Une coalition de toujours plus importante de procureurs généraux s’oppose à BlackRock, le premier gestionnaire d’actifs au monde. Selon eux, la société d’investissement fait passer son programme politique avant les intérêts de ses clients et la sécurité nationale.
Le 4 août, un groupe de 19 procureurs généraux américains à tendance républicaine a envoyé une lettre très ferme (pdf) au PDG de BlackRock, Laurence Douglas Fink dit Larry Fink. Ils l’ont exhorté de mettre un terme à son programme politique et de revenir à ses obligations fiduciaires. Ils ont ajouté que les agissements de la société pourraient s’avérer illégales.
Des enquêtes et des mesures législatives suivront peut‑être, ont signalé les procureurs à Epoch Times.
« Notre État investit massivement dans des organisations comme BlackRock, et ces organisations ont une obligation fiduciaire envers l’État du Montana, [elles doivent] investir notre argent de la meilleure façon possible pour dégager des bénéfices », a expliqué Austin Knudsen, procureur général du Montana, par téléphone. « Cela n’inclut en aucun cas la promotion d’un programme libéral. »
La société d’investissement et ses alliés n’ont pas réussi à convaincre les législatures d’État de soutenir leurs idées, a poursuivi le procureur. Très critique, ce dernier a dénoncé les pressions économiques de BlackRock pour imposer aux Américains des « conceptions idéalistes, vertes, utopiques et progressistes ».
« Je pense que des entreprises comme celle‑ci sont vraiment sur le point de chanceler et de violer leurs obligations fiduciaires », a‑t‑il ajouté. À l’occasion, il a annoncé les prochaines étapes, à savoir des enquêtes et des remaniements législatifs.
Selon les magistrats, les États ont tout un arsenal de lois qui exigent des sociétés fiduciaires telles que BlackRock d’agir « uniquement » dans l’intérêt de leurs clients. Leurs « objectifs exclusifs » sont de dégager des bénéfices. En d’autres termes, leur seule mission consiste à faire de l’argent, et non à promouvoir des programmes politiques alternatifs.
La lettre accuse BlackRock de faire de l’ « activisme » et de sacrifier les meilleurs intérêts de ses clients, des contribuables et des retraités en étant focalisé sur son « programme climatique », entre autres.
Les procureurs généraux des États suivants ont ratifié la lettre : Arizona, Nebraska, Alabama, Arkansas, Géorgie, Idaho, Indiana, Kansas, Kentucky, Louisiane, Mississippi, Missouri, Montana, Ohio, Oklahoma, Caroline du Sud, Texas, Utah et Virginie‑Occidentale.
« Que les motifs mixtes découlent d’un désir de sauver le monde ou d’attirer des investissements de fonds de pension européens voire de gauche, cela ne change rien en termes de violation de la loi », explique la lettre.
« Nos États ne supporteront pas sans rien faire que les pensions de nos retraités soient sacrifiées pour le programme climatique de BlackRock », avertissent‑ils.
Le procureur général de l’Indiana, Todd Rokita, un des signataires, a confié à Epoch Times qu’il se devait d’intervenir.
« En tant que procureur général, j’ai la responsabilité de protéger les consommateurs contre les restrictions de production et les manipulations illégales du marché », a‑t‑il déclaré par mail.
« Les grandes banques et les gestionnaires d’actifs coordonnent leurs efforts pour supprimer les investissements dans l’énergie. Leur objectif est de fermer les usines de charbon et de gaz naturel pour faire avancer leur programme politique. »
Selon le procureur Rokita, les propres déclarations publiques et engagements de BlackRock prouvent que la société a utilisé les actifs des citoyens pour « faire pression sur les entreprises afin qu’elles éliminent progressivement les combustibles fossiles, augmentent les prix de l’énergie, provoquent l’inflation et affaiblissent la sécurité nationale des États‑Unis ». D’autres procureurs généraux ont également fait part de ce problème.
« BlackRock et d’autres sociétés de gestion d’actifs revendiquent clairement leur domination sur le marché », a‑t‑il ajouté.
BlackRock : un mastodonte économique
Avec plus de 10.000 milliards de dollars d’actifs, BlackRock est une des entités les plus puissantes au monde. Elle gère plus de richesses que le PIB annuel de tous les pays du monde, à l’exception des États‑Unis et de la Chine, selon les chiffres cités dans la lettre.
BlackRock possède également des participations importantes (souvent les plus importantes) dans un large éventail de sociétés aux États‑Unis et de par le monde. Cela inclut régulièrement des participations dans des sociétés concurrentes.
De ce fait, la société, basée à New York, a une grande influence sur les politiques de ces entreprises, ainsi que sur les politiques gouvernementales dans le monde entier.
Aujourd’hui, les responsables de BlackRock (à l’instar de leurs prédécesseurs) entretiennent des relations très étroites avec l’administration Biden et la Réserve fédérale (Fed). Les critiques affirment qu’il existe tout un système d’échanges permanents entre l’entreprise et le gouvernement qui leur permet de collaborer étroitement.
Biden a choisi Brian Deese, responsable mondial des investissements durables chez BlackRock, pour diriger son Conseil économique national. M. Deese avait déjà été le conseiller principal du président Obama et de l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton.
Michael Pyle, ancien responsable mondial de la stratégie d’investissement de BlackRock et ancien fonctionnaire sous Obama, est désormais le principal conseiller économique de la vice‑présidente Kamala Harris.
Un autre haut responsable de l’administration Biden, le secrétaire adjoint au Trésor, Adewale Adeyemo, était auparavant le chef de cabinet du PDG de BlackRock, Larry Fink.
Larry Fink, démocrate de longue date, est également très présent. Il siège au conseil d’administration du très puissant Conseil des relations étrangères, qui centralise les responsables gouvernementaux, les groupes médiatiques et les plus grandes transactions financières. Fink siège également au conseil d’administration du Forum économique mondial (FEM). Le Conseil des relations étrangères et le FEM promeuvent des politiques d’environnement durable soutenues par l’ONU et alignées sur les objectifs de BlackRock.
La société est sous le feu des critiques depuis longtemps déjà. On l’accuse de porter atteinte à la sécurité nationale et à la compétitivité économique des États‑Unis en dirigeant les investissements étrangers vers la Chine communiste.
On désapprouve également son rôle abusif dans diverses opérations de la Réserve fédérale. Selon les critiques, l’argent des contribuables est finalement systématiquement orienté vers des entreprises choisies et désireuses de promouvoir son programme.
Par exemple, en mars 2020, la branche consulting de BlackRock, l’unité FMA (une branche distincte de ses opérations de gestion des investissements) s’est vue octroyée un rôle de premier plan dans la réponse du gouvernement américain à la pandémie de coronavirus.
À cette époque, la Réserve fédérale a choisi la FMA pour gérer un programme d’achat d’actifs d’urgence. Mais il n’y a eu aucun processus où d’autres gestionnaires d’actifs auraient pu soumissionner pour le poste. En d’autres termes, BlackRock a été choisie sans qu’il y ait eu d’appel d’offres.
De la même façon, BlackRock a supervisé le programme de la Fed concernant les actifs de Bear Stearns et d’AIG pendant la crise économique qui a débuté en 2007.
Mais, pour l’heure, les procureurs attaquent la direction de BlackRock sur un autre point, sur le fait que la société met à profit son énorme influence pour imposer ses choix politiques et économiques aux entreprises américaines et, plus largement, à l’économie américaine tout entière.
Les magistrats soulèvent notamment la question des « critères ESG », car le gestionnaire d’actifs favorise les entreprises qui font des efforts pour déployer des mesures « environnementales, sociales et de gouvernance » (ESG) aux dépens d’autres entreprises sûres et rentables.
L’influence exercée par BlackRock et une poignée d’autres géants des finances a entraîné un intérêt mondial pour les critères ESG et une expansion des investissements ESG sur l’ensemble du globe. Partout, les entreprises ont changé de manière radicale leurs positions environnementales et leurs politiques.
Dans un communiqué envoyé par mail à Epoch Times, Ed Sweeney, directeur général de BlackRock, a défendu la société et ses politiques.
« Nous sommes un fiduciaire pour nos clients, nous les aidons à naviguer à travers les risques et les opportunités d’investissement afin qu’ils puissent atteindre leurs objectifs financiers à long terme », a‑t‑il écrit.
« L’argent que nous gérons ne nous appartient pas », a‑t‑il poursuivi. « Il appartient à nos clients, dont beaucoup prennent leurs propres décisions en matière d’allocation d’actifs et de construction de portefeuille. Nous offrons une gamme de produits et de stratégies pour atteindre les résultats qu’ils souhaitent. C’est leur choix. Beaucoup de nos clients choisissent d’investir dans un mélange de sociétés énergétiques traditionnelles, d’infrastructures de gaz naturel, d’énergies renouvelables et de nouvelles technologies de décarbonisation en raison des opportunités d’investissement découlant de leur rôle crucial dans l’économie. »
« Plus tôt cette année, nous avons encore élargi le choix des clients en offrant aux clients institutionnels intéressés, y compris tous les clients des régimes de retraite publics américains, la possibilité de voter directement pour leurs actions », a précisé M. Sweeney. « Les clients qui ont choisi cette option [de diversité] représentent 530 milliards de dollars, soit plus du quart des placements indiciels des clients institutionnels. »
Violations légales
Cependant, les magistrats n’ont pas été convaincus. Le procureur général Knudsen du Montana, a fait savoir que la société n’a pas encore publié de réponse officielle à la lettre.
Lorsqu’Epoch Times lui a demandé ce qu’il pensait des commentaires de BlackRock, le procureur a répondu qu’une telle déclaration n’était « pas vraiment surprenante ». C’est, a‑t‑il ajouté, une « fort belle digression » et une « non‑réponse ».
« Je suis sûr qu’ils sont confrontés à une forte pression de la part du Montana et des nombreux autres États qui suivent ce qu’ils font », a‑t‑il ajouté. « C’est un risque assez important pour BlackRock, et je m’attends donc à ce qu’ils essaient de le réduire autant que possible. »
Dans la lettre, les procureurs généraux ont mis en avant un nombre important de violations juridiques probables et ils ont exhorté Fink et BlackRock d’y remédier. Parmi ces violations, le fait de prendre en compte des facteurs externes qui n’ont rien à voir avec le meilleur intérêt financier des clients.
« Bien qu’il soit question de plus‑value à long terme, le fait que BlackRock aligne ses engagements en priorité sur des objectifs environnementaux et sociaux, tels que les objectifs de développement durable des Nations unies, indique au minimum un motif mixte », explique la lettre.
Opérer avec un « motif mixte », prévient la lettre, indique une « violation généralisée » des lois exigeant qu’un fiduciaire opère uniquement dans l’intérêt des clients.
« Une responsabilité fiduciaire exige de placer les meilleurs intérêts de vos clients avant tout programme politique », insiste le procureur général de l’Arizona, Mark Brnovich, le républicain ayant initié l’action. « Contribuer à assurer la sécurité financière des retraites doit être la première priorité de ce gestionnaire d’actifs. »
La lettre cite en particulier le rôle de BlackRock dans un réseau mondial d’entreprises connu sous le nom de Net Zero Managers Alliance. Ce réseau appelle ses membres à contribuer à l’élimination des émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre les objectifs fixés lors de l’accord de Paris.
Net Zero Managers Alliance décrit sur son site Web sa vision : « Tous les actifs sous gestion doivent atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050 ou plus tôt. »
Selon la lettre, BlackRock travaille également « à étouffer les points de vue opposés ».
« Plutôt que d’être un spectateur qui parie sur le jeu, BlackRock a revêtu le maillot de quaterback et s’est lancé énergiquement sur le terrain », poursuit la lettre. « L’étouffement du discours politique est l’action d’un activiste avec une opinion bien arrêtée, et non celle d’un fiduciaire neutre qui recherche le ‘dialogue’. »
Enfin, concernant les manipulations du marché de l’énergie, les procureurs ont mis en garde contre de probables violations des lois antitrust. Entre autres problèmes, les « boycotts groupés », les « entraves au commerce » et les « refus concertés de négocier ». Autant de comportements « clairement » contraires aux lois antitrust.
Tous ces problèmes ont affecté négativement les États et leurs fonds de pension, ajoutent‑ils.
Pour étayer son propos, le procureur général Knudsen du Montana a mis en avant les ravages subis par l’industrie du charbon et les producteurs d’énergie de son État du fait des politiques « vertes » encouragées par les institutions financières.
« En vertu de la loi du Montana, notre Conseil d’investissement et ceux qui sont sous contrat avec lui ont l’obligation légale de faire de l’argent », rappelle le procureur Knudsen. « Il n’y a aucune obligation de se soucier des émissions carbone, ce n’est pas ce que dit notre loi. »
« Lorsque vous commencez à sacrifier vos obligations pour promouvoir des idées vertes et des programmes climatiques, c’est là que ça pose problème à des procureurs généraux comme moi », ajoute‑t‑il.
« Les paroles ne valent rien », prévient‑il. Désormais, lui et ses homologues attendent de voir comment BlackRock va réagir et sont impatients d’obtenir davantage d’informations.
« La prochaine étape est l’enquête », poursuit‑il, ajoutant que tous les choix de BlackRock viennent de sa direction. « Nous devons voir jusqu’où ils sont descendus dans ce délire. C’est là que mon bureau entre en jeu ; nous pouvons enquêter sur certaines de ces questions. »
La législature d’État est également susceptible d’agir. « Je serais choqué si la législature d’État ne se saisissait pas de cette question lors de la prochaine session et ne prenait pas de mesures à cet égard », avoue‑t‑il. Il ajoute qu’auront également lieu des discussions avec le gouverneur et le Conseil d’investissement d’État.
« À BlackRock, je dis : Arrêtez d’interférer avec ces entreprises et faites votre travail ! » ajoute‑t‑il.
Les coups portés contre la finance et ses réseaux
Les procureurs généraux viennent de lancer leur première salve contre BlackRock. Mais au début de l’année 2022, une coalition de 16 trésoriers d’État s’est déjà attelée à défier les sociétés d’investissement.
Sous la houlette du trésorier de Virginie‑Occidentale, Riley Moore, une dizaine d’États ont prévenu qu’ils cesseraient de faire affaire avec BlackRock et d’autres grandes institutions financières à moins de mettre un frein aux stratégies « wokes » – comme le fait de faire la guerre aux sources d’énergie traditionnelles.
Le mois dernier, le bureau du trésorier de Virginie‑Occidentale a placé cinq grandes institutions financières sur une « liste d’institutions financières soumises à restriction » dans son État. Elles sont désormais interdites d’opérations bancaires avec la Virginie‑Occidentale en raison de leurs « conflits d’intérêts » et leurs attaques contre les fournisseurs d’énergie.
Les institutions figurant sur la liste sont BlackRock Inc, Goldman Sachs Group Inc, JP Morgan Chase & Co, Morgan Stanley et Wells Fargo & Co. Une grande banque est parvenue à échapper à la liste en levant son interdiction de prêter aux entreprises liées aux énergies fossiles. Il s’agit d’un secteur crucial en Virginie‑Occidentale.
Lors d’un entretien téléphonique avec Epoch Times, M. Moore a félicité les procureurs généraux pour leur lettre et pour leurs efforts visant à faire appliquer la loi.
Rejoignant leur point de vue, M. Moore estime que les institutions financières doivent faire ce que la loi leur impose de faire, à savoir de l’argent pour leurs clients (qui dans de nombreux cas incluent les gouvernements d’États et les fonds de pension) et non la mise en place de programmes politiques.
Selon lui, les politiques « wokes » sont exclusivement imposées par la gauche : « Ils ne devraient pas réfléchir à toutes ces inepties. Ils font de la politique avec notre argent, en essayant d’imposer leur programme politique au pays. »
« Notre propre argent est utilisé comme une arme contre nous. »
L’objectif de la coalition des trésoriers, faire en sorte que « les banques agissent comme des banques », poursuit M. Moore : » [Les institutions doivent] sortir du non‑sens politique et arrêter d’essayer de tuer nos industries. »
« Elles reçoivent l’argent des impôts de l’industrie des combustibles fossiles tout en essayant d’anéantir cette industrie. »
Les conséquences des actions des banques comprennent la flambée des prix de l’énergie qui contribue à l’augmentation rapide de l’inflation, la dépendance croissante à l’égard du Parti communiste chinois (PCC) pour les batteries de véhicules électriques et les équipements d’énergie éolienne et solaire, la diminution des emplois disponibles pour les habitants de la Virginie‑Occidentale et les Américains, et plus encore.
Même les efforts déployés en Virginie‑Occidentale pour extraire des minéraux de terres rares (un secteur industriel crucial actuellement dominé par le PCC) ne peuvent accéder aux capitaux en raison des politiques d’étranglement des banques, s’insurge‑t‑il.
« Nous payons tous pour cette expérience sociale qu’ils nous imposent. Ils préféreraient que nous dépendions de la Chine. »
Les banques ont publié des déclarations condamnant M. Moore. « Cela ne me dérange pas du tout », réplique‑t‑il.
Tout comme les procureurs généraux, M. Moore s’attend à ce que de nombreux autres États – y compris des États importants comme le Texas – adoptent des politiques similaires.
« Nous sommes les premiers, mais il y a une armée derrière moi. Les prochaines sessions législatives dans tout le pays verront de nombreux projets de loi sur cette question. »
BlackRock était tenu de répondre à la lettre des procureurs au plus tard le 19 août.
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