L’innovation est présente partout dans l’enseignement supérieur. On la trouve comme thématique de recherche (élément central de différenciation en marketing, transformation des usages dans les systèmes d’information, etc.), comme positionnement stratégique de certains établissements du supérieur (École des Mines de Paris, Grenoble École de Management, Université Technologique de Compiègne, etc.), comme un leitmotiv dans les méthodes d’enseignement et d’apprentissage (MOOC, serious games, classes inversées, blended learning, etc.).
Toutefois, et on a parfois tendance à l’oublier, l’innovation est également une matière d’enseignement dans de nombreux filières et cursus, tant à l’université que dans les écoles d’ingénieurs et de management (stratégie d’innovation, marketing de l’innovation, économie de l’innovation, management de l’innovation, etc.).
L’innovation se justifie-t-elle comme matière d’enseignement ?
L’innovation est un des termes les plus médiatisés et qui s’est presque « banalisé ». Il est donc normal de retrouver ce concept dans les cursus d’enseignement mais on peut s’interroger sur la pertinence d’enseigner une matière qui s’appuie déjà sur les fondamentaux et les outils d’autres disciplines bien établies comme la stratégie, le marketing, l’économie, la finance, etc. ? Finalement l’innovation n’est-elle pas juste une nouvelle manière de repenser certains outils ou certaines méthodes existants dans une logique accrue de différenciation et de compétitivité des organisations ?
Cette interrogation peut également être justifiée sur deux points. D’abord, les études des différents cabinets spécialisés et certains travaux académiques montrent que les organisations génèrent plus d’innovations de type incrémentale que radicale. On est donc davantage dans une logique de perfectionnement des produits et services existants que dans celle d’innovations de rupture permettant la création de nouveaux marchés et de nouveaux usages durables pouvant aller jusqu’à la création d’un écosystème.
Ensuite, l’innovation est très souvent une problématique de perception des acteurs et des consommateurs (Rogers, 2003). Il peut exister un décalage entre le niveau de R&D et les investissements des entreprises et le degré d’innovation perçu des consommateurs, et cela fonctionne aussi à double sens (par exemple certains produits sont perçus comme très innovants notamment par rapport à leur design et non leurs fonctionnalités techniques ou les inventions techniques qu’ils intègrent).
Enseigner l’innovation : les vertus de la transdisciplinarité
Le processus d’innovation est par nature transverse à l’organisation. L’innovation ne se réduit pas aux seuls contenus techniques ou technologiques, elle met en jeu un ensemble de processus complexes, organisationnels, relationnels et cognitifs. Elle implique une décision stratégique, une validation financière ou du moins de business plan prévisionnel, une activité de R&D, une analyse marketing amont et aval, etc.
L’innovation ne peut donc pas être le territoire exclusif du service R&D car elle nécessite une mobilisation générale des compétences de l’entreprise. Par ailleurs, l’innovation exige un dialogue souvent difficile entre des fonctions aux objectifs et aux horizons temporels différents (marketing et finance, etc.). L’entreprise se doit alors d’adopter une organisation et des procédures adaptées : des structures moins hiérarchisées, en réseau ou l’interdisciplinarité est la règle.
Enseigner l’innovation oblige donc à penser de manière plus transversale l’organisation et à mettre en relation, voire à réinterpréter certains outils d’analyse issus de différentes disciplines (par exemple prendre en compte le raccourcissement du cycle de vie des innovations dans les calculs de retour sur investissement, développer des méthodologies de nature plus qualitatives en marketing pour cerner des besoins non exprimés, capitaliser sur les échecs des innovations pour améliorer la compréhension des nouveaux usages et comportements des consommateurs, etc.).
Enseigner l’innovation participe donc à décloisonner les enseignements dans les établissements notamment via des jeux de simulation ou des business games par exemple.
Une démarche d’exploration et de sensibilisation à l’entrepreneuriat
Enseigner l’innovation s’accompagne désormais d’une véritable logique d’exploration, tant par les disciplines connexes que les étudiants vont appréhender (design, créativité, anthropologie, etc.) que par l’enseignement de démarches structurées pour créer de nouveaux produits et services (méthode des schèmes, théorie C/K, méthode TRIZ, Blue Ocean Strategy, etc.). Les cours sur l’innovation peuvent ainsi favoriser une pensée divergente favorisant la créativité et permettant aux individus de chercher des solutions alternatives.
C’est également l’occasion de faire travailler des individus possédant des expériences et des profils variés dans une logique d’hybridation des compétences (managers ingénieurs, sociologues, designers, etc.). Cela est d’autant plus important que la pérennité d’une entreprise repose désormais sur sa capacité à générer un flux constant de produits ou de services nouveaux. Il s’agit alors d’anticiper les conséquences de la destruction créatrice de Schumpeter (1942) pour les organisations. Enseigner l’innovation permet alors de sensibiliser les étudiants à un « capitalisme de l’innovation intensive » et peut également leur faire prendre conscience des opportunités de création d’entreprises, notamment dans de nombreux domaines comme le numérique, l’économie sociale et solidaire, l’e-santé, la silver economie, etc.
Sébastien Tran, Directeur Général Adjoint Académie et Recherche, ISC Paris Business School
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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