Un octogénaire, petit commerçant à la retraite, vit l’enfer depuis quatre ans. Non seulement son immeuble de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) a été squatté et saccagé pendant des années, mais Veolia lui réclame une somme de 100.000 euros pour des factures d’eau non payées. La multinationale ne compte pas effacer cette dette.
Cela fait des années que Selim, 86 ans, se bat pour récupérer son bien. Ce petit commerçant franco-turc à la retraite, parti de rien, s’était endetté dans les années 1970 pour racheter les murs de son commerce. Le pavillon de 180 m2 sur deux étages devait être un investissement pour compléter sa retraite qui ne s’élève qu’à 400 euros par mois. « Cet immeuble, c’est le fruit de mon travail », a-t-il expliqué au Parisien.
En 2018, alors qu’il s’apprêtait à le vendre, il s’est aperçu que trois logements de l’immeuble étaient squattés. C’est seulement en mars 2021, crise sanitaire oblige, que l’avis d’expulsion est enfin ordonné et la police de Saint-Ouen ne l’a mis en application que le 10 août 2022, alors que cela fait quatre ans que le propriétaire se bat pour récupérer son bien.
Contrat d’assurances résilié
L’immeuble est saccagé, infesté de rats, avec un trou béant dans un plafond envahi de moisissure, ce qui montre une infiltration d’eau massive. Le 24 mars 2022, l’octogénaire avait appris par un courrier que son assureur, Axa assurances, ne prendrait pas en charge les dégâts éventuels. « Quand un bien est squatté, les mesures de sécurité ne sont pas réunies, donc le contrat est résilié », a confirmé la compagnie d’assurances à nos confrères.
Selim, 86 ans, a dû se battre pendant quatre ans pour obtenir l’expulsion des squatteurs qui s’étaient installés dans son immeuble. Mais il a récupéré un bien saccagé et doit surtout régler une ardoise d’eau de 100 000 euros, exigée par Veoliahttps://t.co/HY3CwH5sPH
— Le Parisien (@le_Parisien) September 22, 2022
Jusqu’à 30.000 euros d’eau pour un seul trimestre
Comme si tout cela ne suffisait pas, un courrier recommandé de Veolia arrive le 24 mai 2022 dans la boîte aux lettres de Salim. La facture d’eau est plus que salée pour ces quatre années : 97.852 euros au total.
Le propriétaire avait pourtant averti le géant de l’eau, dès le 11 juin 2018, que l’immeuble était squatté, demandant que l’eau soit coupée. Veolia a refusé, au nom de la loi. Un fournisseur d’eau a en effet l’interdiction de couper l’accès à l’eau d’une résidence principale.
Les factures impayées ne sont pas toutes égales. De 2018 à avril 2020, elles sont plutôt raisonnables, à 300 ou 400 euros par trimestre. Puis elles grimpent à 3760 euros avant de dépasser les 20.000 euros, voire jusqu’à près de 30.000 euros pour un seul trimestre.
« J’ai remarqué que les factures gonflent dès que les premiers huissiers sont envoyés, et redescendent à un niveau normal après l’expulsion », précise l’avocat de Selim, Me Xavier Bouillot. « Ils ont vraisemblablement dû laisser les robinets couler 24 heures sur 24 », commente celui qui n’a jamais vu ça au cours de sa carrière.
Veolia propose « un étalement de la dette »
Veolia refuse d’effacer la dette. Tout au plus, la multinationale propose un aménagement. « Nous allons étudier la possibilité d’un geste commercial, et lui proposer un étalement de la dette », annonce Christian Schmitt, le directeur clientèle de Veolia Eau d’Île-de-France. « Nous allons en outre étudier la possibilité d’un dégrèvement, si l’on peut prouver qu’il y a une fuite avec écoulement en terre. Cela pourrait représenter 40 % du montant de la facture. »
Quant au propriétaire malchanceux, qui a vu la vente de son bien annulée à deux reprises au cours de ces années où son immeuble était squatté, il a fait murer tous les accès dès l’expulsion des indésirables. Ni lui ni son fils n’est tranquille tant que le bâtiment n’est pas vendu. « Nous redoutons d’être de nouveau squattés », confient-ils.
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