Visionnaire et souvent vu comme humaniste, Gérard Pélisson, qui vient de décéder à l’âge de 91 ans, a formé avec son complice Paul Dubrule un tandem mythique du capitalisme français, qui a fait naître le géant de l’hôtellerie Accor.
« Diplômé de l’école centrale de Paris et du MIT », il avait cofondé Accor, « l’un des leaders mondiaux de l’hôtellerie », avec son partenaire Paul Dubrule et était également le cofondateur de l’institut Paul Bocuse avec le chef étoilé éponyme, a rappelé la famille. Le groupe et ses équipes « lui rendront hommage sur un mur virtuel recueillant les témoignages de sympathie venus du monde entier », a indiqué dans un communiqué Accor, dont M. Pélisson avait quitté la direction en 1997 pour devenir « coprésident du conseil de surveillance, aux côtés de Paul Dubrule ».
6e groupe hôtelier mondial avec 5400 établissements
Ingénieur de formation, Gérard Pélisson avait quitté IBM « pour déployer en France le modèle américain de l’hôtellerie standardisée », une « approche novatrice qui allait jeter les bases » d’Accor, aujourd’hui 6e groupe hôtelier mondial avec 5400 établissements sous les enseignes Novotel, Ibis, Sofitel, Mercure ou Pullman dans 110 pays. « Tous les grands projets n’ont vu le jour que parce que nous étions d’accord », disait-il au sujet de son partenaire Paul Dubrule, qu’il vouvoiera toute sa vie.
Né le 9 février 1932 à Lyon, Gérard Pélisson part, diplôme d’ingénieur de l’École centrale en poche, aux États-Unis où « les petits boulots » de sa femme paient ses études au célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT) avant qu’IBM ne l’embauche.
« Il était Bac +10, Dubrule était Bac -2. Lui était l’homme des chiffres, Paul celui de la stratégie. Ils avaient une complémentarité énorme, une très grande complicité, un respect extraordinaire… et des engueulades légendaires, mais toujours en privé », rapporte le biographe Henry Lang. Petit alors que Paul Dubrule est grand, ce qui est source de tensions entre eux, il s’achètera une Bentley car, dira-t-il, il peut « entrer debout » dedans.
Une longue série de succès
Rentré en France, il rencontre Paul Dubrule, comme lui admirateur de la « success story » américaine Holiday Inn, aux chambres standardisées en périphérie des villes, quand en France l’hôtellerie n’est pas encore une industrie. En trois ans, ils réunissent 3 millions de francs et ouvrent près de Lille en 1967, sur un ancien champ de betteraves proche de l’autoroute du Nord, un premier Novotel.
Succès immédiat. Deux autres Novotel sortent de terre en deux ans, à Colmar et Marseille et en 1974, Bordeaux accueille le premier Ibis, embryon du premier réseau d’hôtels économiques en France puis en Europe. Dans les années 70, la SIEH (Société d’investissement et d’exploitation hôteliers) investit en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique du Sud et du Nord, et devient Accor en 1983.
S’imposer jusqu’au Moyen-Orient
Ex-ambassadeur d’Accor pour le Moyen-Orient, Abdou Belgat se souvient que Gérard Pélisson voulait « conquérir les villes saintes » comme La Mecque, pour s’imposer dans la région où le groupe exploite aujourd’hui 133 hôtels, à Dubaï ou Abu Dhabi. Amateur de bons mots, adepte du franc-parler, il se disait « favorable à l’emploi à vie, sauf pour les cons », rapporte son co-biographe Pierre-Michel Kaufmann.
En visite dans un de ses hôtels, il épluche les comptes et préfère « demander à la réceptionniste pourquoi elle fait la tête » plutôt que de s’intéresser aux « salamalecs du directeur », se souvient M. Belgat. « Pilier, référence » de l’hôtellerie en France, le duo Pélisson-Dubrule avait « une fidélité à ses collaborateurs » à l’opposé de « la gestion par les purs financiers qui se sont imposés » sur le secteur, estime Didier Arino, du cabinet spécialisé Protourisme.
Formule1, le Mc Donald’s de l’hôtellerie
À coups de rachats Courtepaille, Mercure, Sofitel… le duo casse les codes, innove, inventant « la chambre à 99 francs » des Formule1, et se hisse parmi les leaders mondiaux du secteur. En 1990, ils veulent même créer le « Mc Donald’s de l’hôtellerie » en ouvrant 150 établissements par an. Fin gastronome, Gérard Pélisson avait « sa table, la numéro 5, réservée à vie au Pré Catelan », dit le chef triplement étoilé Frédéric Anton, heureux de sa « relation privilégiée » avec cet « épicurien », membre du « Club des cent », qui adorait « venir en cuisine, donner son avis sur un plat ».
À partir de 1994, les acquisitions à tout-va pèsent sur les comptes d’Accor : le tandem abandonne la direction opérationnelle en 1997 mais conserve la coprésidence du conseil de surveillance jusqu’en 2005.
L’année suivante, Gérard impose son neveu Gilles Pélisson à la tête du groupe, après une bataille d’actionnaires. Que lui a-t-il appris ? « Tout », répond le neveu, ex PDG de TF1, qui a créé avec lui la Fondation G&G Pélisson. « Une foi dans la vie incroyable, l’importance donnée aux collaborateurs, à l’aventure humaine, le poids donné aux grands patrons opérationnels dans la décision, la dynamique des affaires, les prises de risques… et l’idée que les managers doivent être accessibles », détaille Gilles Pélisson à l’AFP. « Ce sont des principes que j’applique encore ». En 1998, Gérard Pélisson avait aussi repris avec son ami Paul Bocuse l’École des Arts Culinaires et d’Hôtellerie d’Écully, rebaptisée Institut Paul Bocuse.
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