Debout sur la remorque d’un camion, entre des sacs de riz et de lait en poudre, un des coordinateurs de l’opération censée faire entrer l’aide humanitaire du Brésil au Venezuela doit convaincre son équipe de faire machine arrière.
« Il faut repenser notre stratégie. Le président Guaido nous a ordonné de ne pas prendre de risques et de trouver un moyen d’entrer de façon pacifique », s’écrie le jeune homme, désignant de la main la frontière vénézuélienne bloquée par des militaires depuis jeudi sous ordre de Nicolas Maduro. Cette décision de battre en retraite a fait l’effet d’une douche froide pour les quelque 500 Vénézuéliens qui avaient afflué dès les premières heures du matin entre les postes de douane des deux pays.
Ils voulaient participer au « Jour J » choisi par l’opposant Juan Guaido, reconnu comme président par intérim par une cinquantaine de pays, pour faire entrer l’aide humanitaire internationale. Au Brésil, les deux camions escortés jusqu’à la frontière ont fini par rebrousser chemin quelques heures plus tard. On venait d’apprendre que des heurts entre forces de l’ordre et manifestants avaient fait deux morts et plusieurs dizaines de blessés à Santa Elena del Uairen, côté vénézuélien, à 20 km de la frontière.
Sans compter le fait que d’autres camions chargés d’aide humanitaire ont été brûlés près de la frontière colombienne. Le début de la journée, pourtant, est placé sous le signe de l’espoir. Les deux camions arrivent dans la ville frontalière de Pacaraima, depuis Boa Vista, capitale de l’Etat de Roraima, à 215 km de là. Le ministre des Affaires étrangères brésilien Ernesto Araujo fait partie du convoi, accompagné de Teresa Belandria, ambassadrice de Juan Guaido au Brésil.
« Nous espérons qu’une lumière s’allume et que la frontière s’ouvre », affirme M. Araujo, dans une sortie quelque peu poétique dont il est coutumier. « L’aide humanitaire entrera quoi qu’il arrive », a martèle Mme Belandria, dans un style plus direct. Les poids lourds sont remplis de riz, lait en poudre, médicaments et kits de premier secours, qui manquent cruellement au Venezuela en raison de la pénurie qui y fait rage depuis des années.
Ils sont rapidement entourés de centaines de Vénézuéliens, qui bravaient le soleil de plomb et scandaient des slogans contre le « dictateur » Maduro. « Nous sommes plus proches que jamais du changement. S’ils ne nous laissent pas passer nous irons à pied, même s’il faut emprunter des chemins de traverse », déclare à l’AFP José Guillen, maçon qui vit depuis un an à Pacaraima.
Mais les heures passent et les camions ne bougent pas d’un pouce.
Ils sont bloqués à la frontière, tandis que deux ambulances parvient à la traverser en sens inverse. Elles transportent des manifestants vénézuéliens blessés par balle lors des affrontements à Santa Elena del Uairen. « Les blessés arrivent ici pour se faire soigner parce qu’il n’y a pas de médicaments là-bas, alors qu’ici, l’aide humanitaire dont on a tant besoin est bloquée », déplore Tomas Suarez, ingénieur de 52 ans, au Brésil depuis seulement trois jours.
Quand les camions redémarrent dans l’autre sens, côté vénézuélien, des manifestants commencent à jeter des pierres et des cocktails molotov en direction de l’armée, qui riposte avec des gaz lacrymogènes. Malgré le sentiment de frustration qui régnait à la frontière, le camp Guaido a tenu à faire passer des messages optimistes tout au long de la journée.
Son ambassadrice a eu l’idée de demander aux camions d’avancer au-delà du poste de douane brésilienne, jusqu’à un endroit où sont déployés les drapeaux des deux pays, se positionnant stratégiquement à côté de celui du Venezuela. Le poste de douane vénézuélien est encore 500 mètres plus loin.
Cela n’a pas empêché l’ambassadrice d’annoncer sur que l’aide humanitaire du Brésil était entrée de fait en territoire vénézuélien, ce que Juan Guaido s’est aussi empressé de tweeter. Le gouvernement brésilien lui-même a indiqué dans un communiqué que les camions « avaient traversé la frontière, entrant dans le pays voisin ». Mais la frustration des manifestants n’a fait que s’accentuer quand ils ont vu les poids lourds rebrousser chemin.
D.C avec AFP
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