La population européenne est en mouvement : un nouveau rapport de l’Office des Statistiques de la Commission européenne (Eurostat) suggère où et pourquoi. Parmi les nombreuses analyses produites dans ce rapport, des tendances lourdes émergent : les jeunes partent du sud de l’Europe, en particulier de ses zones rurales, à la recherche de travail dans les zones urbaines du nord-ouest du continent, riche en emplois. Cela crée un « trou démographique » qui pourrait prédire un déclin démographique prolongé et continu dans certaines régions.
Âge médian de la population, par pays, Europe 2015. Les petits cercles figurent les régions les plus et les moins âgées du pays. Les régions capitales sont les grands cercles, le trait horizontal est la moyenne nationale.
Age des villes, âge des champs
Le graphique ci-dessus fournit des indices sur ce mouvement. En ce qui concerne l’âge médian, on remarque très nettement que les zones rurales d’Europe ont tendance à avoir des populations plus vieilles, tandis que les capitales (marquées par des points bleus) sont en général plus jeunes que le pays auquel elles appartiennent. C’est en Grèce, dans la région d’Evrytania que la population est la plus âgée. Il s’agit d’une zone rurale où la migration des jeunes vers la capitale notamment a fait croître l’âge médian jusqu’à 53,6 ans. Entre 2006 et 2016, la Roumanie, la Lituanie, la Grèce et le Portugal ont tous vu leur âge moyen augmenter de plus de quatre ans. Cette hausse ne peut être simplement expliquée par une augmentation de l’espérance de vie. C’est également parce que les populations – surtout les jeunes – sont parties en grand nombre au début de leur carrière.
Au Portugal, ce mouvement s’est doublé d’une migration de retraités venus principalement d’Europe de l’Ouest qui sont venus s’installer dans le pays, créant ainsi une opportunité de développement territorial par la silver economy. Par ailleurs, combiné à un taux élevé de migration des jeunes, le faible taux de natalité accélère le vieillissement dans ces régions. Les taux de natalité bas constituent aujourd’hui un réel problème en Europe. En particulier, l’Espagne, l’Italie, la Slovaquie et la Grèce affichent les taux de natalité les plus faibles. Ceci est probablement un signe que les personnes choisissent d’avoir moins d’enfants pour des raisons économiques.
Néanmoins, il ne semble pas y avoir de lien automatique entre le vieillissement de la population et le taux de natalité. Alors que les populations lituanienne et roumaine ont vieilli rapidement, les deux pays ont un taux de natalité relativement élevé dans chaque région. Il est donc clair que la migration des jeunes est un facteur majeur. Dès lors, on comprend mieux les politiques d’attractivité actives menées par les métropoles européennes pour attirer cette population de jeunes diplômés à la recherche d’un travail bien rémunéré. Offrir de l’emploi à destination des jeunes doit être, de fait, une priorité en termes de politiques publiques.
Où vont les jeunes ?
À la lecture du rapport, nous n’obtenons pas de réponses claires car les augmentations de migrations observées dans certaines régions incluent également des arrivées de populations en provenance de l’extérieur de l’Union européenne. Ces dernières ont d’ailleurs augmenté en 2015 à la suite de la crise des migrants. Mais la carte ci-dessous montre que, dans l’Union européenne, l’Allemagne a été un centre de gravité. Ayant accepté 1,2 million de migrants en 2015, c’était le point d’arrivée le plus commun pour les déplacements des migrants cette année, bien que les plus grands réfugiés de la guerre en Syrie soient restés dans la Méditerranée orientale. Alors que l’acceptation des réfugiés a certainement été controversée dans de nombreux pays, il n’est pourtant pas automatique que l’arrivée des migrants cause des frictions intenses dans les communautés dans lesquelles ils arrivent.
Taux de migrations nettes (bilan migratoire : entrées – sorties) en Europe, 2015.
Pour comprendre pourquoi ces mouvements majeurs ont été en partis bien accueillis comme en Allemagne, il faut comprendre le vide créé par les faibles taux de natalité de l’Europe. Alors que le taux de 2,1 naissances par femme est généralement considéré comme nécessaire pour maintenir une taille de population statique, dans la quasi-totalité des pays de l’UE, le taux de fécondité est en deçà de ce seuil. Le taux de natalité de l’Allemagne a été particulièrement faible compte tenu de son succès économique. Si la chancelière Angela Merkel a été si généreuse envers les réfugiés, c’est parce que la situation démographique allemande est alarmante et beaucoup d’Allemands en sont conscients. La population migrante constitue une main d’œuvre pour le pays et un bassin potentiel de consommation. L’image globale est que l’Allemagne a voulu accepter les migrants parce que l’économie peut les absorber.
Migrants du Vieux Continent
Toutefois, les effets de la crise des migrants masquent en réalité d’autres tendances importantes et en cours. Il est certainement vrai que la Suède et l’Allemagne ont reçu beaucoup de demandeurs d’asile pendant la crise européenne des migrants, mais, les deux pays ont aussi accueilli de nombreux migrants provenant du Vieux continent. En Allemagne, même si les Syriens constituaient la nationalité ayant le plus déménagé outre-Rhin en 2015, on retrouvait juste derrière la Roumanie et la Pologne.
Un aperçu rapide de la carte européenne de l’emploi, ci-dessous, explique pourquoi l’Europe du Nord-Ouest (et surtout l’Allemagne) sont des destinations attrayantes. Les taux d’emploi pour 2016 étaient beaucoup plus élevés en Allemagne, en Scandinavie et dans le sud du Royaume-Uni que partout ailleurs, avec des niveaux d’emploi particulièrement bas dans le sud de l’Espagne, le sud de l’Italie et la Grèce. Les niveaux globaux d’emploi reflètent en partie l’écart des régions les plus dynamiques économiquement (dans le Nord-ouest européen). Ces régions pourraient encore devenir des destinations de migration majeures à l’avenir, à condition que leur croissance économique se poursuive. Elle aurait alors pour conséquence de renforcer les déséquilibres socio-économiques dans l’Union européenne.
Taux d’emploi des 20-64 ans en Europe, 2015.
L’espérance de vie, pas seulement une question de richesse
Tandis que l’Allemagne et d’autres pays du nord-ouest de l’Europe ont une plus grande résilience économique, ils n’ont pas nécessairement tous les avantages de leur côté.
À l’exception notable de la Norvège, les régions européennes avec une espérance de vie plus élevée se situent plutôt près de la Méditerranée. Il serait facile de suggérer qu’il n’y a pas de lien entre la richesse et la longévité. Les régions d’Espagne et d’Italie qui enregistrent l’espérance de vie la plus élevée pour les enfants nés aujourd’hui ne sont pas les plus pauvres de leurs pays. Il est encore clair que la longévité n’est pas une récompense directe découlant d’un revenu plus élevé.
Espérance de vie à la naissance en Europe, 2015.
L’espérance de vie est néanmoins un domaine où aucun État européen ne peut se permettre d’être complaisant. Entre 2014 et 2015, l’espérance de vie à travers l’UE a effectivement chuté pour la première fois. La baisse est faible (0,3 an soit une espérance de vie estimée à 80,6 ans) mais doit servir d’avertissement. Les hypothèses selon lesquelles l’Europe, comme l’Occident d’une manière plus générale, est automatiquement vouée à améliorer ses conditions de vie et la santé de la population sont remises en cause.
Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Institut du développement territorial (IDéT) – Laboratoire Métis, École de Management de Normandie – UGEI
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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