Passagère refusée dans un bus à cause de sa jupe : le chauffeur de la RATP porte plainte pour « discrimination » et « dénonciation calomnieuse »

10 mai 2019 12:25 Mis à jour: 11 mai 2019 13:18

L’avocat du machiniste a fustigé les « propos fallacieux » tenus par le père de la jeune fille.

Il y a une dizaine de jours, le poète Kamel Bencheikh publiait une tribune sur sa page Facebook dans laquelle il accusait un chauffeur musulman de la RATP d’avoir empêché sa fille de monter dans son véhicule au motif qu’elle portait une jupe le soir du 30 avril, rue de Crimée, au niveau de la station Boztaris, dans le 19arrondissement de Paris.

Une discrimination que M. Bencheikh considérait être liée aux convictions religieuses du machiniste, décrit comme « un barbu de type maghrébin ».

« Arrêter de laisser la gestion de nos vies aux islamistes »

« Ma fille était en jupe et ça a touché profondément les sentiments religieux de cet islamiste que la régie des transports parisiens salarie et fait vivre », avait affirmé l’auteur de Préludes à l’espoir.

« Ma fille Élise est sortie avec une amie hier et a voulu prendre tardivement, le bus 60 à la station Botzaris près des Buttes Chaumont pour descendre en direction de la mairie du 19e arrondissement », expliquait l’écrivain sur Facebook en revenant sur les évènements du 30 avril.

« À 23 heures 05 précisément, se présente le bus 60 qu’elle attendait avec son amie. Il n’y avait qu’elles deux. Le bus s’arrête et elles se présentent à la portière. Le machiniste regarde ma fille et refuse d’ouvrir la portière. Elle tambourine encore mais rien ne se passe. Le bus démarre et s’arrête vingt mètres plus loin, au feu rouge. »

« Ma fille court et se présente de l’autre côté du bus pour parler au conducteur. À la question de savoir pourquoi il n’ouvre pas la porte, le conducteur répond : t’as qu’à bien t’habiller ! »

Un incident qui avait poussé M. Bencheikh à lancer un appel sur les réseaux sociaux : « Aujourd’hui je lance un appel à la RATP, à la mairesse de Paris et à son conseil municipal, au maire du 19e arrondissement, au Conseil régional de l’Île-de-France et à tous ceux que cela concerne : il faut arrêter de laisser la gestion de nos vies aux islamistes qui nous les pourrissent. »

Quelques heures après la publication de son billet, la page Facebook du poète avait finalement été fermée.

Une enquête interne suivie en haut lieu

Le dimanche 5 mai, la RATP avait annoncé qu’elle ouvrait une enquête interne et une procédure disciplinaire pouvant « aller jusqu’à la révocation ».

La ministre des Transports et la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations avaient rédigé un communiqué dans lequel elles expliquaient suivre « avec la plus grande attention le déroulement de cette enquête ».

« Si les faits rapportés étaient confirmés, ils seraient d’une grande gravité, totalement contraire aux valeurs de service public, et nécessiteraient des sanctions exemplaires», avaient-elles ajouté.

« Aucun antécédent dans son dossier »

Interrogé par l’AFP, maître Samim Bolaky, avocat du chauffeur de bus incriminé, a dénoncé les déclarations de Kamel Bencheikh, estimant qu’il s’agissait de « propos fallacieux ».

« Mon client n’a aucune pratique religieuse affectant son activité professionnelle », a-t-il expliqué. Jeudi dernier, il a d’ailleurs transmis au parquet de Paris une plainte pour « discrimination sur le fondement de l’appartenance, vrai ou supposée, à une religion déterminée », « dénonciation calomnieuse » et « faux et usage de faux ».

D’après M. Bolaky, le machiniste de la RATP aurait bel et bien marqué l’arrêt à la station Botzaris, tandis que la fille de M. Bencheikh et son amie « fumaient et continuaient à fumer devant les portes de son bus ». Le chauffeur serait ensuite reparti avant d’être rattrapé au feu rouge par les deux jeunes femmes qui lui auraient alors demandé des explications.

« Une dizaine de passagers occupaient le bus au moment des faits, et pourraient très facilement attester de la teneur des propos du conducteur de bus, qui n’a aucunement évoqué l’accoutrement des deux jeunes femmes », a souligné maître Bolaky.

La RATP a pour sa part précisé que les bandes de vidéosurveillance à bord du bus n°60 ce soir-là ne pouvaient pas être utilisées car « hors délais ».

Employé depuis quatre ans par l’Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), le chauffeur visé par une procédure interne « n’a aucun antécédent dans son dossier » et « n’a jamais eu à faire l’objet d’observation ou de sanction quant à son comportement », selon la RATP.

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