Le Conseil constitutionnel a validé la loi faisant de l’acte sexuel avec un mineur de moins de 15 ans un crime puni de vingt ans de réclusion criminelle, déboutant ainsi les auteurs d’une question prioritaire de constitutionnalité qui dénonçait une « présomption irréfragable de culpabilité ».
Un progrès pour la protection de l’enfance. Vendredi 21 juillet, le Conseil constitutionnel a validé une disposition phare de la proposition de loi du Sénat visant à protéger les jeunes mineurs des violences sexuelles. Porté par la sénatrice centriste Annick Billon et voté en avril 2021, ce texte crée la notion de crime de viol et introduit dans le code pénal un seuil d’âge de non-consentement à 15 ans.
En vertu de la loi Billon, les mineurs âgés de moins de 15 ans ne sont désormais plus requis de prouver les éléments constitutifs d’un viol (menace, surprise, contrainte, violence) lorsque la différence d’âge avec la personne majeure à l’origine de l’acte est d’au moins cinq ans. En outre, commettre des actes de pénétration sexuelle sur un jeune de moins de 15 ans sera à présent condamné par une peine de vingt ans de réclusion criminelle.
« Le législateur n’a pas institué une peine manifestement disproportionnée »
Ces dispositions étaient contestées par les avocats Louis Heloun et Antoine Ory dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Les auteurs de cette procédure estiment que la nouvelle loi, en fixant le seuil de consentement à 15 ans, instaure une « présomption irréfragable de culpabilité » contraire aux droits de la défense. Aussi, ils demandaient « l’abrogation immédiate » du texte, qui, de leur avis, remet « frontalement en cause la présomption d’innocence » et porte atteinte au principe de nécessité et de proportionnalité des peines, la nouvelle infraction étant punie « trois fois plus sévèrement » que l’atteinte sexuelle (sept ans de prison encourus), dans le cas où l’acte est commis sans violence mais que la différence d’âge entre le majeur et le mineur est inférieure à cinq ans.
Les Sages leur ont donné tort. Le Conseil constitutionnel a souligné qu’il appartenait « aux autorités de poursuite de rapporter la preuve de l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction, qui n‘ont ni pour objet ni pour effet d’instituer une présomption de culpabilité ». En réponse aux critiques, l’instance a également fait valoir que « le législateur, qui a entendu renforcer la protection (des) mineurs victimes d’infractions sexuelles, n’a pas institué une peine manifestement disproportionnée ».
« Une relation sexuelle avec un enfant n’est pas un délit mais un crime »
De quoi réjouir la sénatrice Annick Billon, également présidente de la délégation aux droits des femmes, qui déclare dans un communiqué : « La loi qui protège les mineurs des crimes sexuels n’accuse pas, elle qualifie la gravité d’un acte et ne porte aucunement atteinte à la présomption d’innocence. Elle dit qu’avoir une relation sexuelle avec un enfant n’est pas un délit mais un crime » […] la remise en question de cette avancée historique en faveur de la protection des mineurs est d’autant plus déplorable qu’elle émanait d’une personne accusée de viol sur plusieurs enfants ».
C’est une décision « historique », qui « marque une rupture dans la lutte contre le déni », a salué le juge des enfants Édouard Durand, coprésident de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), enjoignant le législateur à « aller plus loin » encore dans la protection des victimes.
Peu avant l’examen de cette loi par le Conseil constitutionnel, le journaliste Karl Zero s’était mobilisé sur les réseaux sociaux, appelant à exprimer massivement l’opposition à ce que la loi Billon soit retoquée: « Demain, le violeur pourra plaider le « consentement » de sa victime. Dîtes NON. Laurent Fabius doit comprendre qu’on n’est pas d’accord. Car dans notre dos – et dans deux jours – le 21 juillet, le Conseil Constitutionnel risque d’abroger deux articles de la loi qui protège les mineurs de moins de 15 ans. » Une publication partagée près de 11.000 fois sur Twitter. « Le Conseil constitutionnel vous a entendu et a validé la loi protégeant les mineurs de moins de 15 ans. Comme quoi, Twitter ça aide « les Sages » à le rester », a ensuite ironisé Karl Zéro à la suite de la décision de l’instance.
Pour rappel, cette loi d’avril 2021 avait trouvé pour point de départ la déflagration déclenchée par l’affaire Olivier Duhamel, accusé dans un livre par sa belle-fille Camille Kouchner d’abus sur son frère jumeau, alors adolescent, et par le mouvement #Metooinceste.
« Ce que montre le débat actuel, c’est qu’il existe désormais une exigence sociale très forte et très claire pour que notre système juridique, d’enquête et de procédure pénale, protège mieux les enfants », estimait alors Édouard Durand. Et d’ajouter : « Ces livres (« Le Consentement » de Vanessa Springora paru chez Grasset en 2020, « La Familia grande », de Camille Kouchner au Seuil), ces affaires Matzneff et Duhamel, nous font voir le réel, c’est-à-dire l’asymétrie et la violence, la prise de pouvoir d’un adulte, par l’acte sexuel, sur le corps d’un enfant. »
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