« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? »: c’est la question à laquelle vont répondre dans une semaine une partie des habitants de ce territoire français du Pacifique-Sud dans un référendum historique qui les divise. A Nouméa, l’échéance prévue le 4 novembre, est peu visible: seuls quelques panneaux d’affichage officiel témoignent de l’enjeu à venir, dans une campagne qui jusqu’alors se déroule dans un climat apaisé. Trois affiches prônent le non, celles des partis loyalistes Calédonie ensemble (droite modérée), le Rassemblement LR et les Républicains calédoniens. En face, les deux courants du FLNKS (Union calédonienne et Union nationale pour l’indépendance) appellent au oui.
Au marché de Nouméa, samedi matin, pas de distribution de tracts, pas de conversations enflammées: « Je ne comprends pas trop pourquoi un tel vote », explique René Gagnolet, médecin en retraite, résolument opposé à l’indépendance, synonyme selon lui de désordre entre les clans kanak. « Cette consultation va aiguiser les appétits de certains, contre nous les blancs », estime-t-il, attablé à côté d’un de ses anciens patients d’origine wallisienne, Sosefo Taofifenua, 72 ans.
Ce dernier s’avoue partagé, entre le combat des Kanak qu’il juge « logique », et son attachement à la France. « Mon cœur vote du côté kanak, mais ma tête me dit de rester Français », explique-t-il, pas certain d’aller voter. Surtout, il craint que la visite du Premier ministre Édouard Philippe, dès le lendemain du référendum, « mette de l’huile sur le feu » et soit vue comme une provocation par les perdants. Militant indépendantiste de la première heure, Jacques Nyiteij, ancien officier de Marine, est lui convaincu qu’il faut rompre avec la France, « dernier pays colonisateur ». « Je ne me sens pas Français, je ne suis pas contre le peuple français, mais contre son système colonial. »
Au vu des sondages, qui donnent le non gagnant avec 60 à 69% des voix, ses espoirs seront sans doute déçus au soir du scrutin, qui intervient au terme d’un processus progressif de décolonisation inscrit dans l’accord de Nouméa en 1998. Cet accord avait été signé dix ans après ceux de Matignon en 1988, qui ont mis fin à plusieurs années de quasi guerre civile entre Kanak et Caldoches ayant culminé avec la prise d’otage et l’assaut de la grotte d’Ouvéa en mai 1988, faisant au total 25 morts.
Selon les chiffres, les Kanak représentent moins de 50% de l’électoral. Et tous ne sont pas acquis à la cause indépendantiste. C’est le cas de Marceline Bolo, une femme au foyer habitant dans la banlieue de Nouméa : « Je n’arrive pas à comprendre pourquoi ils veulent cette indépendance, on a tout avec la France, les écoles, les hôpitaux », insiste-t-elle, « fière d’être française ».
174.154 électeurs sont appelés à se prononcer, car ils remplissent les conditions nécessaires pour figurer sur la liste électorale spéciale pour la consultation (LESC), dont la principale est la justification d’une résidence continue dans l’archipel depuis au moins le 31 décembre 1994. Véronique Rouvière, kinésithérapeute à Nouméa, fait partie des quelque 35.000 personnes qui ne pourront pas se rendre aux urnes, habitant en Nouvelle-Calédonie depuis seulement 16 ans. « Le référendum m’intéresse quand même, car il va décider de notre destin. J’ai investi ici, et j’y ai eu un enfant », explique-t-elle.
En face du marché, dans le jardin du Mwaka, une imposante sculpture kanak, un groupe de sans abris kanak cassent la croûte avec les invendus du marché. En dépit de trente années de rééquilibrage économique et social en faveur du peuple premier de Nouvelle-Calédonie, les inégalités restent criantes dans cet archipel.
« Nous sommes toujours marginalisés », déplore Karl, bonnet Kanaky enfoncé sur la tête, en dénonçant le chômage élevé chez les Kanak, lié selon lui à la forte immigration des métropolitains. « Voter l’indépendance, c’est pas dire aux blancs dehors, c’est leur dire on va vivre ensemble, mais c’est nous qui fixons les règles. »
D.C avec AFP
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