur le segment porteur de l’électrique : un choix assumé, mais risqué pour l’avenir.
Toyota est certes resté en 2022 le numéro un mondial de l’automobile pour la troisième année consécutive. Et quatre de ses compatriotes (Honda, Nissan, Suzuki et Mazda) font aussi partie du top 20 mondial des constructeurs au niveau des ventes en volume.
Mais s’agissant des ventes mondiales 100% électriques, le tableau est radicalement différent. Aucun groupe nippon n’apparaît dans le top 20 de ce segment en 2022, dominé par l’américain Tesla et dans lequel brillent de plus en plus de constructeurs chinois comme BYD, selon un classement établi par le cabinet d’études Inovev.
La plupart des constructeurs nippons ont préféré massivement miser sur les véhicules hybrides sur les deux dernières décennies – un segment dont Toyota a été le défricheur et demeure le champion mondial – et ils ne se sont lancés sérieusement dans l’électrique que très récemment.
Une position peu ambitieuse ou réaliste ?
Même si l’Union européenne, le Royaume-Uni et des États américains comme la Californie ne veulent plus que des voitures zéro émission à partir de 2035, le Japon continue d’espérer que les hybrides (essence-électrique) resteront une solution privilégiée ailleurs dans le monde, à côté de l’électrique.
Une position souvent accusée à l’étranger d’être trop peu ambitieuse par rapport à l’urgence climatique et au virage électrique radical pris par d’autres constructeurs, mais jugée plus réaliste par l’industrie automobile japonaise comme par le gouvernement nippon.
« Les technologies hybrides sont accessibles et offrent des économies (d’émissions de CO2, NDLR) significatives par rapport aux moteurs thermiques », plaide Kuniharu Tanabe, un responsable de la stratégie automobile du ministère japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (Meti) interrogé par l’AFP. Alors que « les véhicules électriques sont chers et les ressources limitées », ajoute-t-il, en faisant notamment allusion aux incertitudes sur l’évolution de l’offre en lithium, composant essentiel des batteries, même si les technologies de recyclage s’améliorent.
M. Tanabe juge ainsi « extrême » la politique zéro émission définitivement approuvée fin mars par l’Union européenne. Tout en relevant, non sans une certaine satisfaction, l’exception prévue en dernière minute pour les carburants de synthèse, des technologies en développement sur lesquelles le Japon travaille également, précise-t-il.
Un enjeu vital
Les hybrides sont « un excellent filet de sécurité » pour les constructeurs japonais face aux nombreux risques associés à une stratégie 100% électrique. Mais « l’électrique doit être la priorité », parce que l’avènement de son règne est inéluctable à terme avec le réchauffement climatique, selon Christopher Richter, analyste automobile de CLSA à Tokyo. S’ils sont incapables de « réagir rapidement » aux réglementations pro-électriques croissantes dans le monde, « certains constructeurs japonais pourraient disparaître » à terme, prévient aussi l’analyste Koji Endo de SBI Securities.
Un enjeu vital pour le Japon, alors que 8% des emplois du pays et près de 20% de ses exportations dépendent de son industrie automobile.
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