S’il y a quelque chose à apprendre de l’histoire, c’est que le passé est peut-être l’ombre la plus sombre hantant l’humanité.
Depuis le début de la civilisation humaine, le monde moderne a tenté d’innombrables fois de réécrire, fuir, voire purger ses souvenirs les plus douloureux, tout en s’accrochant à ce dont il est plus doux de se souvenir.
Regardons les choses en face : le passé peut faire ressurgir une douleur indescriptible. Réveiller le chagrin. Révéler des secrets. Indigner. Nous rendre vulnérables.
Néanmoins, le passé n’est pas toujours mauvais. Le passé peut éclairer la raison. Être rassurant pour l’avenir. Révéler des vérités cachées. Nous rappeler d’où nous venons, qui nous sommes et, par conséquent, ce que nous sommes capables de surmonter. Permettez-moi d’élaborer.
Il y a quelques années, à l’époque de ce que beaucoup qualifieraient de premières manifestations du mouvement « cancel culture », je suivais un cours d’histoire des États-Unis. Un débat animé sur la présence de symboles racistes, xénophobes et suprématistes blancs en Occident emplissait le grand auditorium.
En tant qu’ardent opposant au racisme, j’étais naturellement enclin à donner raison à ceux qui soutenaient avec ferveur l’effacement de ces symboles de la mémoire de notre nation. Après tout, me disais-je, rien de bon ne pourrait résulter de la persistance de tels symboles dans notre culture.
Un autre étudiant a voulu pousser le débat plus loin. Le jeune homme a suggéré que certaines statues et symboles religieux soient détruits. En particulier, il a soutenu que toutes les statues, peintures, vitraux et images représentant Jésus en tant qu’homme blanc devraient être démolis.
L’histoire n’avait pas été écrite en vain en ce qui me concerne. J’avais compris que Jésus était né dans une région géographiquement proche de l’Égypte, soulevant des questions quant à son apparence physique.
En tant que chrétien et homme noir, pour la première fois, je me trouvais face à un duel entre la remise en cause des symboles de ma foi et mes fortes convictions sur les relations raciales. Après mûre réflexion, j’ai conclu que ma relation avec Dieu était bien trop précieuse pour dépendre ou être tributaire d’une certaine illustration ou représentation de Jésus. Je me suis dit que ces symboles nous rappellent le chemin parcouru de notre société et notre culture.
L’objectif du débat était noble : purger notre nation des souvenirs douloureux de la suprématie raciale.
En réalité, purger notre nation de certains symboles ne peut la dépouiller complètement des souvenirs douloureux de la suprématie raciale.
Cela s’apparenterait à penser que purger notre nation de la Déclaration d’indépendance éliminerait les souvenirs douloureux liés aux promesses non tenues d’égalité pour tous faites en 1776. La suppression des symboles ne purgera jamais les actes répréhensibles. En revanche, c’est plutôt la suppression de l’acte répréhensible qui pourrait mieux venir à bout du comportement à l’origine du préjudice.
Cela m’a conduit à une question plus audacieuse, à savoir où tout cela s’arrête-t-il? Faut-il en arriver à détruire des symboles qui représentent ce que beaucoup estiment offensant dans notre société ? Je me suis alors demandé ce que leur destruction pourrait coûter à long terme à notre culture.
George Orwell a sans doute été confronté à cette même question, il y a 72 ans, lorsqu’il a décrété : « Celui qui contrôle le passé contrôle l’avenir. » Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de l’Holocauste, cet auteur de renommée mondiale nous avait éclairés sur cette vérité.
Certes, aujourd’hui, nous ne sommes pas face à la tyrannie qui a terrorisé nos ancêtres et taché de rouge le tissu moral de l’histoire. Néanmoins, nous sommes témoins d’un mouvement dont le fondement des révolutions conduit à la même terreur : la « cancel culture » (ou culture de l’effacement).
Aujourd’hui, un nombre croissant d’Américains et de citoyens du monde affichent de plus en plus ouvertement leur dégoût pour leurs institutions dirigeantes, des personnes influentes, des croyances et des idéologies. Dans une visée altruiste de réforme des institutions qui dirigent et influencent notre culture, beaucoup veulent entreprendre de purger ces dernières – religions, gouvernements et même entreprises privées – d’un passé sinistre.
Partout dans le monde, des statues et des symboles de diverses croyances et confessions sont démolis s’ils reflètent l’image d’une race particulière. Nous sommes témoins d’une condamnation publique constante et de la disqualification de ces « transgresseurs de la morale ».
Des représentants gouvernementaux sont démis de leurs fonctions sans même avoir la possibilité de répondre aux accusations. Des personnages de dessins animés classiques tels que la petite souris supersonique Speedy Gonzalez et les livres pour enfant du Dr Seuss sont bannis de la télévision et des librairies. En bref, les véhicules et les personnages représentant ces transgressions morales sont purgés, mais les comportements à l’origine de ces transgressions demeurent.
Au niveau local, les institutions de tout le pays emboîtent le pas. Au début de l’année, à San Francisco, 44 écoles ont retiré des noms d’auteurs, de présidents, de conquistadors et d’un sénateur des États-Unis dans le but de purger l’institution de toute figure emblématique « indigne ».
Il y a moins d’un siècle, les nazis avaient employé des tactiques similaires. En 1933, quelques mois après que Hitler a pris le pouvoir, l’industrie allemande de l’édition a élaboré une liste noire de plus de 200 auteurs. Les universités ont brûlé leurs ouvrages. Elles ont fait de même avec les statues et les monuments commémoratifs. Dans un effort visant à purger l’Allemagne des monuments de guerre en bois qu’ils jugeaient offensants, les nazis les ont tous détruits. Ces actes visant à nettoyer l’Allemagne de son passé indécent étaient autrefois considérés comme inoffensifs. Il s’agissait de réécrire l’histoire au nom de la « justice ».
L’ancien dirigeant de l’Union soviétique Joseph Staline a utilisé des moyens similaires pour nettoyer l’Union soviétique sur le plan ethnique et religieux. Parmi les moyens les plus controversés, Staline a tenté de détruire complètement la religion et de la remplacer par un dogme gouvernemental et culturel. Il a fait détruire des sanctuaires, peintures et symboles religieux séculaires, et a érigé de nouveaux sanctuaires et introduit de nouveaux martyrs visant le culte de l’histoire révolutionnaire de la Russie.
À maintes reprises, la « cancel culture » s’est employée à discréditer les personnes influentes, à détruire la religion et à réécrire l’histoire. Des tyrans tels qu’Idi Amin, Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi ont employé des tactiques similaires qui ont finalement conduit à une répression massive ou à un génocide. Dans le passé, nous aurions appelé ces pionniers de la « cancel culture » par leur véritable nom : fascistes.
Le fascisme est la suppression ou la destruction forcée de l’opposition – l’« opposition » étant tout ce qui ne correspond pas aux opinions ou aux croyances des fascistes. Le mot fascisme est dérivé du mot fascio, qui en italien signifie « regroupement ». Pris dans son ensemble, le fascisme représente des « regroupement de personnes » qui suppriment ou détruisent tout ce qui s’oppose à leurs idéologies. La « cancel culture » – aussi bien intentionnée soit-elle – est une rémanence moderne du fascisme.
En tant qu’individus et en tant que nation, nous ne pouvons pas oublier notre passé, de peur de nous oublier nous-mêmes. Plus important encore, comme l’illustrent les régimes tyranniques d’Hitler, de Staline, d’Amin et d’Hussein, effacer de l’histoire les souvenirs difficiles ne fera que laisser la prochaine génération mal informée et sujette à répéter les mêmes erreurs.
Certes, l’histoire de notre nation a pris racine dans des graines haine, de cupidité et d’indifférence humaine – c’est le moins qu’on puisse dire. L’amertume de 400 ans d’esclavage de nos ancêtres d’origine africaine est un passé difficile à affronter. Je l’affronte chaque jour. Néanmoins, il nous rappelle de ne pas répéter les mêmes erreurs et de ce que notre nation a surmonté.
Pendant 245 ans, notre nation a surmonté d’abyssales inégalités qui ont frappé des générations de personnes d’origine africaine, notamment le compromis des trois-cinquièmes qui a échoué à garantir une protection égale de tous les Afro-Américains devant la loi et a perpétué de profondes injustices dans notre système de justice pénale. La guerre civile a également remis en cause les fondements sur lesquels reposait notre nation et a coûté la vie à plus d’un demi-million d’hommes, de femmes et d’enfants.
Au-delà de ces injustices terribles et ces graves erreurs, il est possible de trouver dans les ténèbres de notre passé d’innombrables lanternes d’espoir.
Notre nation s’est unie face à l’injustice, armée d’amour et de courage. Ils ont marché. Ils ont combattu. Ils ont saigné. Ils ont pleuré. Ils ont déployé tous les efforts possibles pour obtenir l’égale protection des lois, le droit de vote des femmes, la fin de l’esclavage et de la ségrégation. Au-delà de nos frontières, pendant la Seconde Guerre mondiale, nos militaires ont combattu pour défendre notre liberté et mettre un terme au génocide de plus de 2,5 millions de Juifs. Bien que le chemin à parcourir soit encore long, nous demeurons fidèles à nos valeurs.
Alors que nous parcourons ensemble ce chemin rocailleux, soyons courageux et faisons face à l’histoire de notre nation, ses bons et ses mauvais côtés. Notre nation ne sera jamais parfaite, mais chacun d’entre nous peut faire sa part, collectivement et individuellement, pour en concrétiser les promesses, pour nous-mêmes et pour ceux qui nous entourent. N’oubliez pas que, quelles que soient ses imperfections, l’Amérique demeure notre pays.
Jonathan Madison a travaillé en tant que professionnel des politiques pour la commission des services financiers de la Chambre des représentants des États-Unis. Il a donné régulièrement son avis sur Fox Business Morning et est apparu sur les réseaux et émissions télévisés Saturday Night Live, KRON 4 News, NBC Bay Area News, et KTVU Channel 2 News. En tant que président de la section immobilière de l’association du barreau du comté d’Alameda, en Californie, M. Madison dirige une équipe d’avocats spécialisés dans l’immobilier, qui s’emploie à conseiller le comté d’Alameda sur des questions juridiques simples et complexes. En outre, il dirige un ministère à la prison du comté de San Francisco.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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