À l’instar d’autres Ehpad publics, la Résidence Chez Nous, dans le Tarn, est mise à mal par l’inflation et le non financement par l’État de certaines dépenses qui pourraient l’amener à fermer des lits, malgré une liste d’attente qui s’allonge.
La hausse des prix, notamment des aliments et de l’énergie, ont grevé les comptes de cet établissement communal de Saint-Sulpice-la-Pointe, explique sa directrice Audrey Growas, debout dans une grande salle, encore décorée pour les fêtes de fin d’année, où une dizaine de résidents assis à une table épluchent des légumes dans la bonne humeur.
En outre, les hausses salariales pour les soignants, décidées par le gouvernement, notamment lors du Ségur de la santé, mais non financées par l’État, s’élèvent à 78.000 euros par an, ajoute-t-elle, mettant l’Ehpad, qui accueille 82 résidents, en déficit.
« Nous, c’est l’anti-Orpea: on fait très attention au personnel qu’on recrute, on n’est pas sur un système comptable de rentabilité économique, on est sur un service public aux personnes âgées » et « un service public de qualité, ça a un coût », souligne le maire de ce bourg de 10.000 habitants, Raphaël Bernardin, chef de file LREM dans le Tarn de 2018 jusqu’en octobre 2022.
Une conception de l’accueil des personnes âgées qui diffère de certains établissements du secteur privé, et qu’il souhaite préserver.
« Les Ehpad privés, insiste-t-il, sont beaucoup plus chers pour les familles. Vous ne trouvez pas un Ehpad privé à 1.800 euros » par mois, faisant allusion aux prix actuels de la Résidence Chez Nous (entre 1.750 et 1.950 euros).
Ambiance sereine et conviviale à la résidence
Autour de la grande table où les animateurs ont posé les légumes (carottes, courgettes, poireaux ou oignons) les résidents semblent très loin de ces préoccupations.
Yvette Catusse, 95 ans, ancienne cultivatrice comme nombre d’autres résidents, veuve depuis peu, « après 73 ans de mariage », confie être bien dans l’Ehpad et apprécier « les distractions » qu’on lui propose.
« Je ne manque de rien. On est bien servi, bien soigné », dit-elle, souriante. « Et bien nourri », ajoutent plusieurs autres résidents.
Dans « la relation à l’humain, que ce soit dans les écoles, les Ehpad, les hôpitaux, vous ne pouvez pas être sur un système dit de rentabilité économique », poursuit le maire, qui a quitté le bureau exécutif de Renaissance (ex-LREM) en octobre dernier.
Au même moment, une dizaine d’autres personnes, moins valides, restent assises près des grandes fenêtres, en silence la plupart du temps.
Dans une autre pièce, dédiée à des soins adaptés à des personnes atteintes de maladies neurodégénératives, une animatrice aide quelques résidents à jouer à la pétanque.
« Je ne compte pas mes heures »
Visiblement motivés de travailler dans une structure respectueuse de ses résidents, les salariés évoquent néanmoins le manque de personnel et leurs efforts pour tenir, alors que le recrutement est difficile et l’absentéisme augmente.
« Je ne compte pas mes heures », résume Vincent Camallonga, 27 ans, qui travaille dans l’Ehpad depuis sept ans et aime beaucoup faire partie de « cette famille » où il y a « une bonne ambiance ».
Dans le contexte de déficit budgétaire, le maire de Saint-Sulpice n’exclut pas de fermer des lits pour équilibrer les comptes, alors qu’une quinzaine de personnes sont en liste d’attente pour venir dans l’Ehpad.
D’autres Ehpad publics touchés
« Notre situation n’est pas unique. Les 17 Ehpad du Tarn connaissent des difficultés comparables », souligne Laurence Blanc, adjointe au maire.
Selon une enquête réalisée par la Fédération hospitalière de France (FHF), qui représente 3.000 Ehpad publics, 85% des établissements prévoient un déficit pour l’année 2022, contre 45% en 2019, avant l’épidémie de Covid.
D’une manière plus générale, la FHF réclame une loi de programmation plus ambitieuse.
Cependant, « les moyens que prévoit d’y consacrer à ce stade le gouvernement (2,4 milliards d’euros par an) sont quatre fois inférieurs aux besoins à l’échéance 2030″, précise-t-elle.
« Est-ce qu’il y a une volonté d’État de laisser péricliter les Ehpad publics? », s’interroge le maire, ajoutant: « Au final, un Ehpad privé fait son business et ne demande rien à l’État ».
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