L’auteur et illustrateur français Laurent de Brunhoff, mort vendredi à l’âge de 98 ans aux États-Unis selon les médias américains, a poursuivi avec succès les aventures de Babar, personnage adoré des enfants du monde entier, créé en 1931 par ses parents.
« Dans la grande forêt, un petit éléphant est né. Il s’appelle Babar » : en écrivant, sous un dessin, cet incipit, le père de Laurent, Jean de Brunhoff, n’imaginait pas le destin incroyable de son placide pachyderme en costume vert, devenu un classique.
Les albums de Babar – une vingtaine que l’on doit à Laurent et sept à son père – se sont vendus à des millions d’exemplaires, notamment aux États-Unis. Les albums ont été traduits dans des dizaines de langues.
The Art of Babar: For more than seven decades, Laurent de Brunhoff painted the adventures of the world’s most beloved elephant | @nytimes https://t.co/3j9RoiZRFr pic.twitter.com/ZQ2mVmrGBq
— Children’s Bookshelf (@PWKidsBookshelf) March 24, 2024
Comme dans un conte
Tout a commencé comme dans un conte : l’épouse de Jean, Cécile, qui était pianiste, aimait raconter à ses deux garçonnets, Laurent et Mathieu, les aventures d’un petit éléphant dont la maman était tuée par un chasseur, qui s’enfuyait à la ville, rencontrait une gentille vieille dame, apprenait à vivre parmi les hommes puis retournait en forêt pour y épouser Céleste et devenir roi.
Séduit par le récit, son mari, qui était peintre et venait de dessiner la salle à manger des enfants du paquebot « Normandie », le mit en images et en fit un livre.
Éditées en 1931 aux éditions du Jardin des Modes, avant que la collection ne rejoigne Hachette Jeunesse en 1936, les aventures de Babar rencontrèrent aussitôt le succès.
« Il existait alors très peu de livres pour les enfants. L’imagination et la poésie de mon père étaient (nouvelles) ainsi que sa façon de dessiner, ni stylisée, ni réaliste », a expliqué 40 ans plus tard Laurent, homme mince et élégant, au front dégarni et à l’œil vif.
Laurent de Brunhoff, autor dos livros infantis Babar, morre aos 98 Anos https://t.co/9lrZXpxXwT pic.twitter.com/62nYgtIxTG
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Une jeunesse enchantée
Il a 12 ans lorsque Jean meurt de tuberculose (en 1937), 13 lorsque son oncle Michel, qui dirige l’édition française de Vogue, assure l’intérim et 21 lorsqu’il reprend le flambeau, en 1946, avec « Babar et ce coquin d’Arthur ».
« En 1945, je me suis installé à Montparnasse. J’étais fasciné par la peinture abstraite. Mais il y avait Babar. J’étais persuadé qu’il devait continuer à vivre. J’ai alors dessiné l’album, Babar et ce coquin d’Arthur. Ma mère était très heureuse, l’éditeur était ravi. Mes deux frères avaient leur vie. Je ne me suis jamais demandé pourquoi moi. Je l’ai fait très naturellement », disait-il au Figaro, en 2011.
« Continuer Babar, c’était prolonger la vie de mon père », disait-il, soulignant avoir connu une jeunesse enchantée. Cécile devait décéder, elle, à l’âge de 99 ans.
Né le 30 août 1925 à Paris, Laurent avait suivi des études de peinture. Il avait surtout observé, dans la maison familiale de Chessy (Seine-et-Marne), le travail de son père sur Babar. Il lui restera fidèle en favorisant les explosions de couleurs et en maintenant le grand format. Avant Babar, les albums pour enfants étaient de taille réduite.
« Babar et ce coquin d’Arthur », « La fête de Célesteville », « Babar sur la planète molle » ou encore « Babar à Paris » (2017)… autant d’albums signés Laurent qui ont marqué l’enfance des baby-boomers et celles de leurs enfants ou petits-enfants. Tous réunis autour de la « Chanson des mammouths » et de ses singulières paroles : « Patali dirapata, cromda cromda ripalo, pata pata ko ko ko. »
Babar author Laurent de Brunhoff, who revived his father’s popular picture book series about an elephant king and presided over its rise to a global franchise, has died at the age of 98. #booklovers #bookworms https://t.co/YFuDHvFmZs pic.twitter.com/dXSflycwcQ
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Refus des scènes méchantes
Laurent a refusé dans ses planches trop de concessions à la mode, les scènes méchantes, jouant en revanche sur les éternelles et attendrissantes bêtises des petits (grimper aux arbres, avaler un hochet, avoir un accident de poussette, manquer de se noyer etc). Le tout en famille, bien sûr!
« Babar fait ce que la plupart des petits enfants voudraient pouvoir faire. Il rejoint le monde des adultes tout en gardant les privilèges de l’enfance, cela en toute impunité… Il peut porter des vêtements d’adulte, prendre l’ascenseur, aller pêcher, conduire une voiture, épouser Céleste et devenir le roi de la jungle. Tout cela parce que sa véritable personnalité est cachée derrière une forme animale et qu’il n’est ni enfant ni adulte, mais un peu des deux », explique la critique britannique Margaret Blunt à propos du succès de Babar, citée dans Le Figaro.
Babar et les siens ont été déclinés en plus de 500 objets, du cartable à la parure de lit, du papier peint au parfum. Il a été le héros de plusieurs expositions, a été mis en musique par Francis Poulenc en 1945, en jeux de société, en images et en disques.
Et la saga n’est pas près de disparaître : les enfants d’aujourd’hui peuvent suivre sur les plateformes de streaming, en 3D, les aventures de Badou, le petit-fils de Babar.
Laurent de Brunhoff, qui a aussi travaillé pour les éditions scolaires chez Hachette et chez Nathan, s’était installé aux États-Unis et marié à l’autrice américaine Phyllis Rose. Il a fait don de planches originales de Babar à la Morgan Library de New York ainsi qu’à la Bibliothèque nationale de France.
Laurent de Brunhoff est « décédé vendredi à son domicile de Key West, en Floride », a rapporté le journal New York Times, citant son épouse Phyllis Rose qui a évoqué des « complications après un accident vasculaire cérébral » (AVC).
Phyllis Rose avait posté il y a trois jours sur Instagram une peinture réalisée fin février représentant Laurent de Brunhoff et son infirmière. « Peu de temps après, Laurent a eu un mini-AVC » et son état « s’est rapidement dégradé », avait-elle écrit. « Il est en soins palliatifs, à la maison, dormant presque tout le temps, aussi doux, calme et adorable qu’il l’a été toute sa vie », avait-elle poursuivi.
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