Le gouvernement populiste italien, au bord de la rupture au sujet de la ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin (LGV), a trouvé in extremis samedi un biais juridique qui lui permet de désamorcer la crise politique.
Un « escamotage » (en français), un « truc », « une acrobatie juridique » sont les termes choisis dimanche par la presse italienne pour qualifier la manœuvre du président du Conseil italien, Giuseppe Conte, pour sortir de l’impasse du Lyon-Turin, dossier qui divise les deux composantes de son gouvernement, La Ligue (extrême droite) et le Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème).
Alors que les appels d’offres pour la poursuite des travaux de la LGV devaient être lancés lundi, sous peine de perdre 300 millions de financements européens, M. Conte a envoyé une lettre à la TELT (société franco-italienne chargée des travaux), l’invitant « s’abstenir, avec effet immédiat, de toute activité pouvant entraîner des blocages juridiques et économiques pour l’Etat italien en rapport aux appels d’offres ».
« Un texte que le professeur de droit privé (Giuseppe Conte) a peaufiné de sa main jusque tard dans la nuit de vendredi, convaincu de trouver la formule magique pour sortir le gouvernement de la panade », explique dimanche le Corriere della Sera, premier quotidien de la péninsule.
Car les deux hommes forts de l’exécutif, Matteo Salvini, vice-Premier ministre et patron de la Ligue, et son homologue Luigi Di Maio, chef de file du M5S, sont à couteaux tirés sur le sujet depuis des semaines, au point que les médias prédisaient samedi encore la chute du premier gouvernement populiste dans un pays fondateur de l’Union européenne (EU).
La Ligue, ancrée dans le nord de l’Italie et proche de ses entreprises, est très favorable à cette nouvelle infrastructure, estimant qu’elle est une source de développement et d’emplois, tandis que le M5S, pour qui elle représente un formidable gaspillage d’argent public, y est opposé.
La proposition du Premier ministre italien permet à la TELT de lancer dès lundi les « avis de marchés » (étape préliminaire aux appels d’offres) pour les travaux relatifs à la partie française du tunnel transfrontalier du Lyon-Turin, et d’éviter ainsi de voir s’envoler les fonds européens. Le dispositif donne également un délai de six mois, la durée légale de cette première phase, à l’Italie (mais aussi à la France) pour rediscuter du projet avant un engagement ferme de chaque partenaire.
Une formule qui permet aussi bien à la Ligue qu’au M5S de sortir la tête haute de ce bras de fer et d’enterrer pour un temps la hache de guerre en repoussant leur querelle après les élections européennes du mois de mai. « Il n’y a ni vainqueur ni vaincu, La Ligue gouverne pour que les Italiens gagnent », a déclaré samedi Matteo Salvini en réaffirmant que la LGV « devait se faire ».
« Sur la LGV, la situation est en train de se résoudre positivement. Donc, désormais, parlons d’autre chose et avançons », a déclaré sur Facebook Luigi Di Maio, qui reste farouchement hostile au projet. L’opposition de gauche a de son côté fustigé le gouvernement « divisé et incapable de dire oui ou non au Lyon-Turin ». « Conte, Salvini et Di Maio sont en train de détruire la crédibilité de l’Italie », a fustigé Graziano Delrio (Parti démocrate, gauche) qui est aussi l’ancien ministre des Transports.
Giuseppe Conte a pour sa part indiqué qu’il avait écrit au président français, Emmanuel Macron, et au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qu’il souhaite rencontrer « pour lancer un processus de décision partagé ». Lors d’une conférence de presse jeudi, M. Conte (qui est proche du M5S) avait dit vouloir « rediscuter intégralement » le projet Lyon-Turin, exprimant « de forts doutes et sa perplexité sur l’opportunité de cet ouvrage ».
L’Italie souhaite, en particulier, que soit revue la répartition du financement de la future ligne, dont le coût est supporté à 40% par l’UE, 35% par l’Italie et 25% par la France. Vieux de plusieurs décennies, le projet de LGV Lyon-Turin vise à réduire les transports de marchandises en camion au profit du rail et à diviser par deux le temps de trajet pour les passagers, en mettant Turin à deux heures de Lyon.
D.C avec AFP
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