Médiateur incontournable, l’Egypte est plus que jamais à la manœuvre avec Israéliens et Palestiniens pour négocier une trêve dans les violences qui secouent Gaza depuis des mois, tout en demeurant d’une discrétion absolue. Le 2 novembre, la frontière entre l’enclave sous blocus et Israël a connu un de ses vendredis les plus calmes, après des mois de manifestations palestiniennes et de heurts avec les soldats israéliens. Depuis le 30 mars, une vague de violences qui a fait craindre un nouveau conflit armé entre le Hamas, maître de Gaza, et l’Etat hébreu.
Au lendemain de ce vendredi de moindre violences, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, dont le pouvoir ne s’exerce que sur une parcelle de la Cisjordanie, s’est rendu en Egypte pour s’entretenir avec le président Abdel Fattah Al-Sissi des « dangers pesant sur la cause palestinienne », selon un communiqué de la présidence égyptienne.
Les efforts diplomatiques en cours visent en premier lieu à conclure un accord aux termes duquel le Hamas consentirait à œuvrer à mettre fin aux manifestations frontalières en échange d’un allègement du blocus côté palestinien. Et, dans ce cadre, le grand voisin égyptien reste un médiateur incontournable. Ces négociations indirectes entre l’Etat hébreu et le mouvement islamiste, qui impliquent également l’ONU, se déroulent néanmoins dans le plus grand des secrets, et les informations ne filtrent qu’au compte-gouttes.
La presse égyptienne, y compris la plus proche de l’appareil sécuritaire, se réfère elle-même uniquement à des sources palestiniennes ou aux médias israéliens pour les évoquer. « Nous nous activons pour que (plus) jamais ne se produise un conflit armé, quelle qu’en soit la forme, dans la bande (de Gaza) et en Cisjordanie », a déclaré dimanche le président Sissi, en déplacement à Charm el-Cheikh (est).
« L’Egypte poursuit ses efforts pour parvenir à un calme durable », confirme à l’AFP une source au sein du Hamas, sous le couvert d’anonymat. « Il y a eu plusieurs réunions avec la direction du Hamas et les factions (palestiniennes) dans ce but », précise-t-elle. « Toutes les entités égyptiennes sont mobilisées sur le dossier », précise quant à elle à l’AFP une source diplomatique égyptienne, là aussi sous le couvert de l’anonymat.
« Les autorités égyptiennes ne donnent pas d’information car les négociations sont toujours en cours », argue la même la source, qui qualifie de simples « déductions » les informations de presse tirées de sources palestiniennes. Côté égyptien, ce sont les Renseignements généraux qui ont la main sur ce dossier palestinien, et non les Affaires étrangères, ce qui est tout sauf une anomalie.
« Il y a évidemment des facteurs diplomatiques et politiques mais, aux yeux » des Égyptiens, « il s’agit de gérer une situation sécuritaire », souligne Zack Gold, spécialiste des questions de sécurité au Moyen-Orient et analyste au centre de recherches CNA, basé aux Etats-Unis. Depuis la destitution en 2013 par l’armée du président islamiste Mohamed Morsi, le nord du Sinaï, voisine de Gaza, est le théâtre d’une insurrection djihadiste ayant fait allégeance au groupe Etat islamique (EI).
Alors que l’Egypte mène une campagne pour déloger ces djihadistes de la péninsule, Le Caire considère l’ensemble de la zone comme une priorité sécuritaire. Dans ce contexte, Le Caire a encore accru son implication sur Gaza depuis la dernière guerre dans l’enclave en 2014, la médiation égyptienne avait à l’époque abouti à un cessez-le-feu, régulièrement remis en cause depuis.
Malgré sa défiance à l’égard du Hamas, longtemps honni pour ses liens avec les Frères musulmans, le pouvoir égyptien envoie régulièrement des délégations dans la bande de Gaza. Pour Le Caire, affirme la source diplomatique égyptienne, au-delà de la question du cessez-le-feu avec Israël, le point essentiel reste la réconciliation entre le mouvement islamiste et le Fatah lequel dirige l’Autorité palestinienne, au pouvoir en Cisjordanie.
Sur ce point, comme sur le conflit entre Hamas et Israël, sa médiation n’a pas encore donné de résultats probants, même si elle empêche la situation d’empirer, avance M. Gold. En octobre 2017, dans une rare démonstration médiatique, les Renseignements généraux égyptiens avaient célébré depuis leur siège du Caire la signature d’un « accord de réconciliation » entre le Hamas et le Fatah, chassé de Gaza dix ans plus tôt au terme de combats fratricides.
Mais ce texte est finalement resté lettre morte sur le terrain. A la lumière de ce précédent, « il n’y a pas vraiment de raison pour l’Egypte de mettre en avant son implication (à Gaza) tant que celle-ci ne produira pas de résultat fructueux« , note Zack Gold.
D.C avec AFP
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