Au lendemain de la démission d’Élisabeth Borne, la cour de Matignon s’apprêtait à accueillir son successeur, qui pourrait être le jeune ministre de l’Éducation Gabriel Attal mais le retard pris pour officialiser sa nomination alimentait les spéculations.
L’annonce du nouveau Premier ministre, d’abord espérée lundi soir, a été repoussée à mardi en fin de matinée et était attendue avant les journaux de 13 heures, selon l’entourage d’Emmanuel Macron. Ce qui n’empêchait pas Matignon de se préparer à une passation de pouvoirs, entre test de micros et répétitions avec la garde républicaine.
Ce retard est-il dû à des résistances internes – notamment des ministres Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, vigoureusement démenties par les intéressés ? Ou encore à des réticences des alliés du Modem ? Ou bien à la difficulté de trouver les équilibres au sein d’une équipe que l’entourage de M. Macron annonçait profondément remaniée ?
Figurant parmi les personnalités politiques préférées des Français depuis sa nomination il y a moins de six mois au ministère de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, 34 ans, aurait pour mission d’offrir à Emmanuel Macron l’élan que son second quinquennat n’a jamais trouvé.
Sa première tâche sera de former un nouveau gouvernement sous le signe du « réarmement » vanté par le chef de l’État lors de ses vœux du Nouvel An : « réarmement industriel, économique, européen » mais aussi « civique », autour notamment du vaste chantier de l’école que Gabriel Attal a porté depuis l’été en initiant de nombreuses réformes d’ampleur.
« Un élan, une dynamique, une audace »
S’il est nommé, il sera le plus jeune Premier ministre de la République. Il « incarne un élan, une dynamique, une audace dont on a sûrement besoin », résume un cadre de la majorité. Emmanuel Macron avait salué le 20 décembre sur France 5 chez Gabriel Attal un responsable politique qui « partage ses combats depuis le début » et qui a « l’énergie, le courage » pour « porter les réformes » à venir voire, tel un héritier, « continuer le combat ».
Reste à savoir si le remaniement sera d’ampleur ou les sortants nombreux. Plusieurs proches du président, dont François Bayrou, appellent à resserrer l’équipe gouvernementale qui compte aujourd’hui 39 membres.
En attendant, le ministre des Transports Clément Beaune – donné sur le départ – était sur le pont de bon matin pour gérer le chaos routier en Île-de-France après des chutes de neiges nocturnes imprévues. Celui de la Transition écologique Christophe Béchu était attendu dans le Pas-de-Calais touché par les inondations. Preuves selon une source élyséenne de la « continuité de l’État ».
Une « stratégie très offensive en vue des élections européennes »
Pour le constitutionnaliste Benjamin Morel, Gabriel Attal incarne une « stratégie très offensive en vue des élections européennes » de juin, où l’extrême droite est donnée gagnante en France. Mais le deuxième quinquennat Macron est englué dans les difficultés : sans majorité à l’Assemblée depuis 2022, confronté à la montée du Rassemblement national, le président peine à donner du souffle à son mandat. L’adoption dans la douleur de l’impopulaire réforme des retraites, et plus récemment d’une loi immigration soutenue par le RN qui a divisé la majorité présidentielle, ont aussi laissé des traces.
La nomination de Gabriel Attal, macroniste de la première heure, offrirait des garanties aux tenants du « dépassement » du traditionnel clivage droite-gauche. Mais, elle « ne réglera pas le problème de la majorité », ni celui du « cap principal du mandat », souligne le politologue Bruno Cautrès même si le jeune ministre peut faire penser au « Macron du départ, un briseur de code ».
Son nom est remonté en haut de la liste lundi pour Matignon alors que deux favoris tenaient jusque-là la corde : le discret ministre des Armées Sébastien Lecornu, 37 ans, un proche d’Emmanuel Macron venu de la droite, et l’ancien ministre de l’Agriculture, parti dans le privé Julien Denormandie, 43 ans, un macroniste historique.
Et, si sa jeunesse et sa nomination récente à l’Éducation nationale, où il a lancé de vastes chantiers à concrétiser, étaient invoquées ces derniers jours par plusieurs conseillers pour écarter l’hypothèse de sa nomination, les mêmes arguments justifient désormais sa promotion. « La jeunesse, la cote dans l’opinion et la capacité réelle ou supposée à conduire la campagne gouvernementale des européennes ont fait la différence », croit savoir la source proche de l’exécutif.
Quel que soit le locataire de Matignon, la gauche était unanime mardi à réclamer un vote de confiance du Parlement « comme dans toutes les démocraties », même si socialistes et communistes n’ont pas brandi, comme les Insoumis, la menace d’une motion de censure. Le nouveau Premier ministre peut engager la responsabilité ou pas de son gouvernement devant le Parlement, où il prononce habituellement un discours de politique générale.
Gabriel Attal avait fait partie des premiers socialistes à suivre Emmanuel Macron lors de la création en 2016 de son parti En Marche!, tremplin vers l’Élysée. Entré par la petite porte au secrétariat à la Jeunesse, son ascension a été fulgurante : porte-parole du gouvernement, ministre du Budget, il hérite de l’Éducation nationale en juillet, où il interdit l’abaya à l’école au nom de la « laïcité » et se dit prêt à expérimenter le port de l’uniforme.
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