Le rideau s’ouvre sur un porte-manteau, un acteur s’approche, il prend une cape, une épée, un chapeau à plumes, un masque pour son nez et le voilà, l’audacieux mousquetaire de la compagnie des cadets de Gascogne.
Ainsi s’ouvre, au Théâtre du Ranelagh, la fameuse pièce incontournable, devenue depuis sa création en 1897, symbole de poésie, d’humour et d’héroïsme.
Un violoniste (le musicien Petr Ruzicka) au grand nez suit Cyrano. C’est son ombre, son âme, son génie. Ensemble, ils partagent la scène, l’archer dans la main de l’un, l’épée dans la main de l’autre – un toucher inattendu et très réussi du metteur en scène Jean-Philippe Daguerre.
À la fois originales et envoutantes, les pièces musicales sont composées par Edmond Rostand lui-même et font partie des partitions retrouvées dans sa maison d’Arnaga.
« C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule !
[…] Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit
La fête commence et les surprises ne s’arrêtent pas. Comme dans le bon vieux théâtre d’antan, les comédiens apparaissent de tous côtés. Ils traversent les allées, chantent aux balcons. Ils sont sur scène, se mêlent au public, surgissant d’en haut ou de derrière.
L’énergie jubilatoire des acteurs
Au théâtre du Ranelagh, la comédie épique d’Edmond Rostand dure quasiment deux heures – sans entracte, mais l’énergie jubilatoire des acteurs, la mise en scène enjouée et poétique associée aux vers enivrant nous font oublier le temps.
Une pièce entière en alexandrins, un rôle principal de 1 600 vers – Edmond Rostand, se rendant compte de la complexité de sa pièce le jour de la générale et redoutant un échec cuisant, se serait excusé auprès de l’acteur vedette de l’époque, Coquelin, de l’avoir « entraîné dans une pareille aventure ».
Un toucher inattendu et très réussi du metteur en scène Jean-Philippe Daguerre.
Mais malgré les nombreux défis que pose la pièce – les différents genres, épique, romantique, farce, tragédie ; les différents lieux de l’intrigue ou encore la scène de bataille, elle a eu un succès immédiat et Cyrano De Bergerac est devenu en une seule nuit un personnage mythique, l’incarnation même du héros humain et tragique qui n’hésite pas à se sacrifier, un archétype au même titre que le Hamlet de Shakespeare.
Un festin pour tous les sens
La réputation de ce héros – emprisonné dans sa laideur, maniant les mots et l’épée avec la même habileté capable de composer une balade tout en menant brillamment un duel –franchît rapidement les frontières des pays et des langues.
« Je jette avec grâce mon feutre,
Je fais lentement l’abandon
Du grand manteau qui me calfeutre, et je tire mon espadon »
Et Stéphane Dauch dans le rôle de Cyrano fait entendre la peine comme la joie, la bravoure comme la souffrance avec poésie, avec vivacité, avec ce fameux « panache » que l’auteur exigeait pour le rôle et qui fait rire ou pleurer le public.
À ses côtés excelle toute la compagnie : Le Bret, Ragueneau, rôtisseur-pâtissier et poète, qui nous fait monter l’eau à la bouche, le comte De Guiche, retenant son charisme pour le rôle, Christian, beau et audacieux, et Roxane enfin, interprétée par Charlotte Matzneff avec toutes les nuances qu’exige le personnage.
Un spectacle bien rythmé, un vrai festin pour tous les sens et pour tous les âges.
Pour en savoir plus
Théâtre de Ranelagh jusqu’au 10 janvier 2016
Du mercredi au samedi à 20h45
Après-midi le samedi à 16h30 et le dimanche à 17h
Représentations supplémentaire le 11 novembre à 16h
Et à 16h30 les 5, 12, 19, 21, 22, 23, 26, 28, 29, 30 décembre 2015 et le 2 janvier 2016
Relâche le 11 novembre à 21h
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