L’Egypte, poids lourd démographique tout juste devenu autosuffisant en gaz naturel, veut désormais s’imposer comme le grand pôle énergétique de Méditerranée orientale, afin de conforter son influence géopolitique et de redresser une économie en berne. Grèce, Chypre ou encore Israël: Le Caire, encouragé par des découvertes récentes de champs gaziers au large de ses côtes, a multiplié la signature d’accords ces derniers mois. Depuis un an, quatre grands gisements de gaz égyptien ont été ajoutés à la carte de la production, s’est récemment félicité le ministère du Pétrole.
L’un d’eux, le gigantesque champ gazier de Zohr en Méditerranée, a été inauguré en grande pompe en janvier par le président Abdel Fattah al-Sissi. Découvert en août 2015 par le géant italien de l’énergie ENI, il s’agit du « plus grand » gisement offshore de gaz dans les eaux territoriales égyptiennes. Trois autres importants gisements ont été découverts par la suite: Atoll, Noros et Alexandrie. Résultat: depuis septembre, l’Egypte, pays le plus peuplé du monde arabe avec de près de 100 millions d’habitants, a cessé d’importer du gaz naturel liquéfié. En 2017, il payait encore 220 millions USD par mois en importations.
Dans un pays qui a dû réclamer en 2016 un prêt de 12 milliards de dollars sur trois ans du Fonds monétaire international (FMI) et dont le déficit budgétaire a atteint les 10,9% du PIB en 2016-2017, avant de redescendre à 9,8% l’année suivante, cette autosuffisance constitue une aubaine. La production atteint désormais 184 millions de mètres cubes de gaz et, le cap de l’autosuffisance franchi, l’Egypte entend devenir une puissance exportatrice. A cette fin, Le Caire a décidé d’ouvrir la porte au secteur privé pour importer du gaz afin de le liquéfier dans les usines de Damiette et Edkou (nord), puis de l’exporter vers l’Europe.
Le 19 septembre, Le Caire a signé avec Chypre, principale île de Méditerranée orientale, un accord pour la construction du premier pipeline sous-marin transportant du gaz naturel chypriote vers l’Egypte, distance de quelques centaines de kilomètres, avant sa réexportation vers l’Europe. L’accord a été signé sur fond de tensions avec la Turquie, qui outre un contentieux politique avec Le Caire en raison de sa proximité avec les Frères musulmans revendique des droits sur l’exploitation gazière de l’île dont elle occupe la partie nord.
En février, un autre accord avait été conclu avec Israël pour le transfert de gaz naturel des champs israéliens de Tamar et Leviathan vers l’Egypte. En vertu de cet accord, l’Américain Noble Energy et son partenaire israélien Delek Group, ainsi que l’Égyptienne East Gas, ont acheté 39% du gazoduc reliant la ville israélienne d’Ashkélon au nord du Sinaï égyptien. Le contrat prévoit la fourniture de 64 milliards de m3 de gaz extraits des champs israéliens, pour un montant de 15 milliards de dollars.
Selon un article du site d’information indépendant « Mada Masr », les Renseignements généraux sont les actionnaires majoritaires de East Gas, « principal gagnant de l’importation de gaz israélien et de sa revente à l’Etat égyptien ». M. Kamal assure n’y voir « aucun problème », précisant que les Renseignements sont actionnaires majoritaires de cette entreprise depuis 2003. « Cela garantit la protection des intérêts égyptiens », fait-il valoir.
Dans ce secteur hautement stratégique, leur présence n’a en effet rien d’anodine. « Ces projets confirment l’importance stratégique de l’Egypte et lui permettent de mettre à profit sa situation géographique au milieu des pays producteurs plus à l’Est et des pays consommateurs à l’Ouest », explique à l’AFP Ezzat Abdel Aziz, ex-président de l’agence égyptienne de l’énergie atomique.
« Le projet de l’Egypte de devenir un pôle énergétique régional ne se limite pas au secteur du gaz naturel, mais implique également de grands projets dans les secteurs du pétrole et de la pétrochimie », souligne pour sa part l’ex-ministre du Pétrole, Osama Kamal, très impliqué dans ces dossiers. L’Etat espère ainsi tirer des milliards de dollars de revenus du secteur pétrolier. Le ministre du Pétrole, Tarek el-Molla, a récemment annoncé la signature d’un accord pour agrandir la raffinerie de Midor au Caire, en vue d’une augmentation de la capacité de production de 60%.
La nouvelle raffinerie de Mostorod, au nord du Caire, suscite également beaucoup d’attentes. Elle « produira 4,4 millions de tonnes de produits pétroliers par an, et entrera en fonction au plus tard en mai prochain », a affirmé à l’AFP Ahmed Heikal, président de la société Citadel Capital. Les importations de pétrole et produits pétroliers de l’Egypte s’élevaient à environ 5,2 milliards USD en 2017. Selon M. Heikal, la production de Mostorod seule permettra à l’Etat d’économiser deux milliards de dollars par an d’achats de produits pétroliers.
Le pays veut également développer son industrie pétrochimique avec le complexe pétrochimique Al-Tahrir d’Aïn Sokhna, en cours de construction sur la mer Rouge. Objectif: produire quatre millions de tonnes de produits pétrochimiques par an et permettre à l’Egypte de devenir là aussi exportateur. Ce projet doit permettre la création de 3.000 emplois, dans un pays où le chômage est vecteur de tensions sociales.
D.C avec AFP
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